Le blog coruscant et capricant d'un couple de garçons en retour d'exil

jeudi 2 décembre 2010

Sport Deluxe

Le moins que l'on puisse dire, c'est que je ne suis plus très présent sur ce blog (ça s'est vu?), mais je suis toujours assidu au cloub de gym de Frosty-le-tigre. Admirez mesdames zet m'sieurs : à raison de trois séances hebdomadaires depuis pas loin d'un an, (!) je suis en train de me forger un corps d'athlète. Tout doucement. Tout est question de motivation ("j'ai payé, je rentabilise" est un mantra à réciter en temps de cagnardise).

Là où je m'épate, c'est que ça fait un mois et demi que, sous des prétextes fallacieux, mon wingman du mercredi après-midi sèche lamentablement : Follet est une flemmasse. La dernière raison invoquée est une pantalonnade. Il y a des gens qui se luxent l'épaule, la hanche ou la rotule; Follet se luxe le poignet, rareté absolue. Comble du burlesque, l'origine du traumatisme est (oui, c'est bon, lâchez-vous, tout le monde lui a fait la blague...) une véritable acrobatie, une cascade comme vous n'en avez sans doute jamais vue : Follet a mis son sac à dos sur ses épaules. L'anecdote doit avoir une valeur pédagogique : dites bien à vos enfants de ne pas trop alourdir leur sac (et de ne pas trop solliciter leur poignet : ça ne rend pas sourd, mais ça empêche d'aller au sport). Ce nigaud a mis pas loin d'une semaine pour se rendre compte que son os s'était fait la malle : vous y croyez, vous? Il y a de quoi se gausser copieusement, et je ne m'en suis pas privé!

En l'absence de Follet, j'ai cherché à recruter de nouveaux équipiers - je ne suis pas un tendre, je suis pragmatique : pas de place en ce monde pour ceux qui ne survivent pas à la sélection naturelle (les mous du genoux et du poignet), avec moi c'est marche ou crève*. YoungFather , lui, est un vrai mec : il a relevé le défi du cloub de muscu. Son effarement face à l'ambiance "animale" (je cite) des vestiaires me rappelle qu'il existe des hétéros qui ne sont pas beaufs ("En ce moment, je sors, je baise, je bouffe plus, je dors plus. Si tu veux progresser, faut bouffer et dormir, y a que ça", c'est la perle recueillie aujourd'hui, à noter sur tous les bulletins trimestriels; ça tombe mal, j'ai déjà rempli les miens). Que cette saillie ait heurté mon acolyte, c'est rassurant. Quand je réalise que ça ne m'a même pas fait bondir, ça m'inquièterait plutôt. J'ai dû achever ma métamorphose en gros balourd. C'est décidé, la prochaine fois que je franchis la porte des vestiaires, je saluerai la cantonade d'un "Bonjour mesdemoiselles" virilement troussé. YoungFather dans les vestiaires, c'est un peu un Persan à Versailles, très rafraîchissant. J'aurais sans doute l'occasion de vous parler de nos prochaines séances - je vous dirai s'il s'accoutume à nos moeurs barbares.

Mais après la loi de la jungle, il est temps d'évoquer une règle peut-être plus cruelle encore : le karma. Ce matin, je me suis vautré dans la neige à un mètre de ma porte, déséquilibré par un projet audacieux : enfiler mes gants en marchant. Depuis, j'ai mal à l'épaule. Vous croyez qu'elle est luxée?

Pitou G.

* C'est pourtant bien vrai qu'il manque un point d'ironie dans nos codes d'écriture...

samedi 27 novembre 2010

Des boches de cadeaux

Durant notre fête de l'été/anniversaire (dont la narration est restée dans des cartons, comme Thierry Beccaro, bloqué pour toujours dans Mo-mo-motus), l'on a beaucoup ironisé sur la gentille liste d'idées cadeaux que j'avais préparée de longue date pour éviter des soucis de dernière minute "Merdonapadecado, vituntruc!" et des présents foireux. G. rappellerait ici le traumatisme initial que je lui fis subir peu de temps après notre rencontre lorsque je déclarai d'un air grave: "Pour moi, rien de pire qu'un cadeau raté." C'est certain, le surendettement et le chômage, le choléra , le cancer ou le Petit Bonhomme en mousse, c'est de la gnognotte à côté d'un combiné coucou suisse/appareil à raclette.
Le bougre a finalement digéré cette mise en garde voilée, car il a même pris la liberté de faire du hors liste cette année. Bien lui en a pris, tant nos amis se sont mis en quatre pour dénigrer cette pauvre liste.
La tension monte parmi nos lecteurs qui n'étaient pas présents cet été (en fait non, plus personne ne lit vu qu'on poste un message par mois): "MAIS QUE CONTENAIT CETTE LISTE?" hurlez-vous peut-être déjà derrière votre écran en lacérant le papier peint avec les dents.
Tout d'abord, j'ai enfin choisi un service de table festif (les plus fidèles lecteurs, qui nous suivent depuis Quaidesomme s'étaient déjà exprimés à ce sujet ). Nos dîners seront donc servis dans l'élégance de notre salle à manger et dans les assiettes Eden de Médard de Noblat. Cependant, je me suis douté que ce genre de cadeau pouvait ne pas plaire du tout à nos amis, j'ai donc choisi un assortiment de bricoles à des prix et usages variés, comme:
- le récup'jus ("C'est nul, j'en ai plein mes tiroirs, ça ne marche pas, c'est la honte" a martelé Poussinou)
- une fontaine solaire ("T'as vu le prix du machin? Tout ça pour te la péter quand tu as des visiteurs pour faire style Grandes Eaux de Versailles!" a conclu Sabybanana)
- un sablier de douche (là j'avoue, c'est trop. D'ailleurs personne ne l'a pris)
- des étiquettes de jardin en ardoise ("Pfff... Tu as besoin d'une étiquette pour ne pas prendre ta lavande pour de la menthe?" m'a dit un jardinier anonyme)
- une gourde en métal ("C'était tellement naze que j'ai ajouté une belle boîte Bento isotherme pour ton sandiche." a commenté Schtouff - pendant que Huck levait les yeux au ciel avant de plonger les lèvres dans sa bière).
Heureusement quelques idées ont trouvé grâce aux yeux intraitables de nos amis:
- une belle carafe à décanter
- euh rien d'autre en fait.
Comme c'était un peu ma fête, j'ai eu droit aussi à des remarques sur les seuls lampions que j'ai réussi à trouver en cette fin d'été et dont le principal défaut était d'être verts kaki, c'est-à-dire opaques à la lumière de la flamme. Du coup j'ai complété en mettant des bougies dans des pots de yaourt en verre.
- Tu mets une connerie de Récup'jus alors que tu n'as même pas un chandelier décent! m'apostropha Poussinou (oui, il est méchant, ami lecteur. D'autant qu'il ne lit pas le blog)
- Ah oui, mais c'est parce que j'ai un modèle en tête que je n'arrive pas à retrouver nulle part: c'est en métal, la base forme comme la traîne d'une longue robe et on peut croiser deux bougeoirs...
Je n'ai jamais réussi à m'expliquer clairement. J'ai feuilleté mes cinq ans de Maison Mazaguine en vain, je n'ai jamais retrouvé le modèle, pas plus sur Internet d'ailleurs. Nos amis ont donc pu conclure que j'étais vraiment impayable avec mes idées déco ah-la-la-celui-là-alors-quelle-comtesse!
Me voilà lancé dans la Quête du Bougeoir Perdu. Je suis toutes les pistes possibles, plongeant les gens dans un abîme de perplexité "Vous comprenez, ça forme comme une robe, c'est très joli..."
J'avais presque perdu espoir lorsque, errant dans le chic-issime Ruineux Marché, j'avisai une vendeuse avec qui jouer à "Devine à quoi ressemble mon bougeoir de rêve"
- Alors c'est un peu compliqué c'est un chandelier en métal argenté, en deux parties qu'on peut croiser...
- Oui, c'est juste derrière vous, Monsieur. C'est un objet fabriqué par la maison Driade.
- ah, gue, beumerci, bredouillai-je impressionné par la dame... et par le prix de l'unité (plus de cent euros)
Las. Une fois de plus j'avais jeté mon dévolu sur un objet au coût raisonnablement exorbitant. Je ne suis pas prêt de faire cesser les railleries sur mes goûts.

C'est décidé, l'an prochain, la fête de l'été ce sera pour l'anniversaire de G.

Pitou V.

mardi 2 novembre 2010

Desperate houseboy

Vu les réformes en cours, j'ai décidé de prendre ma retraite par intermittence.
Les vacances scolaires n'ayant pas encore été supprimées pour les profs (c'est une idée: pendant les vacances de la zone A, hop, tous les profs filent faire des remplacements en zone B et C), j'en profite pour me livrer à des activités à grand frisson.
Par exemple, je fais des confitures.
J'ai beaucoup progressé depuis ça, apothéose confiturière. Depuis, je n'ai guère catastouffé - en matière de confitures du moins! L'an passé, j'avais tenté la recette bien connue des grands mères, à base de tomates vertes. Le résultat, trop cuit, a fini en tartine de poubelle. Cette année, la production tomatière ayant augmenté, je me suis retrouvé avec plus de trois kilos de fruits qui ne mûrissaient plus: je ne pouvais me permettre un nouvel échec. Et voici le résultat:


Oui, j'ai écrit les étiquettes avec une plume d'oie à la main de ma plus belle écriture de Laura Ingalls, et je les ai collées avec du lait.
Dans le même genre, j'ai reprisé des gants, repassé du linge sortant de la machine avant de le remettre à sécher, je me tâte pour ravauder mes chaussettes en laine... mais le grand projet qui m'anime est plus ambitieux: pour Noël, je compte faire des couvre théières en crochet - ou un plaid en tricot, j'hésite encore!
V.

dimanche 17 octobre 2010

Scrutin à l'afghane scrutant la gaffe

Mon grand oncle, tonton Maurice (je mets son vrai nom, il ne m'en voudra pas : il n'a jamais connu le Ternet), faisait des rêves prémonitoires. Je trouve ça super classe, le don de double-vue : en plus ça saute des générations et un beau jour, gêne récessif ou éveil spirituel, pouf, tu es l'élu. C'est bien la seule raison qui me pousse à essayer d'y croire, mais c'est pas facile tous les jours de jouer les ingénus.
Pourtant, lorsque la veille des élections de mes délégués de classe, j'ai rêvé que YoungFather et Déka - notre énergique conseillère d'éducation - m'assistaient lors du scrutin, j'étais loin d'imaginer que nous nous retrouverions effectivement tous les trois en train de palabrer sur le résultat. Notez que, quand je dis "assistaient", j'exagère un peu : dans mon rêve, Déka n'arrêtait pas de parler et passait un film qui n'avait rien à voir avec l'élection des délégués. D'ailleurs, à la fin de l'heure, on n'avait élu personne. Quant à YoungFather, il était assis avec les mômes et reprenait de sa grosse voix ceux qui baragouinaient ("hein hein? hein hein? Tu ne crois pas que tu es en train de sacrifier les auxiliaires, là?" dixit). En même temps, sans eux, ça n'aurait pas forcément été mieux, vu qu'à chaque fois que j'ouvrais la bouche, un grêle filet de voix en sortait : même moi je ne comprenais pas ce que je voulais dire...

N'en déplaise à tonton Maurice, ce rêve peut s'expliquer autrement que par le paranormal; par l'appréhension, l'angoisse et un certain sens de l'humour, par exemple... Sauf que je n'avais absolument aucune raison de me ronger les sangs : j'avais fait un sondage et savais que je n'avais que deux candidats, tous deux rompus à l'exercice (là aussi, ça doit être une question de gêne récessif : "tu seras délégué de classe, mon fils"). Réglé en un tour, le scrutin. Même pas besoin de relire le règlement (la buse). Et puis bon, ce n'était pas mes premières élections...

Détail savoureux : étant donné l'emploi du temps saturé des 3e, j'ai dû les faire venir exprès pendant la pause méridienne, compliquant la vie des externes. Tant qu'à verser dans le ratage d'anthologie, autant enquiquiner le plus de monde possible. Remarquez, le spectacle méritait le déplacement... Parce que, vous vous en doutez, rien ne s'est passé comme prévu.

Lors de l'appel des candidats s'élèvent les deux mains attendues et avec elles une rumeur grandissante :
"Allez, Fleuriiiiiiiiine! On avait dit que tu te présentais! Alleeeeeeeeez!"
Taratata! On n'avait rien dit du tout! La seule qui ait le droit de dire quoi que ce soit, c'est Fleurine herself. Et qu'est-ce qu'elle en dit, Fleurine? Rien. Elle fait sa coquette. Pas du tout partial (elle ne va pas foutre en l'air mes rêves d'élections simplissimes, cette greluche!), je lui rappelle les tenants et les aboutissants d'une telle responsabilité et lui demande si elle est prête à les assumer. Elle secoue la tête. "Pitou G. comme Génie", me félicité-je : deux candidats, un tour, zéro tracas. Porcia-Pittbulla me pose la question rituelle : "On a le droit de voter pour quelqu'un qui s'est pas présenté?" Mais oui, charmante enfant; ça ne sert à rien, mais c'est ton droit le plus inane. Là-dessus, je mets en circulation la liste d'émargement : "Surtout, vous ne signez que pour le premier tour : il n'y en aura probablement qu'un seul!"
Alors que je passe dans les rangs avec ma boîte vide de Delacre (vestige de l'anniversaire de Cinderella : je suis sûr qu'elle m'a porté la poisse), je m'aperçois que Fleurine a noté son propre nom sur le bulletin qu'elle a omis de plier. Elle répond à ma perplexité par un sourire de conspiratrice. Souvent femme varie.

Les résultats du premier tour fleurent bon la collusion et la tentative de déstabilisation des instances démocratiques : personne n'obtient la majorité absolue et Fleurine, candidate non déclarée, arrive deuxième. Son amour propre boosté par ce plébiscite, elle décide de se maintenir au second tour. Nous voilà bien. La feuille d'émargement entame son second voyage. La donne a le mérite d'être plus claire, mais l'équilibre des forces est bouleversé. Le dépouillement me donne des sueurs froides : alors que la candidate qui a manqué d'une voix la majorité absolue au tour d'avant divise son score par deux, JustinBieber double le sien. Ils se retrouvent ex aequo, laissant la première place à Fleurine, officiellement élue.
Ex aequo. 'Tevierge! On fait quoi dans ce cas-là, déjà? "C'est le plus jeune qui est déclaré élu" m'ont soufflé à l'unanimité mes collègues après la fatale attaque de panique qui m'a vu improviser dans mon plus pur style n'importequoitesque. Le plus jeune est élu? Si je suis le seul crétin à être incapable d'assimiler cette règle simple, c'est sans doute parce que je la trouve aberrante : Stupida lex, sed lex.

Mais moi, voyez-vous, je vibre pour la démocratie, j'ai une passion dévorante pour la voix du peuple : si j'ai deux ex aequo à l'issue du deuxième tour, je rempile pour un troisième. Faire voler les petits papiers dans la sainte urne est un sacerdoce. JustinBieber en sortit vainqueur et la liste d'émargement couverte de smileys et de noms en double. Celui qui décide du mode de scrutin décide de son issue : la candidate évincée était celle qui avait eu le plus de voix au premier tour. Il est utile de préciser, je suppose, que JustinBieber n'était pas le plus jeune des deux : vous avez déjà compris que l'univers tout entier, chef d'oeuvre de l'absurde, a conspiré contre moi.

Quand j'ai (re)découvert cette fameuse règle du benjamin élu (gageons que je l'aurai de nouveau scotomisée l'an prochain), j'ai connu ma deuxième attaque de panique de la journée et j'ai filé dans le bureau de Déka où je n'ai rien caché de ce grand moment d'incompétence. Nous avons ourdi un plan machiavélique et sommes allés interrompre le cours de la collègue d'histoire pour annuler le scrutin arguant un vice de procédure. Artifice génial, summum de mauvaise foi : nous avons invoqué l'irrégularité de la feuille d'émargement. "27 noms sur la liste quand le procès-verbal mentionne 23 votants? Non, mais vous vous moquez du monde? Dans n'importe quelle démocratie, on annule des élections quand on soupçonne des irrégularités pareilles!". Je jette un regard en coin à L., ma collègue d'histoire (ma caution constitutionnelle), qui hoche vigoureusement la tête. À cet instant précis, je l'aime d'amour. Elle me dira plus tard qu'après notre départ, elle en a remis une couche, leur demandant s'ils avaient fait voter les morts. Fulgurance inspirée de Déka : "Si jamais un inspecteur de vie scolaire tombe là dessus, on va avoir de sérieux ennuis!"

On n'a pas trouvé mieux pour sortir de l'impasse : je me voyais mal laisser passer l'injustice dont j'étais fautif ou destituer JustinBieber après l'avoir déclaré élu. On a donc programmé un nouveau scrutin le lendemain, dans l'urgence, non sans une certaine gêne : je ne voulais pas avoir l'air d'annuler les élections, sous un prétexte vaseux, juste parce que leur résultat ne me satisfaisait pas. Mais admettez que la candidature non désignée qui rafle spontanément un tiers des voix au premier tour, ça a des allures de complot... J'ai subodoré une ambiance pourrie dans la classe, mais il s'avère après enquête que ce n'est même pas le cas.

Le lendemain, Fleurine est venue s'excuser ("tu n'as pas à t'excuser, tu as le droit d'être candidate; mais admets que c'est mieux quand les choses sont claires!") et ne s'est pas portée candidate ("Euh? Tu es bien sûre, cette fois?"). Avec une efficacité toute stalinienne, j'ai pu introniser les deux délégués attendus. Non mais.

Je ne sors pas grandi de cette berezina, mais un peu moins bête. Déjà, j'ai perdu beaucoup de ma confiance dans le suffrage universel. C'est sûr que tout aurait été plus simple à la façon de Tonton Maurice (pour mémoire : "et pouf, tu es élu"). Mais surtout, lors du bilan avec Déka, après ce fiasco électoral, nous sommes tombés d'accord sur un point : la prochaine fois que je sabote des élections, je m'arrange pour que la candidate spoliée ne soit pas fille de principal.

Pitou G.

mardi 12 octobre 2010

Yes he can noter

C'est la première fois que je partage une classe avec une collègue. On n'a pas trouvé d'autre solution, alors on s'est dit qu'on allait tenter l'expérience. Elle n'est pas contrariante, la collègue; moi guère plus. On s'est dit, tant qu'à faire, autant tirer la classe de fèves. On a été servi.
Ils sont très gentils et pleins de bonnes intentions (à condition de ne pas avoir à trop travailler... pas plus de cinq minutes, en tout cas) mais, disons-le pudiquement, avec un niveau tout petit petit.
J'aurais donc dû tourner mes synapses sept fois dans ma boîte crânienne avant de profaner l'oeuvre de ce pauvre Renoir. Pourtant, ma séquence croisant poésie et peinture ne s'était pas si mal passée que ça. L'impressionnisme est une victime collatérale de mon trop plein d'ambition.

Le déjeuner des canotiers, Renoir, 1881

Vous remarquerez que, cette fois-ci, j'ai scanné la copie avant de la corriger, afin d'éviter toute polémique de conjugaison (na!). Quelle annotation suggéreriez-vous pour cette perle? Avant d'acérer votre langue aiguë, n'oubliez pas qu'il s'agit de mettre en valeur les points positifs de notre Louise Labbé en herbe :

Cliquez : ça mérite d'être vu en grand!

Pitou V. a spontanément pensé à "À force d'être à chier, cela devient poétique". Attendu que, pas si fou que ça, je demandais un texte en prose, j'ai longuement hésité entre : "Pourquoi avoir écrit en vers?" et "Pourquoi avoir écrit?" tout court. L'appréciation finale, chef d'oeuvre d'hypocrisie, est d'une niaiserie presque aussi abyssale que la création. J'essaie de me dire que c'est de l'ironie, mais en fait, c'est juste de la charité. Je vous laisse juger :

Pourquoi avoir écrit en vers? Ton texte utilise peu de détails du tableau mais il en restitue l'atmosphère. Les figures de style vues en cours n'ont pas été réinvesties*. Corrige les erreurs de langue et reformule les passages signalés**

Je n'ose même pas vous dire quelle note je lui ai mise, ça pourrait avoir des effets sur le cours du yen et du dollar. La déflation, ça s'appelle. Mon homme m'a prévenu : il va se lever la nuit pour changer cette note qu'il juge au moins aussi scandaleuse que le régime de retraite de nos parlementaires.

Pitou G.

* Et c'est pas peu dire!
** J'ai été tenté de tout signaler.

samedi 9 octobre 2010

Con cours

Avec le départ de Follet (que je vois encore au cloub de gym quand il ne fait pas trop sa feignasse) et de sainte Cinderella Lalouze* , j'avais peur que l'ambiance à Haquenée soit beaucoup moins guillerette. Comme la perspective de se marrer au boulot aide grandement à s'extirper de sous la couette, j'ai reporté tous mes espoirs sur le riant D1kerquois. Quand je lui ai raconté, comme promis, ma dernière saillie, il m'a confessé une anecdote du début de sa carrière.

Un jour, il est entré dans une colère mémorable avec une classe infâme. Il a viré de son cours le plus abominable de ses trolls, dûment escorté par un camarade. Lorsque l'accompagnateur est revenu, il a eu la surprise de retrouver sa classe et son prof parfaitement sereins. Devant son étonnement, le riant D1kerquois a déclaré : "Oh, tu sais, avec moi, ça montre très vite, mais ça ne dure pas très longtemps".
Inutile de préciser que le calme n'a pas duré.

Las! Nos élèves d'aujourd'hui ne sont plus aussi réactifs : lorsqu'il explique à ses gnomes ce qu'est la gaule que le petit mitron enfonce dans le four ou que je constate, après avoir recherché une photocopie manquante, que JustinBieber "en a deux, évidemment", personne ne souffle mot. Quelle déception...

Pitou G.

Teasing - Vous découvrirez bientôt :
- dans "Les gnomes ont la parole" le bilan de l'année dernière raconté par les mômes;
- comment j'ai été amené à annuler une élection qui a tourné au grand n'importe quoi (heureusement qu'il n'y avait pas d'observateur de l'ONU dans ma classe, parce que je suis sûr qu'il y a eu moins d'irrégularités lors des dernières législatives afghanes);
- et tout plein d'autres vieux trucs (dieu que c'est vendeur!) confinés dans mes brouillons, dès que j'arrive à me souvenir de ce que je voulais raconter...


* On lui manque tellement qu'elle est venue déposer des gâteaux le jour de son anniversaire et faire un travail que personne ne lui avait demandé (et dont personne n'avait besoin).

mercredi 6 octobre 2010

Exécuté par la mort

Tiens, mais ne serait-ce pas le museau d'un Pitou? Ça surprend, ça ferait presque peur. Mais rassurez-vous, ce n'est qu'un museau mensuel.

Je vous jure : mes brouillons débordent d'articles en gestation. Bon, j'avoue, il s'agit surtout de listes de titres dont j'ai aujourd'hui oublié la raison d'être. C'est à se demander ce qu'il est arrivé aux Pitous : rien de tragique, pas de sauvage exécution par la mort. Las! on ne peut pas en dire autant de la copie de Dépressine, invitée à faire part de sa lecture d'Antigone. Soyons clair : elle a totalement adhéré au personnage :
Le top du top, c'est ce que j'ai encadré en rouge, mais le reste vaut aussi le coup d'oeil. Cliquez pour agrandir.

Pitou G.

P.S. : je vous souhaite tout de suite la nouvelle année?

lundi 20 septembre 2010

Dédicace à dame Patate

Juste pour faire plaisir à Madame Patate, je me fends d'un billet éclair (mes autres projets d'articles exigeraient de moi trop d'efforts : il faudra encore attendre). Heureusement que la cantine était quasiment vide au moment où je me suis offert un moment de grâce et de classe d'enfer.

"En ce moment, le matin, ça n'a jamais été aussi dur"

Le cuistot avait dû verser du rhum dans ma compote pour que je me croie obligé d'ajouter : "Euh, je veux juste parler de la difficulté à me lever le matin, hein!" C'eût été grand dommage que cette accorte finesse échappât à la vigilance de l'assemblée.

Dommage que le riant D1kerquois snobe les repas entre collègues (conviviaux, comme on le voit), lui qui rêve de voir Lady Gaga, je cite, "se faire bouffer par un chien, en espérant qu'il s'en tienne à sa robe en steacks." Promis, je la lui raconte demain.

Pitou G.

vendredi 27 août 2010

Il paraît que le Turc aime

Nous n’avons jamais donné les solutions de l’énigme en image du message “retour” - il faut dire qu’été et long silence obligent, vous n’avez pas été très nombreux à participer (mais bon, on ne va quand même pas promettre une voiture aux gagnants de nos super concours!). Je vous avouerai que je ne l’aurai jamais fait si cela n’offrait pas l’introduction idéale à l’article du jour. Rappel en image :


  • Olives et lupins viennent du Var;
  • sur l’étiquette des deux flacons, vous pouvez admirer la fine écriture de MamyS (la liqueur de verveine est maison);
  • les biscuits ont été mitonnés dans la Manche;
  • les tomates nous attendaient dans le jardin;
  • la crème de calva a été achetée dans la boutique du coin.

L’origine de la plante vous a bizarrement posé problème, ingrats qui croyez que les Pitous sont assez pervers pour vous tendre des pièges! La réponse est tout bêtement sur le sac plastique comme Shenisha le sous-entendait. Vous avez cependant des circonstances atténuantes : en dépit de son climat clément boosté à l’uranium enrichi, on ne s’attend pas à trouver dans la Hague des plantes méditerranéennes. L’Hélichrysum italicum dont le feuillage frotté libère un parfum de curry est pourtant un authentique Manchot (les Manchots disent Manchois, les méchants disent Manchots et les pizzas disent anchois), issu d’un jardin d’acclimatation que nous avons visité avec un ami.



On y trouve entre autres du latin



et des plantes aux noms.. cocasses




Au moment où nous allions quitter les lieux, Hélichrysum sous le bras, la propriétaire entame une discussion botanique avec Pitou V. Moi, j’ai l’habitude : je souris benoîtement et j’attends que ça passe. Mais je sentais notre ami qui bouillonnait intérieurement. Il faut dire que la dame avait des intonations assez grandiloquentes et un phrasé qui rappelait de façon frappante une actrice illustre célèbre connue, entre autres, pour son inoubliable prestation dans son rôle de Mme le proviseur du lycée Belgrand de la télé. Quand, enfin, nous avons réussi à nous extirper du parc :

_ Ouh lala! J’ai cru que nous n’arriverions jamais à la faire taire, Charlotte de Turckheim!, osai-je.
_ Rigole pas! Je crois bien que c’est sa soeur!

Pitou G.

mardi 24 août 2010

On a fait une fête!

Je m'excuse par avance de la bande-son de ce billet, mais je ne pouvais pas m'en dispenser...




2010 peut se refermer tranquille, plus rien d'important n'aura plus lieu cette année : les trente ans de Pitou V. ont été célébrés, sous un magnifique soleil qui plus est. Nous pourrions ici tenir la liste des mets prévus et finalement non réalisés pour cause d'avalanche de bouffe ("ils sont morts sous les restes" aura gentiment textoté Sabybanana le lendemain de la fête), mais ce n'est pas très intéressant. Or, ce blog tire toute sa fierté sa fierté d'une ligne éditoriale spirituelle et essentielle.
Il est bien possible qu'à 2H00 du matin le temps soit devenu un peu humide...

Ce week-end festif a atteint tous ses objectifs : nous obliger à faire le ménage, faire de mon homme une vedette, réunir des amis éparpillés, peindre la cuisine, réaliser le fantasme secret de notre ami Poussinou (assembler en un même endroit quatre déesses de l'humour: Sabybanana, LN, Taphanie et N.) et redécorer nos toilettes (voir ci-dessous - mais non, les gens, ce n'est pas dégoûtant!). Il m'aura aussi permis d'en apprendre davantage sur moi-même, in vino veritas et tant va la cruche à l'eau qu'elle prend des poses trop classes: la Youngfamily m'a fait remarquer qu'un peu enivré, j'employais un lexique plus précieux qu'à l'ordinaire (et le fait est que j'ai le souvenir brumeux d'avoir exhumé de mon répertoire mental le mot propérispomène - ne me demandez pas dans quel contexte - , quoique péniblement articulé).

Les grands artistes signent avant de peindre

Plutôt que de vous montrer la tête des gens (de toute façon, ils ne sont pas si beaux que ça), nous vous laissons juger de la soirée à partir des commentaires tagués dans nos lieux d'aisance. Ils sont bavards, je préfère vous prévenir :

Le R.I.P. à l'espagnol : un des plats avortés pour cause de trop plein de bouffe
(et no comment pour les profs de latin, j'aime pas trop ça non plus)


Sabybanana vous offre une leçon d'histoire américaine
(et non, c'était pas fait exprès)



Le mystère demeure entier sur l'identité de l'excitant et de l'excité(e)

Nous n'avions que des convives très classes (message du dessous).
Pour l'énigmatique message du dessus, cliquez ici pour comprendre!



Aphorisme d'un garçon sensible


La qualité de notre papier toilette a inspiré de nombreux exégètes


Diverses civilisations ont laissé leurs empreintes dans nos ouécés


Ouais, on se le demande un peu...

Il ne reste plus qu'à refaire le ménage (et repeindre les toilettes?)

Pitou G.

vendredi 20 août 2010

Grande fête de l'été

Ce week-end, nous fêtons les trente ans de V., l'occasion de rassembler plein d'amis. Vous qui êtes devant votre écran, festoyez et dansez avec nous; nous vous dédicaçons cette chanson*, ça sera la bande son de votre week-end** :



Groovy, hein? ;-)

Pitou G.

* Où l'on voit que "Con Te Partiro" a complètement pompé Baccara.
** C'est l'anniversaire de V, mais c'est vous qui avez le cadeau! Ne sont-ils pas formidables, ces Pitous?

mercredi 18 août 2010

Downtown

Dans nos journées d'hyperactifs, nous nous ménageons toujours un temps pour regarder une série : café en amoureux devant True blood, goûter choupi devant Royal Pain ou, sept ans après le monde entier, déjeuner sur une île déserte en compagnie des rescapés de Lost.
Il n'est pas question de rédiger une blognote sur les séries (ça fait bien trois mois que j'ai le projet d'une semaine spéciale "Vampires" et vu ma propension à gérer les urgences, vous pouvez compter dessus pour Noël), juste de vous faire partager notre bande originale de l'été. Certains épisodes de Lost s'ouvrent sur des chansons un brin rétro mais très entêtantes, à l'instar de Downtown, interprété par la pétulante Petula Clark.



Petula, c'est un peu la fille spirituelle de Julie Andrews avec la voix de Madonna (l'intonation de "how can you loose", ça ressemble à Frozen, si si, écoutez bien - il faut peut-être juste que j'arrête le rosé). Comme c'était la mode à l'époque, elle a proposé également une version à destination de son public français, intitulée Dans le Temps, titre qui a privilégié l'assonance plutôt que le sens.
Ceux qui me connaissent un peu savent que j'aime bien broder des chansons horripilantes à partir de pas grand chose. Aussi, avant même de savoir que Petula l'avait fait avant moi, j'avais inventé ma propre adaptation française. Je m'imaginais déjà la soumettre à notre experte nationale de la reprise, l'inégalable Karen Chéryl, dont on n'est pas près d'oublier Mamma mia, Oh cheri cheri ou Les Nouveaux Romantiques (Sara perche ti amo), autant de chefs d'oeuvres inutiles. M'est avis que mon D.O.M.-T.O.M.* n'aurait pas dépareillé dans sa discographie.

Je vous invite chaudement à rembobiner la vidéo de Petula et à chanter en karaoké DOM-TOM (il n'y a que le premier couplet et le refrain, faut pas pousser mémé dans les cannes à sucre, mais vous pouvez inventer la suite si vous voulez) :

DOM-TOM

Si tu es triste dans ta ville trop grise
Alors pense aux DOM-TOM / DOM-TOM
Les ananas poussent dans les jardins
Ça te chang'ra des pommes / DOM-TOM

Opte pour les Caraïbes ou pour l'Océan Pacifique
Saint-Pierre et Miquelon c'est loin d'être aussi magnifique
Pourquoi hésiter?

Tu vas pouvoir siroter
Un petit rhum arrangé
Un punch planteur sucré

Refrain:
Prends l'avion et va aux DOM-TOM
Tu peux toujours aller aux DOM-TOM
Où le soleil lu-it / DOM-TOM
Et va mater sur la plage.


Pour les courageux qui voudraient poursuivre la chanson, je préconise les vers : "Prends de l'anti-moustique/ surtout si t'es allergique". Nous attendons vos propositions pour d'autres couplets!

Pitou G.

* Officiellement, il n'y a plus que des DROM (Département et Région d'Outre-Mer), mais tout le monde m'a compris.

dimanche 15 août 2010

Retour

Cliquez sur la photo pour l'agrandir et jouer à "Mais où sont-ils allés chercher ça? (6 destinations à trouver)


Nous sommes revenus d'un long périple qui nous a menés des rivages de la ......... à la ............, qui nous a permis entre autres de rencontrer en vrai ............ et son héros et de passer une semaine en colocation avec la Youngfamily Ça ne veut pas dire que nous allons nous tourner les pouces jusqu'à la rentrée : nous avons plein de cours à préparer le week-end prochain, nous fêtons les 30 ans de V. et ça demande pas mal de préparatifs ("Tiens, si nous faisions des travaux dans toute la maison pour accueillir nos invités?")

P.S. :Ma vie a changé : en vacances, j'ai rencontré quelqu'un qui connaît Gustav Hofer. Je ne suis plus qu'à une claque de bise du beau présentateur d'Arte!

jeudi 29 juillet 2010

Presque célèbre

Autour de la piscine, une enquête de la plus grande importance a agité toute une horde de garçons sensibles, impliquant un Télé7zapping spécial jeu, sa grille de mots fléchés et ses photos de gourdasses à la mode :

_ Dis-moi, je n’arrive pas à savoir qui c’est, celle-là. Tu n’as pas une petite idée? Je demande à tout le monde, mais personne ne la connaît...
_ On dira Marcia Cross en grosse.
_ Ouais. Mais c’est pas ça.
_ Marcia Grosse au cross, alors?
_ Non plus.
_ En tout cas, elle a une bien jolie robe en crochet... Rien que pour ça, elle mérite d’avoir sa photo dans tous les mots fléchés de la terre.

Escagassé par cet échec, un membre du groupe dégaina son I-phone (pas nous : notre appareil envoie des SMS, c’est déjà un exploit) et relégua au second plan son désir de jouer avec le chat qui répète tout ce que tu dis ou toute autre application de premier ordre, pour lancer une requête google. Je ne sais pas bien en quels termes fut formulée cette recherche (“grosse quiche en photo dans mots fléchés”? “Photo de starlette pas connue”?), mais il trouva le nom de l’illustre inconnue :

Nous étions unanimes : le nom de Katie nous évoquait à tous quelque chose, sans que personne ne sache pourquoi. Cela nous mena à la deuxième étape de notre investigation : qu’a-t-elle bien pu faire de sa vie de semi-célébrité?

_ Elle a notamment joué dans fashion Maman ou Presque célèbre
_ Presque célèbre? Sans blague? Sa filmographie ne manque pas d’humour. À quand Déjà Oubliée?

Pitou G.

lundi 26 juillet 2010

Pas taper

L’anecdote du jour n’est pas plus fraîche que les précédentes. Elle remonte aux débuts du printemps, à l’époque où le jardin et le potager sont enflés de promesses. Vu que notre tondeuse était immobilisée chez le bricolo du quartier (aux dernières nouvelles, elle y gît toujours), nous avions emprunté celle de mes parents et quelques autres outils indispensables.
Une après-midi, nous avons été mobilisés pour des menus travaux d’horticulture (enfin, surtout V., parce que, j’étais surtout mobilisé pour manger une glace en lisant Télérama). Nous en avions profité pour ramener la tondeuse, mais pas les autres accessoires. Las, une pioche laissée à la maison s’est avérée indispensable. Rendu fébrile par la toute récente acquisition de la Prius, mon homme n’a pas hésité un seul instant à bondir dans la voiture pour traverser la ville, en quête de l’outil tant convoité.
De mon côté, j’avais épuisé la pile des revues en retard et lu l’intégralité des critiques de films sortis depuis six mois et que je n’irais jamais voir (entre autres parce que le cinéma local fleure la vieille chaussette mais surtout par paresse) : je n’avais rien de mieux à faire qu’à guetter le retour de mon homme et de lui ouvrir la porte sans lui laisser le temps de sonner (je pourrais servir de modèle dans les meilleurs manuels d’économie domestique et inspirer d’énormes complexes à Sainte Samantha Stevens). Sitôt perçu le son caractéristique d’un véhicule qui se gare, je me suis en deux cabrioles élancé vers la porte et j’ai ouvert dès que le verre dépoli a révélé une silhouette : devant moi, ébahi, la main figée à trois centimètres de la sonnette, je découvre un blondinet effrayé par tant de zèle.
Il a balbutié un vague “ga-bu-zo-meu” avant de reprendre sa contenance et le catalogue Granigel qu’il voulait me refourguer. Il a dû se dire que je devais être accablé de solitude pour être à l’affût du moindre visiteur. Encore heureux que je n’ai pas mis en application mon plan initial : m’enfuir sitôt la porte ouverte en mimant la panique et en hurlant “Pas taper avec la pioque! Pas taper avec la pioque!
J'aurais dû me méfier, mais je n’avais pas encore pris le pli : la prius ne fait aucun bruit quand elle se gare...
G.

samedi 24 juillet 2010

Bal des pompiers

Le mois de juin (oui, ce blog a un mois de retard, et alors?) est un mois de mondanités. Alors qu'on sent les vacances approcher, entre collègues, on a envie de s'inviter les uns chez les autres, et pas uniquement parce qu'il y a parmi nous de nombreux natifs du signe des Gémeaux, race supérieurement intelligente, comme chacun sait. Il doit y avoir un genre de feu social qui consume nos artères et qui coïncide avec l'arrivée du printemps.
C'est comme ça que nous nous sommes retrouvés chez A. qui pendait sa crémaillère six mois après son installation, dans son appartement avec vue panoramique sur la ville. C'est à demi-penché au-dessus du vide que le riant Dunkerquois m'a confessé à propos de son livre de chevet du moment : "Je suis dans ma période antisémite". Cet éloquent raccourci nous a secoués de rire et nous avons failli nous écraser six étages plus bas.

Quelques instants après, nous avons détecté à l'horizon une fumée suspecte.
"Hé! Si ça se trouve, c'est chez nous!" m'exclamé-je dans l'espoir que, formulée à haute voix, cette hypothèse se révèle à moi dans toute son absurdité. Un bon superstitieux n'aurait jamais osé narguer le destin avec cette désinvolture; mais dans l'instant, je croyais vraiment conjurer le mauvais sort.
La vérité, c'est que la possibilité de voir notre maison disparaître dans les flammes me paraissait parfaitement réalisable, depuis que nous avions dû faire crapahuter les pompiers sur le faîte de notre toit une semaine auparavant pour éviter un feu de cheminée, créant ainsi une joyeuse animation dans notre quartier : ce n'est pas tous les jours qu'on déploie la grande échelle! Mais j'imagine que le souvenir de ce ridicule petit incident s'est vite dissipé dans tous les esprits : depuis, ce sont six maisons qui ont été ravagées par un incendie en bas de notre rue.

Revenons-en au soir de la pendaison de crémaillère. J'essayais de lutter contre ma peur en raisonnant : Stuart et Calim' savent parfaitement qu'ils n'ont pas droit de jouer avec les allumettes. Ce n'est pas parce qu'il y a un vague panache de fumée noire dans le secteur supposé de notre maison qu'il faut conclure le pire. Et puis, étais-je seulement bien sûr que la maison était bien par là : on parle du mec qui a réussi à se perdre entre les deux rayon d'une bibliothèque, là!
Pour une fois, mon sens de l'orientation n'est pas à mettre en cause. On a compris le lendemain matin d'où venaient les fumerolles : il y a juste à côté de chez nous ce coquet petit parking.

Oh que c'est mignon!

Pitou G.

P.S. : Le brasier semble vouloir nous suivre à travers la France. En Auvergne, une alarme nous a réveillés à 4H du matin et pas plus tard qu'avant-hier, un incendie voisin a menacé notre soirée dans la ville d'Uchaud la bien-nommée.

vendredi 23 juillet 2010

Grand Prix Sauvage

Montdepitous est bien paresseux depuis un mois, malgré tous les beaux articles que je vous avais promis. Et les vacances n’arrangent rien à l’affaire, on ne peut pas tout faire : glander est une activité à plein temps.
Il faut dire que j’ai longtemps - et remets encore - un message sur la fin de l’année et son rituel bilan (pour faire court, mais j’y reviendrai peut-être, j’ai appris que, bien loin de renvoyer l’image d’un homme serein et équanime comme je le supputais, le souvenir que les mômes garderont de moi sera celui d’un Hulk vaguement hystérique qui soulève les tables et les fait bien rigoler; mais ils étaient contents d’être là et c’est bien l’essentiel). La raison en est simple : je crois que je n’avais pas très envie que cette année se termine: classes, ambiance entre collègues, direction folle à lier résultats (au vu des admissions au brevet, j’ai décidé de croire aux miracles et de prendre une carte d’abonnement à l’évêché), tout était au top.
Tout cela nous entraîne à des kilomètres de l’itinéraire que mon GPS avait programmé pour ce billet. En parlant de GPS, nous avons troqué la voix standard de Catherine pour celle, plus avenante de Maxime et en avons profité (à moins que ce ne soit l’inverse) pour mettre à jour les données : en cinq ans, les routes de France ont bien changé; la Catherine avait essayé de nous faire prendre un sens interdit ou une voie de tram une fois de trop, la garce. Notez que notre manoeuvre fut une pure perte de temps, si j’en crois la constance de Maxime à nous recommander les propriétés privées. Mais il faut reconnaître à notre nouvelle voix off deux immenses qualités : d’abord, sa discrétion; même quand la route se divise en trois, Maxou se tait. Mais sa plus grande vertu est sa fibre aventurière. La route la plus rapide? Pas de problème :

Un sentier pierreux en lacets avec un dénivelé vertigineux, quoi de mieux pour gagner du temps en toute sécurité?

Les Pitous sur la piste de Xapatan. Il ne nous manque plus que Sophie Davant (mais on peut s'en passer, merci).

Pitou G.

Note pour moi-même : envisager de prendre notre retraite à Beaufeyssou-le-petit, ça promet de bien belles heures.

Question métaphysique du jour : pourquoi les personnes âgées auvergnates promènent-elles leurs cannes et leurs vénérables carcasses au milieu des routes?

lundi 21 juin 2010

Le plus sadique des deux

Encadrer les gnomes à Salut Les Bovins pour leur semaine à la campagne, c'est avoir le privilège de passer quelques nuitées dans un gîte pittoresque, à faire des rondes entre les chambres de mômes eux-mêmes pittoresques. Parmi nos gnomes, il y a évidemment chaque année une poignée d'excités de service - et 2010 est une année faste. Et dire que j'ai manqué tout ça, plaignez-moi!

Un gamin excité au naturel voit son énergie décupler lorsqu'il est à une trentaine de kilomètres de chez lui, au milieu de ses copains, dans une ambiance de colonie de vacances, sachez-le. Massoud était bien parti pour faire la java toute la nuit avec ses compagnons de chambrée, lorsque Follet a fait irruption dans le champ de bataille en leur promettant une nuit spartiate si jamais il devait intervenir à nouveau, chose qui devait bien sûr arriver.
À sa deuxième visite, Follet fait signe à Massoud, pris en flagrant délire, de le suivre. Le gnome le suit, tremblotant, dans les escaliers. Premier étage; rez-de-chaussée; sous-sol.
"Tiens, voilà une chaise. Reste tranquille, et je viendrai te chercher tout à l'heure. Peut-être."
Follet l'abandonne à sa pénitence, remonte dans sa chambre et l'oublie.

À une heure du matin, I. passe par là et découvre la malheureux allongé sur le carrelage, sommeillant à demi. Elle le réveille doucement, cache son envie de rire en voyant l'empreinte des joints du carrelage sur la joue de Massoud et, sans s'émouvoir, passe à l'interrogatoire :
"C'est monsieur Follet qui t'a installé ici?
_Oui, répond-il penaud.
_ Et bien, bonne nuit!"

Et elle s'en va.
Pour les âmes sensibles, elle a tout de même prévenu Follet que sa victime gisait toujours au sous-sol. L'infâme est allé le chercher, sans trop se presser.

Le lendemain, Massoud était étonnamment sage (et un brin fatigué). Si vous n'avez jamais vu un somnambule faire du poney, vous avez raté quelque chose...

samedi 19 juin 2010

Le plus amnésique des deux

Pendant deux semaines, Haquenée a été bien calme : l'épicentre s'est provisoirement déplacé en pleine campagne pour cause de transhumance de gnomes. Ce genre de classe verte est un rituel, chez nous, début juin. Comme je n'ai pas eu de gnomes en cours cette année, je me le suis épargné. Mais grâce aux indiscrétions des collègues, je ne suis pas passé à côté de l'essentiel.

En fin d'après-midi, mes collègues Sylvie Jolie et Bérénice (celle qui clame haut et fort en conseil de classe qu'elle ne veut pas faire sa chieuse) ont chaperonné un groupe de gnomes dans leur découverte de la mégalopole dont nous abrégerons le nom champêtre en SLB (Salut Les Bovins!) : SLB, son église, sa mairie, ses deux maisons et ses trois vaches. On comprend qu'un tel circuit touristique ait épuisé les gamins (et peut-être bien aussi qu'ils avaient encore dans les pattes leurs trois heures de VTT) : Léon s'assoie sur un muret près de l'église et bascule soudain en arrière. Témoin de la culbute, Sylvie Jolie éclate de rire:
"Viens voir Bérénice! Nous avons un acrobate!"

Le malheureux git toujours par terre. Bérénice accourt, catastrophée. Alors que le gamin ouvre les yeux, elle s'assure qu'il n'est pas désorienté :
"Comment tu t'appelles?
_ Mais enfin, Bérénice, tu sais bien qu'il s'appelle Léon, lui répond Sylvie Jolie.
_ En quelle année sommes-nous? reprend Bérénice sans se laisser dévier de son but.
_ En 2010, voyons! l'informe notre docte collègue. Tu es bizarre, aujourd'hui, Bérénice..."

Aux dernières nouvelles, Léon est toujours vivant. Pour Sylvie Jolie, nous n'en sommes plus si sûrs.

Pitou G.

mercredi 16 juin 2010

J+1 = 31

J'ai eu très envie de vous refaire le coup de l'an dernier : refuser de publier de nouveaux messages tant que le message précédent n'aurait pas recueilli plus de 31 commentaires (l'an dernier, c'était 30, que le temps file à toute allure!). Ça m'aurait laissé le temps d'engranger quelques articles - les fameux articles super léchés que je vous promets depuis, ouhlala, fort longtemps. Mais soyons fair play : le chantage, c'est mal (et pas bon pour les stats).

Je vous laissai avant-hier sur un cri déchirant de détresse, puisque je me préparais mentalement à enchaîner une longue journée de labeur et trois conseils palpitants de suspense, avant de me visser à mon poste de pâtissier à la chaîne. Hosannah, en rentrant harassé au bercail, je fus accueilli par l'exquise odeur des muffins de mon homme. Ça m'a libéré une soirée en amoureux.

Le lendemain matin, j'ai voulu faire de mon anniversaire une fête : j'ai mis une cravate. J'ai failli mourir étranglé une ou deux fois, mais c'était classe. Je l'ai quand même enlevée lors de ma virée au cloub de gym avec Follet (et je ne l'ai pas remise, ouh le félon, en retournant bosser).

En rentrant dans ma salle de cours, j'ai trouvé le triptyque du tableau refermé : ça sentait le traquenard à plein nez. Et quand il s'est ouvert sur une flopée de messages d'anniversaire dans toutes les langues de la tour de Babibel, 26 voix adolescentes ont entonné à tue-tête le traditionnel happy birthday to you. Il s'était manifestement produit un genre de fuite. N'ayez jamais confiance en vos collègues : ces gens-là ne sont pas fiables. Après enquête, il s'avère qu'I. et Follet, avec la complicité de YoungFather, du sournois D1kerquois, maître ès hypocrisie ("Je ne savais plus si tu avais cours dans cette salle-là, alors j'ai demandé aux élèves de ne pas ranger les chaises sur les tables", judas!) et de combien d 'autres conjurés? Comme les mômes passaient par là - ces spizaètes ornais cherchent toujours à se délester de leurs sacs pendant la récréation - et que mes deux collègues avaient d'authentiques têtes de comploteurs, ils ont eu vent de toute l'affaire. Ils ont évidemment essayé de me dater au carbone 14.
C'est décidé : je continue le sport. Ils m'ont donné trois ans de moins.

Pitou G.

P.S. : merci pour vos commentaires sur le billet précédent!
P.P.S. : ils viendront bien un jour, les supers articles promis. C'est bientôt les soldes, tiens . Vous en aurez treize à la douzaine!

lundi 14 juin 2010

J-1

Le blog est resté en friches toute cette semaine : je suis débordé - en plus, aujourd'hui, c'est J-1, c'est l'horreur, il faut en plus que je fasse de la pâtisserie. Mais je ne voulais pas vous laisser trop longtemps tout seuls, d'où ce message un peu facile (en même temps, il faut que je retourne au boulot dans un quart d'heure), tant pis pour tous ces beaux projets de messages sophistiqués, ça attendra que je sois vieux et chenu (donc incessamment sous peu).

Il y a un truc horripilant avec les rédactions en classe, c'est ces petites nanas super mal organisés qui gèrent leur temps comme des quiches et se rendent compte à moins cinq que, non, elles n'auront pas le temps de recopier mot pour mot leur joli brouillon propre. Alors elles vous supplient de bien vouloir accepter leur premier jet. Au moment de la correction, ce sont toujours les copies que je laisse pour la fin : en général, elles sont imbuvables; et souvent, en plus, elles vous réservent une petite touche de gaieté, la surprise du chef. En effet, la petite nana, pressée par la sonnerie, a en général oublié qu'elle y a gribouillé des bêtises. Le plus souvent, c'est une déclaration d'amour pour Kevin, un dessin de nounours ou une pensée édifiante ("comment que le cour kil est trop nul!"). Mais c'est la première fois que j'ai droit à une liste de courses...

Si tu vois trouble, clique sur l'image.

Ça sentirait bien la fête de fin d'année, ça, non?

Pitou G.

dimanche 6 juin 2010

Busted* Keaton

Un midi ordinaire dans la salle des profs d'Haquenée : deux collègues feignent de corriger des copies, deux autres râlent et Follet cherche partout ses clés qu'il a rangées dans son casier par réflexe, tout en m'accusant de l'avoir fait, parce que cinq minutes plus tôt j'avais profité de ses allées et venues pour cacher son tas de classeurs. Madame T., plus souvent factrice que secrétaire, arrive avec sa tournée du midi. Dans ses bras, parmi les habituelles paperasses, repose un lot d'enveloppes tilleul. Encore des invitations...

L'invitation, c'est la nouvelle passion du grand chef. Je subodore un juvénile engouement pour le scrapbooking, le macramé et autres loisirs créatifs, trop vite brimé par des parents austères. Là, il se rattrape : l'approche de l'été a réveillé sa marotte décorative, c'est devenu la priorité du mois de juin (il s'entraîne : il sent venir l'époque des barbecues). Il s'est emparé d'une suggestion de deux collègues proposant un spectacle de fin d'année et a décidé d'en faire une vitrine d'Haquenée, dans son obsession d'obtenir les honneurs de Vachebdo (comment que c'est trop bien ce qu'on fait à Haquenée!). Et comme il ne s'y est pas pris assez tôt pour réserver le Stade de France, il s'est défoulé sur les cartons d'invitation, signés à la main, distribués en deux, en trois exemplaires sous diverses versions.

Alors quand j'ai vu Mme T. glisser une nouvelle enveloppe dans chaque casier, je n'ai pas pu retenir un soupir :
"Encore une invitation? On va finir par se sentir obligé de venir!"
En face de moi, S. me regarde en écarquillant les yeux. Je n'arrive pas à lire sur ses lèvres les mots qu'elle articule en silence, mais je comprends que je viens de commettre un impair. Mme T. disparaît et S. me sermonne :
"Mais qu'est-ce qui t'a pris?Tu as été super méchant avec Mme T. en disant que tu allais te sentir obligé de venir à son pot de retraite!"
Gloups.
Grosse boulette.

Il ne me reste plus qu'à descendre dissiper ce malentendu et lui chanter "J'ai refusé par erreur votre invitation" (tudieu, ça a déjà 12 ans), en ne parlant pas trop fort pour éviter que depuis le bureau adjacent le chef n'apprenne que, son lutin de spectacle, je m'en tamponne le coquillard avec une patte d'alligator femelle (merci http://fr.wiktionary.org). Mme T. me répond en souriant, un peu gênée et sans penser maltraiter la logique la plus élémentaire, qu'elle ne l'avait pas pris pour elle et qu'elle ne m'avait même pas entendu. Je jette un coup d'oeil à la vitre : le chef est bien loin, devant la grille. Il n'a donc pas surpris cette embarrassante confession. Mais en passant devant un autre bureau, j'ai vu la chef adjointe se bidonner devant son ordinateur : soit elle venait de se rendre compte qu'au bout de trois ans, elle ne sait toujours pas utiliser le logiciel qui gère les emplois du temps, soit je me suis ridiculisé en beauté...

Pitou G

*busted : chopé, grillé, pincé, surpris en flagrant délit.

samedi 5 juin 2010

Orchestre bacchique

Cette semaine, les gnomes d'Haquenée sont à la campagne. Parmi les ébouriffantes activités proposées, ils pouvaient suivre Cinderella Lalouze dans sa carambolesque rocambolesque aventure musicale au pays des légumes. Hélas, la carotte taillée en pipeau vieillissant bien mal, ma collègue a dû se rabattre sur des plans de secours.
Le plus beau moment de cette année scolaire fut sans doute celui où mon stagiaire, heureux élu désigné pour accompagner Cinderella (sympa, les collègues!), l'entendit lancer, dans un élan d'enthousiasme :
"Allez! Entrechoquez vos noix!"

On va finir par croire qu'elle le fait exprès.

Pitou G.

vendredi 4 juin 2010

Découragement

À lire mes derniers billets, on dirait vraiment que mon moral, c'est pouët pouët et compagnie. Pourtant, je suis d'une humeur de dogue allemand. Il ne s'est pas produit d'événement tragique dans ma vie, du moins pas à l'heure où j'écris ces lignes, mais une lassitude étale m'a gagné. Je suis plongé dans les voeux d'orientation de mes ouailles, et ce que j'y vois me consterne. La métaphore du berger est bien trouvée : les mômes sont des moutons. Ils formulent en masse les mêmes voeux, reproduisant d'éternels a priori.

Je ne vais pas engager un débat sur la réforme de la seconde : on verra à l'usage ce que ça donnera. Elle a au moins le mérite d'offrir des parcours diversifiés et de partir de principe qu'un choix d'option ne détermine pas nécessairement la filière (ES, L, S - j'adopte à dessein l'ordre alphabétique). Ce n'est pas pour rien qu'on l'appelle seconde de détermination : il faut bien tester avant de faire un choix, non? Et bien, plus des trois quarts des élèves envisageant une seconde générale et technologique se sont positionnés sur la même option ("bah oui, faut faire ça pour aller en S!"), y compris ceux qui se vautrent dans les disciplines scientifiques. Je leur souhaiterais presque de tomber dans des classes à 40, tiens (ouh le vilain).
Je n'ose même pas évoquer le sort des langues anciennes. C'est la cata. Pourtant, ils seraient nombreux ceux qui s'en sortiraient à l'aise. J'essaie de convaincre, j'échoue. Pendant qu'ils bossaient en groupes, j'aborde la question avec Fillette et trois de ses camarades. Sans se démonter, sans que je puisse vous dire si elle se rendait vraiment compte de la portée de ses paroles, elle s'enflamme :

"Il faut nous comprendre, aussi! On a eu une mauvaise expérience avec le latin! Mes parents m'avaient forcés (NdP* : je les proposerais volontiers pour la légion d'honneur)
_ Attends, Fillette : je t'arrête tout de suite. Ta mauvais expérience, c'est moi pendant trois ans. Alors réfléchis un peu à ce que tu dis!"

Une de ses copines a mis un peu d'eau sur les braises en soulignant qu'ils avaient appris plein de trucs. Merci pour moi. Mais ça ne m'a pas trop rassuré. La conversation s'est poursuivie un peu plus tard avec Fillette et s'est close sur un mouvement d'humeur : "Tu ne poursuis pas, c'est ton choix, c'est dommage. Et c'est tant pis pour toi, pas pour le latin". Bilan : avec ce cru prometteur, j'aurai un taux de poursuite inférieur à celui de la classe des poètes l'an dernier (qui, pour mémoire, étaient deux fois moins nombreux). Ajoutez à cela que le recrutement de mes débutants l'an prochain est loin d'être garanti, malgré quatre heures prises sur mon temps libre pour présenter l'option, dans des séances au demeurant bien accueillies. Non seulement je suis dégoûté, mais je ne comprends pas ce que j'ai fait de travers.

Au rythme où ça va, je n'ai plus qu'à préparer mes bagages, parce que dans le contexte actuel, ça fleure bon la fermeture de poste...

Pitou G.

*NdP : Note de Pitou

jeudi 3 juin 2010

Polonie de mon choeur

L'eurovision et les anniversaires dans ma belle-famille ne furent pas les seules réjouissances du week-end dernier. Nous nous sommes de bonne grâce pliés au rituel de l'escale chez Sabybanana. La marraine de nos chats possède depuis plusieurs années un trésor ramené d'Orient. Dit comme ça, on s'attend à de l'encens, de l'or, de la myrrhe et des soieries : mais toutes ces richesses sont superfétatoires lorsqu'on détient un CD de musique classique acheté en Pologne.

" Il y avait tous les morceaux que j'aime et c'était vraiment pas cher. Evidemment, j'ai compris pourquoi dès la première écoute", se défend l'intéressée.

Pas facile de choisir parmi toutes les merveilles de l'album. C'est la première fois qu'un CD de musique classique contribue à muscler mes abdos : le fou-rire va crescendo. Tant pis pour Tristesse qui n'a jamais aussi bien porté son titre (Chopin n'a pas fini de se lamenter), pour un Lac des Cygnes pimpant et sautillant, pour l'Ave Maria de Gounod qui attend encore qu'on l'achève... Les deux gagnants sont :





Dites, il est d'origine polonaise, Charly Oleg?

Pitou G.

mardi 1 juin 2010

Niarnialice au pays des merveilles

J'ai une astuce pour ne pas payer le cinéma : je n'y vais que pour accompagner des élèves. Ce n'est pas que je mourais d'envie de voir Alice au pays des merveilles, ni même que je brûlais de rendre service à Daisy, ma collègue handicapée vocale; mais refuser d'encadrer les deux seules classes que j'aurais dû avoir en cours était difficilement défendable.

Je ne sais pas si vous êtes allés voir ce film, ni même si Tim Burton est encore vivant (ce dont je doute fortement après visionnage du film), mais c'est une sortie parfaitement contournable. J'ai eu l'impression d'assister à un remake de Narnia. J'attendais quelque chose de moins insipide de la part de Burton, qu'on sente un peu sa patte, quoi!
Et puis ce n'est pas parce qu'on bascule dans le merveilleux qu'on doit mutiler la vraisemblance à coups de hache : faire parler les animaux ne vous autorise pas à rendre toute docile la méchante créature, sans aucune explication; et j'ai un peu tiqué quand j'ai vu que la gentille reine blanche chassée du trône par sa vilaine soeur vivait peinarde dans son château, tandis que le chapelier sombrait dans la folie au milieu de la forêt. Argh! la bluette entre le chapelier fou et Alice! je m'en serais bien dispensé aussi! On connaît la tendresse du réalisateur pour les dingues et les marginaux, mais les personnages de Lewis Carroll, si peu hospitaliers dans le roman, sont ici sacrément édulcorés. Attention, c'est loin d'être une daube, il y a même quelques belles idées; pas de quoi soulever l'enthousiasme, cependant.

En sortant de la salle, sur le trottoir et sous la bruine, les mômes m'ont évidemment pressé de questions pour savoir si j'avais aimé. J'aurais eu grand peine à masquer mon ennui, alors je leur ai dit en substance ce que vous venez de lire. Mais Agapito a été pris d'une fièvre investigatrice et a voulu creuser jusqu'au pays des merveilles:
"Mais au moins, vous n'avez pas été insensible aux charmes de la jeune fille, non?"

Tous les autres ont éclaté de rire.
On se demande vraiment pourquoi.

Pitou G.

lundi 31 mai 2010

Brève de trottoir

Un lundi ordinaire, dernier cours de la journée : je grimpe avec mes élèves, nous sommes seuls à notre étage (plutôt genre damnés de la terre que rois du monde, si vous voulez mon avis). Fine semble déçue de voir close la porte d'un de mes collègues :
"Oh non! Il n'est jamais là, monsieur YoungFather! (c'est pas faux, ça)
_ On va finir par croire que tu es amoureuse! la raille Vanth
_ Non, mais c'est pas ça : je lui donne des sous!"

Ne jamais me provoquer un lundi soir, ordinaire ou pas :
"Je ne savais pas que mon collègue menait une double carrière!"

Mouais. un jour, je vais avoir des problème, je crois.

Pitou G.

dimanche 30 mai 2010

Alors, euro?

Cette année, on a mis un sacré coup de canif dans le contrat : depuis des années, les soirées d’Eurovision sont délocalisées à Celtovillers, en Amiénie, chez Poussinou. On était bien un peu obligés de batailler contre les convives rétifs qui n’avaient pas compris le concept et militaient pour qu’on regarde un match de foot, mais, bon an mal an, on arrivait à imposer nos kitschouilleries.
Las, l’édition 2010 tombait le même week-end que deux anniversaires dans ma belle-famille.Nous avions donc fait une croix non seulement sur notre virée amiénienne, mais aussi sur le spectacle. Aussi avons-nous sauté au plafond, lorsque Belle-maman nous a annoncé qu’elle entendait bien regarder l’Eurovision avec nous, faute de le faire entre copines. Le temps de sauter sur une feuille de papier (pas d’Eurovision sans grille d’évaluation, cela va de soi) et l’Azerbaïdajanaise poussait déjà la chansonnette.

2010 laissera le souvenir d’un cru sans grand éclat ni gros coup de coeur (Eurovision 2000, que tu me sembles loin!), mais on a tout de même connu bien pire. Déjà, il n’était pas indispensable cette fois-ci de parler très fort entre chaque prestation pour couvrir les commentaires : contre toute attente, Bern et Hanouna se sont honorablement acquittés de leur mission, y compris en commentant l’allure des ambassadeurs de chaque jury national au moment du décompte des points, ce qui est quand même un exercice de style essentiel (cette année encore, écrasante majorité de bimbos, parsemée de quelques analystes du CAC40; la bombasse de sexe masculin attifé d’une veste grotesque étant manifestement une spécialité balte - dont un spécimen distribuant ses points en chanson, au lieu de les meugler comme sa veste en peau de vache l’y conviait; j’ai dû éponger deux litres de ma propre salive lorsque le beau gosse suédois a paru à l’écran) (c’était une longue parenthèse, hein, mais il y a presque plus à dire sur le décompte des points que sur les chansons elles-mêmes).

On s’est quand même farci le Bouclelitto espagnol deux fois, parce qu’il paraît qu’un intrus est monté sur scène pendant qu’il chantait. Je ne me suis rendu compte de rien : il y avait déjà assez d’huluberlus derrière le chanteur, déguisés en jouets (il faut au moins une insolation andalouse pour vous faire croire que faire danser un clown va vous assurer la victoire - et il faut au moins être Portugais pour trouver l’idée géniale). Tout ça pour célébrer en musique “Quelque chose de minuscule” (!), il y a de quoi être surpris...

Cette année, c’est une chanteuse de salle de bain qui a fait l’unanimité. Remarquez, elle avait l’air contente d’être là, à l’inverse du Russe dépressif (mais comme le Russe est russe, il peut compter sur une proportion stalinienne de suffrages - elles ne sont pas rancunières, les nations dépecées de l’ancien bloc soviétique), du mannequin norvégien qui avait dans les mâchoires ce qu’il n’avait pas dans les cordes vocales ou de la barbie ukrainienne à capuchon noir de bourreau.

On a eu droit à assez peu d’excentricités, dans l’ensemble : des Moldaves en costumes hideux (miam la moumoute turquoise sur l’épaule) munis d’un saxophoniste doté de lunettes noires et d’un pelvis à bascule, un Serbe sosie de Lova Moor (photo) avec des suggestions capillaires propres à interroger notre identité ontologique, et une équipe de Winx dépêchées par le Belarus.

Nous sommes biélorusses et brushées comme des papillons


La chouchoute de mon homme, diva islandaise issue d’un croisement entre un Bottero et une grosse meringue rouge (ce qui donne le sosie de Dawn French), n’a pas été récompensée de ses efforts : c’est en vain qu’elle a mollement tangué sur un rythme endiablé en nous offrant des oeillades coquines de fausse ingénue). Ma meute de Grecs testostéronés a eu plus de chance avec son haka de rugbymen spartiates.


Elle a ce "je ne sais quoi" qui en fait la préférée de Pitou V.


Tiens, les All Black ont perdu leur ballon

Bern et Hanouna étaient effarés de voir les Turcs s’en sortir aussi bien avec leur esthétique de manga-hard rock. Leur succès m’ébahit beaucoup moins que celui de la daube belge, 6e (mais mettez-moi une balle dans la tête de ce boy-scout!) ou de celui, du couple danois (4e et navrant). Le vautrage dans les règles du jeunot britannique était, en revanche, parfaitement mérité. Le Chypriote gallois (c’est un concept) qui pensait qu’exhiber le chemin pileux qui mène à son ombilic allait lui garantir la victoire (c’est qu’on l’a vue trois fois, sa toison) n'a plus qu'à aller se rhabiller.

Quant à la plaie des dernières moutures de l’Eurovision, le phénomène du vote diplomatique, il était moins caricatural que d’habitude, puisque les jurys de professionnels ont fait leur retour, en complément des votes des téléspectateurs, mais il a quand même la peau dure.

Pitou G.

jeudi 27 mai 2010

Fibres et frayeurs

Dans un élan d'amour pour mon prochain, j'ai claironné devant Cinderella que j'étais allé voir (et pour cause!) sur Internet un orchestre de légumes. Je me suis alors vu lui expliquer la marche à suivre pour voir la vidéo :

"C'est super simple, tu vas sur g°°gle, tu tapes "vegetable orchestra" ou "instruments en légumes". Tu seras forcément redirigée sur Toi-le-tube!"

En voyant que je venais d'aiguiser son intérêt, j'ai soudain pris conscience du risque phénoménal auquel j'exposais Montdepitous : je voyais déjà Cinderella découvrir, article après article, l'ébourrifant (mais fidèle) portrait que je brosse d'elle. Bon, après coup, je me suis rendu compte que je m'étais un peu emballé, vu que, pour les requêtes sus-mentionnées, le blog doit être référencé en quatre millième page, mais on n'est jamais à l'abri d'une surprise avec ma collègue préférée. Je ne pouvais plus faire machine arrière et argüer : "cété trop pas vré, je rigol lol!!!!" J'ai donc changé de stratégie :
"Tu sais quoi? Je vais te montrer!"

Et je les ai traînés dans mon sillage, elle et son caddy orange, vers un ordi relié au ouèbe. Quand je l'ai vue toute ébaubie, au moment où je remplissais la barre d'adresse ("ohlala! mais comment vous faites ça?" - ah oui, de temps en temps, quand ça la prend, elle me vouvoie), j'ai mesuré combien ma frayeur de la voir débarquer parmi nos commentateurs avait été irrationnelle. C'était un vrai bonheur d'être témoin de son émerveillement devant l'écran qui s'animait, un peu comme quand on secoue un sachet-fraîcheur Whisk@s tout plein de cocawine devant Calim'. Ses yeux, tournés vers l'écran où elle voyait des gens faire leur marché, débordaient de reconnaissance. Et pourtant, sans le son, ça avait tout de suite moins d'intérêt...

Pitou G.

P.S. : je sens que je me suis réservé deux sombres semaines de remerciements quotidiens...

mercredi 26 mai 2010

Encore une victime de la canicule

Vous êtes une éternelle indécise, un indécrottable versatile? Lorsque vous ouvrez une boîte de chocolats, vous ne savez jamais par lequel commencer? Faites comme nous :

Pour agrandir l'image, cliquez sur la ganache au cassis : attention, ne vous trompez pas!


Mélangez-les tous!

dimanche 23 mai 2010

Feutre à mine et mine au taure

Le monde des couleurs est une jungle, surtout pour nous autres daltoniens. Il répond pourtant à des règles bien précises : il y a des seigneurs et des loosers chromatiques. Par exemple, le jaune est tout en bas de l’échelle sociale des craies : il est gras, tache, fait des pâtés. Chez les craies, le haut du tableau (hihihi) est occupé par le blanc, pur, fin, royal.

Attention, la hiérarchie n’est pas du tout la même parmi les feutres : aucun fabriquant ne s’est lancé, allez comprendre pourquoi, dans le marché pourtant prometteur du marqueur blanc ou jaune. Le vert est un guignol (chez les craies aussi : c’est un guignol qui a de la constance). Le noir a des prétentions de rois des Velleda, mais à bien y regarder, est-il beaucoup plus endurant qu’un bleu? Non, sa Majesté des Feutres, c’est indéniablement le rouge. Comment expliquer autrement que votre cartable contienne toujours trois vieux rouges qui vaillent encore le coup alors que les autres couleurs passent à un rythme fou du cartable au sac poubelle?

Alors fatalement, on prend l’habitude d’écrire communément en vermeil. Au début, on prend encore la précaution de préciser “vous, vous écrivez ça en bleu; mes autres marqueurs ont rendu l’âme”. Vient un jour où ce n’est plus la peine : monsieur Pitou G. écrit en rouge, c’est connu.

Pourtant, chaque fois que vous avez la soudaine inspiration de vous ravitailler en feutres (un bleu, un noir, un rouge - tiens, ça m’en fera quatre -, du vert? vous rigolez!), vous vous jetez sur les couleurs conventionnelles comme un chat sur le jambon. Le réflexe rouge a toutefois la peau dure : hier, je me suis interrompu au beau milieu d’un mot rutilant en me souvenant que j’avais des feutres neufs et comme les mômes étaient particulièrement mous du genou et que je m’ennuyais un brin, j’ai conversé avec moi-même (je dois me traîner un réputation de dingue, du coup ils n’osent pas trop me contrarier) :
“Mais pourquoi j’écris en rouge? Ça m’énerve...
_ Comme les taureaux! a rétorqué Livie (tiens, y en a une en vie)
_ On va arrêter là la comparaison, si tu veux bien.”

Simple mesure de précaution : on va éviter que la fin d’année ne vire au rodéo.