Le blog coruscant et capricant d'un couple de garçons en retour d'exil

vendredi 16 novembre 2012

Pédophobie

Sur ce blog, on n'hésite pas à se moquer des stupidités entendues çà et (nous sommes des hommes de coeur). Mais des fois, nous nous improvisons nous-mêmes auteurs de perles...

Je ne sais pas si, comme moi, vous frémissez d'admiration (ou d'effroi) face à tous ces experts qui, placés devant n'importe quel nouveau né, peuvent vous assurer qu'il a le nez de son poupa, le menton de sa môman, voire la fossette d'arrière-grand-tonton Jean-Louis. Un bébé, c'est un bébé. Point. C'est ce que j'essayais d'expliquer, peu aidé par une langue habile à fourcher :
"Je suis incapable de voir la ressemblance entre un bébé et un être humain"

Pitou G.

mercredi 14 novembre 2012

Tornade blanche (1)

Nous avons reçu en villégiature la grand-mère de Pitou V. pendant notre dernière semaine de vacances. Elle est ce qu'on appelle communément une tornade blanche, une de ces femmes qui ne vit quasiment que pour son ménage - et nous ne nous en plaindrons pas : nos vitres avaient grand besoin d'elles (et pourtant "c'est propre, pour deux garçons..."). Sa vie a brutalement changé il y a quelques mois et, depuis, elle commence à réadopter un rythme presque logique*; mais sachez qu'il lui arrivait auparavant de passer la cireuse à 4H30 du matin... Térébenthine et Encaustique sont les deux mamelles de cette France qui se lève tôt.
La passion de la cire lui inspire quelquefois de drôles de sorties :
"C'est gentil, cette théière. C'est ta mère qui te l'a offerte?
- Oui. C'est de la fonte.
- C'est facile à entretenir, ça. On peut mettre du cirage dessus."
Oui, surtout quand la théière est chaude, juste pour le bonheur de voir de grosses dégoulinures noires et grasses se répandre sur la nappe...

Pitou G.

*Logique est - avec gentil - l'adjectif préféré de la Tornade : elle l'accommode à toutes les sauces.

lundi 12 novembre 2012

Lalouze à Paris - 2

Rappel de l'épisode précédent : dans le bus pour Paris, Pitou G. a hérité d'une place de choix (merci collègues!) : il est assis à côté de Cinderella Lalouze. Elle parle, oh dieu qu'elle parle! mais ce n'est pas le pire...

Cinderella a vécu plusieurs accidents qui ont laissé de lourdes séquelles psychologiques. Je n'ai jamais bien compris s'il s'agissait d'accidents de la route ou d'accidents vasculaires cérébraux, voire des deux. Toujours est-il qu'elle lutte quotidiennement contre une terrible agoraphobie et qu'elle a une trouille bleue en voiture. À chaque fois que le bus doublait ou était doublé (ce qui s'est produit une ribambelle de fois à l'approche de la capitale), elle s'agrippait à mon épaule... yêrk! Le voyage m'a semblé bien long...

Une fois arrivés à  Paris, nous avons effectué tous nos trajets à pieds, et il ne fallait pas traîner ("Bonjour madame l'ouvreuse : on est une soixantaine et la pièce a commencé il y a vingt minutes. Ça ne dérange pas, bien sûr? Z'avez un joli sourire.") Or, nous comptions dans nos rangs une estropiée et une Lalouze. J'ai vu Cinderella trottiner dans les couloirs plus d'une fois et, croyez-moi, ce n'est pas beau à voir. Il a donc été décidé de faire d'une pierre deux coups et de cloquer la collègue avec l'élève à béquilles, une vraie terreur qui avait dû se blesser à la castagne, dans le premier taxi disponible. Comme nous sommes des gens responsables, nous avons pris la précaution de les faire escorter par une autre accompagnatrice.

Ce qui suit est bien sûr un récit de seconde main, mais les versions de nos deux témoins concordent : le chauffeur a été tenté plus d'une fois d'éjecter Cinderella de sa voiture. À chaque fois que le taxi atteignait la vitesse ébouriffante de trente km/h, notre boulet se mettait à hurler : "Ralentissez! Pas si vite!", en s'accrochant au bras de la brute éclopée sans le moindre égard pour sa minerve. Pour la troisième passagère, le grand guignol a commencé avant même l'arrivée au théâtre, la veinarde!

Vu de là où j'étais, le reste de la soirée s'est déroulée sans encombre, si l'on excepte l'élève qui a failli mourir d'une péritonite (mais comme elle était sujette à de fréquentes migraines, nous ne sommes pas inquiétés outre mesure). Au retour, comme Cinderella était de nouveau assise à côté de moi (j'ai des collègues en or), j'ai bien vu qu'elle tirait une tronche de trois pieds de long; en proie à mon propre calvaire, je n'y ai pas prêté beaucoup d'attention. Je vous passe l'épisode pique-nique et pause pipi sur une aire de repos, dans une station service qui annonce une fermeture à 22h mais qui baisse le rideau à 21h30. De toute façon, Jo la conductrice ne s'en est pas laissé compter. Un tel mordant lui a valu ce gracieux compliment d'un témoin anonyme :"Mais c'est un homme avec une perruque, ch'te zigue-là!"

Même une fois le dernier bambin confié à sa maman, la soirée n'avait toutefois pas fini de faire parler d'elle. Dès le lendemain, nos collégiens nous ont fait part de l'aigreur de Cinderella. Le soir de la représentation, elle a refusé d'applaudir. Ce manque de respect pour le travail des artistes a heurté certains collègues. Pas moi : libre à elle de penser qu'Arditi a joué comme un pied; on n'est pas toujours obligé de sacrifier à la convention sociale (il y a un canard au boulot à qui je ne dis jamais bonjour et je ne m'en porte pas plus mal). Cela dit, le jeu des acteurs était bien la dernière de ses préoccupations. Le problème, c'était la pièce elle-même, ce scandaleux ramassis de grossièretés. Si c'est pas malheureux que le collège ait permis - que dis-je! - organisé l'accès à de pareilles immondices au lieu de protéger ce public jeune et sensible! On serait tenté de penser que ce sont les trente-sept centimètres (cf épisode 1) qui ne sont pas passés*, mais on n'est même pas sûr qu'elle ait saisi l'allusion. Mais, rendez-vous compte!, Arditi prononce sur scène des insanités comme "t'es trop conne!" ou "putain!" Ça va devenir compliqué d'emmener des élèves voir du théâtre contemporain... 

Alors qu'à l'aller Cinderella n'avait pas cessé de tresser des couronnes pour ce pauvre Stentor qui avait accompli tant de travail pour organiser la sortie et qui ne pouvait même pas y participer, elle a, dès le lendemain, produit une lettre à l'attention du chef pour dénoncer notre inconséquence et se désolidariser du projet, sans même en parler aux principaux intéressés (qui lui auraient certainement répondu : "on ne t'a pas empêchée de lire la pièce avant la sortie"). Le chef a procédé à un classement vertical en bonne et due forme, mais l'incident - et surtout la perfidie de la lettre de délation secrète - a empoisonné la fin d'année. Devait-on intégrer cette collègue dans les jurys d'évaluation, au risque de voir les élèves ayant choisi de parler de la pièce être méchamment saqués par la Boutin de service? Personnellement, ça m'a laissé de marbre. Que Stentor soit tombé de son piédestal et que Cinderella ait été obligée de se choisir un nouveau chouchou, c'était plutôt un soulagement pour lui, non?

Impossible de savoir ce que ça va donner cette année, personne n'ayant consulté Cinderella sur le choix de la pièce. J'ai bien peur que le dramaturge, nonobstant le grand prix du théâtre que lui a décerné l'Académie française, ne soit pas toujours très poli... Un réplique comme 
" On ne peut pas, d’un côté, être les meilleurs du monde en football, et de l’autre, de véritables merdes au lancer du javelot !"
 risque d'atteindre Lalouze en plein coeur...

Pitou G.

* Je ne veux même pas imaginer ce qui pourrait passer par là...





samedi 10 novembre 2012

Lalouze à Paris - 1

Au mois de novembre se tient le premier conseil d'administration de l'année avec les nouveaux élus. C'est une dead-line importante : en principe, tous les projets de sortie doivent être bouclés pour être votés lors de cette session. Même sans ça, il ne faut pas tarder à s'activer : certaines destinations et spectacles sont très demandés. Et quand on essaie de combiner deux activités sur une même journée, il vaut mieux être prévoyant.

Je dis "on", mais vu que je suis une vraie quiche pour tout ce qui relève de l'organisation et que je suis téléphonophobe pour couronner le tout, je suis bien content de pouvoir m'en remettre à Stentor qui adore planifier (il paraît que ça existe, des gens comme ça)... Depuis quelques années, nous emmenons tous nos 3e à Paris dans le cadre de l'histoire des arts. Au menu, la visite du centre Pompidou* et une pièce de théâtre. Tous ces préparatifs me rappellent une anecdote qui a fait couler beaucoup de salive dans les couloirs du collège Haquenée (ah que si!) et dont le protagoniste est Cinderella Lalouze, bien connue des fidèles de ce blog (piqûre de rappel ici ou , si vous voulez). Autant vous le dire tout de suite : elle est encore des nôtres cette année, ça va donner.

Stentor aime bien ce qui brille. Il n'y a donc rien d'étonnant à ce que la pièce qui a retenu son attention l'année dernière réunisse sur scène Pierre Arditi et Catherine Hiegel. La plupart des encadrants ont lu la pièce et donné leur accord malgré quelques passages gentiment scabreux : la première scène en fait des caisses sur le lâcher de caisses; une autre commence par "Moi, j'crois pas qu'elle faisait trente-sept centimètres". On rougit un peu, mais franchement ça passe - enfin, pour les trente-sept centimètres, c'est pas si sûr. Du reste, quand on a préparé la sortie en étudiant des extraits de la pièce, le vocabulaire parfois gaillard n'a pas choqué ces âmes sensibles - d'ailleurs, il était sorti de cette préparation des hypothèses assez intéressantes.

Le jour J, Stentor n'a pas pu être des nôtres pour cause de gros virus (moi, j'crois pas qu'il faisait trente-sept centimètres mais mon collègue dépassait allégrement les trente-neuf... de température). Heureusement, quelqu'un a pu le remplacer au pied-levé, une jeune collègue qui a égayé le trajet en nous racontant sa découverte fortuite des bosquets des Tuileries où ça baise entre cinq et sept (je parle du créneau horaire, pas du nombre de participants, quoique...). Et croyez-moi, le trajet avait bien besoin d'être égayé : j'avais commis l'incroyable impair de la bonne poire de service :
 "Oh! Laisse Y! Je vais porter le billet d'appel"

À mon retour, les collègues m'avaient gentiment laissé la place à côté de Cinderella.  J'ai eu évidemment droit aux sinistres histoires de son éducation bretonne (Cinderella vient d'une famille très très famille, très très catholique et très très inadapté au monde moderne, sans télé et sans séjour au ski, sauf pour son frère Anselme pour lequel trois générations se sont saigné aux quatre veines... vous pressentez peut-être l'élément perturbateur de ma petite histoire) mais c'était loin d'être le plus terrible...
- À suivre...

Pitou G.

*Lors d'un oral, un môme a répondu sans rougir devant son jury qui s'inquiétait de savoir qui était Pompidou : "C'était quelqu'un de très connu. la preuve, c'est que Marylin Monroe lui a dédié une chanson" (Pom-pom-pi-dou, wouh!)

vendredi 9 novembre 2012

Joshua : épilogue

J'ai eu beau me creuser la cervelle, aucune autre perle de Joshua ne m'est revenue en tête...  Seul le diable sait combien il en a commis! Je suis puni par excès de procrastination. Les souvenirs qu'il me reste de lui sont bien maigre : sa bouille d'innocent, son sourire désarmant de grand enfant et les nombreux moments où il me traquait dans les couloirs pour m'abreuver de questions élémentaires... Quand un collègue me disait : "Il y a un élève qui te cherchait partout", je n'avais jamais de doute sur son identité. Je crois bien que je n'ai jamais réussi à m'énerver contre lui, même plongé dans les affres de mes plus mémorables craquages avec cette classe (tiens, ça aussi ça mériterait un article).

La bonne nouvelle, c'est qu'on lui a trouvé une affectation : le lycée Chauffe Marcel où il va apprendre à conduire de gros camions. Mais ses stages dans des domaines divers n'auront pas été inutiles : un jour, j'ai reçu dans un mail de ses parents (en fin d'année, j'ai eu une correspondance soutenue avec eux, ambiance "Obi Wan Kenobi, vous êtes notre dernière chance"... pas de chance, il n'y avait que moi) cette phrase magnifique :
"Son stage se passe bien et il aime ce qu'il fait dans l'exploitation agricole. Il y a même un veau qui s'est entiché de lui. "
Et en fin d'année,  chose assez rare pour être soulignée, les parents de Joshua m'ont envoyé un courriel de remerciement à l'attention de toute l'équipe. Ils se terminait ainsi :
" Nous vous souhaitons de bonnes vacances et beaucoup de courage avec les futurs clones de Joshua" suivi d'un smiley, sinon ça ne ressemble pas à un courrier officiel.
Evidemment, le lendemain, j'ai dû expliquer à Joshua ce qu'était un clone, parce qu'il se voyait déjà avec un gros nez rouge...

Pitou G.

mercredi 7 novembre 2012

T-shirt.con

Mon collègue Stentor est le champion des T-shirts. Sa garde-robe fait rêver quantité d'ado et préado amoureux des couleurs flashy. Il possède plus de hauts qu'il n'y a de jours dans l'année, a fortiori dans l'année scolaire, et ce n'est pas plus mal : il paraît que certains ne sont pas forcément fréquentables... Avec A., une autre collègue, on a lancé l'idée d'organiser une journée du T-shirt insortable (comprendre le t-shirt un peu provoc', un poil moche, vaguement ridicule, ou celui qui en dit trop long sur nous, bref : le t-shirt too much), un peu comme Adjani voulait lancer la journée de la jupe, sauf qu'on n'avait pas prévu de prendre les gosses en otages. Flingue ou pas flingue, cette initiative est restée lettre morte. Tant pis pour le top "I'm not desperate, I'm not a housewife" d'A (que les dieux ménagers n'ont pas gâtée). Quant au t-shirt qu'aurait choisi Stentor, ça reste un mystère (il n'en est pas à un près). De mon côté, j'avais portant opéré une présélection. Tous ne sont pas inavouables, les deux premiers ont même déjà été portés au boulot :

Comment gâcher une heure de cours : 
"M'sieur, ça veut dire koâ, l'inscription sur votre t-shirt?
- Je vous le dirai à la fin, si vous êtes sages..." 
C'était mal connaître cette bande de harceleurs. Il a donc fallu le traduire ensemble*
(la dernière fois que j'ai vérifié, ce n'était pas dans le programme)
Merci YoungFather...

Quand je suis d'humeur autoritaire... 
Notez que cet imperator qui semble sortir d'une coquille d'huître doit être fils de Venus...

Sofia Coppola avait le même en une de Télérama.
J'en ai rêvé, Schtouf l'a fait

Acheté
Acheté en Transrhénanie sur les conseils de Stentor. Lui s'est offert le reste du magasin. Portable en classe, à condition de porter un gilet qui n'en découvre que les cornes.
Mon T-shirt de PACS. Il va prendre 11 ans (et moi j'ai pris 11 kg)
Je ne sais pas ce que vous en pensez, mais je donne le dernier grand gagnant. Je le garde précieusement, en vue d'une hypothétique première édition de la journée du T-shirt. Dans le genre Tarzan, je pourrais aussi recycler mon t-shirt "I can't stop rain", lacéré par Calim un jour de grosse panique : j'ai vu un tigre et j'en ai réchappé. 
Mais je serai toujours un cran au-dessous de Stentor : il a le génie de la mode et du moment opportun. Retenu contre son gré par le chef avec une poignée d'autres collègues (la chemise jaune dont vous apercevez la manche n'est pas mal non plus - attention à vos rétines), il a eu les honneurs de la presse locale dans cette délicieuse tenue. Un pli facétieux s'est invité sur la photo...

Pitou G. * Vous avez dix minutes pour plancher sur la traduction... Attention, c'est noté!

lundi 5 novembre 2012

Joshua

En sa qualité de gentil quichou, Joshua bénéficiait d'un dispositif d'accompagnement particulier. Avec quelques uns de ces camarades, il devait, entre autres joyeusetés, effectuer dans l'année cinq stages d'observation en entreprise, histoire de l'aider à choisir une orientation correspondant à ses goûts (les gros engins) et à ses compétences (euh... ses compétences en devenir). Sur le papier, ça semble une super idée, même si je continue de me demander, un an plus tard, pourquoi il n'y avait que quatre élus parmi vingt autres aspirants quichoux dans la classe (les trois élèves restants se demandaient quotidiennement, comme moi, ce qu'ils étaient venus faire dans cette galère). On en viendrait presque à ne pas regretter les loooongues fiches que j'avais dû rédiger pour chacun d'eux pour justifier de façon per-son-na-li-sée leur Parcours Dérogatoire (que nous n'avons jamais désigné par acronyme, allez comprendre pourquoi; cela aurait ajouté un grain de fantaisie aux conseil de classe : "le P.D. a fait le plus grand bien à Joshua : il a parfaitement ciblé son orientation"). 

Toutefois,  ce projet enthousiasmant s'est vite heurté au principe de réalité : quand un élève est en stage, il n'est pas en cours. Qu'à cela ne tienne : quand il revient en classe, son emploi du temps est aménagé de façon à lui permettre de rattraper les cours manqués avec un enseignant... et pour ce faire, il rate d'autres heures de cours. Concrètement, ça veut dire que, pour ma seule discipline, ils suivaient trois heures de cours pour compenser les neuf perdues. Mais comme c'est moi qui m'en occupais, cela ne pouvait pas poser de vrai problème, hein!

Evidemment, ça oblige à faire des choix, voire à adopter une pédagoguie du détour, quelquefois mal inspirée. J'ai ainsi eu l'idée saugrenue de faire passer les notions d'objectivité et de subjectivité par le biais de la diplomatie internationale. Pouvait-on imaginer explication plus adaptée à une poignée de quichoux? Cela dit, elle m'a valu un moment de pur non-sens, presque une révélation anti-existentielle : ce serait faire preuve de mauvais esprit que de la regretter. Bon, simplifions, objectif est un synonyme de neutre. Mais neutre, qu'est-ce que ça signifie au juste? Pourquoi dit-on que la Suisse est un pays neutre? Abyssale expérience du vide. Joshua, qui jusqu'alors regardait distraitement par la fenêtre, décide alors de voler à mon secours, même si je ne suis pas bien sûr qu'il ait écouté la question (au vu de sa réponse, on en vient à l'espérer) - puisque je vous dis que c'est un gentil garçon : 
"La Chine. Parce qu'on y mange du chien"

Il a l'air affirmatif. Les autres ne réagissent même pas. Grands dieux! Je devais déjà être blasé, parce que je ne relève même pas l'absurdité de sa réponse. J'aurais dû répliquer : "Oui, bien sûr. Mais quelle est la différence entre un rhinocéros?*" Au lieu de ça, je me suis enlisé :
"On dit que la Suisse est un pays neutre parce qu'en cas de guerre, elle ne va ni d'un côté ni de l'autre" (je vous l'accorde, je ne pouvais sans doute pas choisir pire formulation). Tandis que Wisconsina, Melvin et Molvin arborent toujours leur prestance de poissons morts, une fulgurante lueur traverse les yeux de Joshua, suivie d'un cri du coeur :
"Ah! en fait ils sont sédentaires!"

Comme quoi, il ne faut jamais désespérer.

Pitou G.

* Il ne peut ni voler.

samedi 3 novembre 2012

Fétiche

Un an, cela fait un an que je conserve au fond de mon cartable ce précieux grigri. Même après tout ce temps, il me fait encore rire. Mais toute perle des perles que ce soit, ça n'explique pas que je l'ai gardé si longtemps à portée de main. Je ne lui prête aucune propriété protectrice, aucune magie sinon un espoir de résurrection pour Montdepitous. C'est aussi un témoignage de l'année passée, une année pas si éprouvante que ça malgré la classe gentiment désespérante que j'étais censé guider. Pas une semaine ne passait sans que je me dise : « Ça, ça vaut bien un article de blog ; mais pas ce soir, pas assez de courage. On verra demain ». Et tout ce temps, je gardais ce papier froissé comme promesse de notre grand retour... Un an, c'est bien assez. 

Pour préparer l'étude d'une pièce de théâtre, j'avais juste demandé aux mômes de chercher chez eux, dans un dictionnaire des noms propres (j'avais lourdement insisté sur ce détail, comme si j'avais pressenti le fiasco), les noms de Jason et Euripide. Le jour venu, je vois Joshua se planter benoîtement devant moi. Je comprends confusément que son dictionnaire ne connaît aucun des deux individus demandés, qu'Internet que pouic et que je demande vraiment des trucs improbables ; même ses parents n'ont pas pu l'aider, c'est dire. Mais, vrai de vrai, Joshua est de bonne foi : la preuve, il a improvisé (sic) une définition. Je renonce à lui demander s'il a cherché dans une encyclopédie du bricolage ou s'il a songé à allumer son ordinateur avant de lancer sa requête. En fait, à ce moment-là, mon cerveau – qui sort tout juste des brumes du sommeil – se focalise sur l'expression « improviser une définition » qui le laisse pantois. Ma perplexité ne dure guère et j'oublie cet incident jusqu'à la fin de l'heure (c'était en tout début d'année, à l'époque où il était manifestement encore possible d'oublier Joshua une heure entière). Et puis à la fin de la séance, je retrouve par terre une boule de papier chiffonnée. Je ne tarde pas à comprendre qui en est l'auteur, apprenant au passage à quoi ressemble une définition improvisée...

Par la suite, est-il nécessaire de le préciser? Joshua est devenu la mascotte de cette classe, ou plutôt son totem : l'incarnation d'un état d'esprit, perpétuellement à côté de la plaque. Laissez-moi le temps de sonder ma mémoire et je vous fournirai d'autres preuves!

Pitou G.