Le blog coruscant et capricant d'un couple de garçons en retour d'exil

samedi 27 février 2010

Miraut bolant

Ça sent la rentrée à plein nez. Il est temps de mettre de côtés nos belles histoires de thalasso et de réchauffer un billet projeté avant les vacances, pas écrit pour cause de flemme.

Ecrire une suite de texte, c'est un sujet bateau. Plus bateau en tout cas que :

"Imaginez que votre prof tient un blog et qu'il y raconte vos perles. Ecrivez trois de ses billets, correspondant à trois anecdotes différentes. Vous utiliserez tous les procédés du foutage de gueule."

Inventer une suite, disais-je, les mômes y sont entraînés depuis des lustres. Quand il a fallu proposer le brevet blanc, on s'est réunis et on a dit banco. Nous n'avions pas prévu que, se croyant invités à imaginer sans contrainte et se sentant investis d'une totale liberté, ils écriraient absolument n'importe quoi, n'importe comment. Le pire étant sans doute qu'ils sont sortis de là en disant : "Comment qu'c'était trop facile!" Ben voyons...

Le texte support était un extrait de l'inoubliable auteur de la Guerre des boutons (si on aurait su, on s'aurait abstenus). La Guerre des boutons, c'était un sujet trop sensible pour des collégiens sujet à l'acné. Nous nous sommes donc rabattus sur l'autre chef d'oeuvre (?) de L. Pergaud, Le Roman de Miraut, chien d'aveugle de chasseur . Je pense que vous êtes bien peu à connaître ce livre : c'est parce que Pergaud n'était pas un visionnaire; il aurait été mieux inspiré d'écrire une histoire de poney, de dauphin ou de panda roux. Mais bon, un corniaud, ça pouvait faire l'affaire.
Avant d'en venir aux élucubrations dont j'ai dû me farcir la correction, je vais tenter de vous résumer la situation : Lisée est un pauvre braconnier (on les voit rarement dans les Palaces, les braconniers, en même temps), un brave homme marié à une espèce de mégère. Sa femme l'oblige à vendre Miraut, le chien qu'il aime tant. La fidèle bête ne supporte pas la séparation et ne cesse de rôder près de son ancien maître. Il est devenu sale, malade et a perdu toute confiance dans le genre humain. Lorsque la mégère finit par lui jeter des cailloux et que Lisée lui tourne le dos, Miraut s'éloigne du village et hurle à la mort.

Il y a eu quelques légers soucis d'incohérence dans les machins que j'ai eu sous les yeux, à commencer par le nom du chien. Dans une seule et même copie, Miraut a répondu aux noms de Meraud, de Mirtaud et de Merlaud. Dans la plupart des récits, le chien est télétransporté au milieu du village qu'il s'empresse de requitter (Pergaud n'avait pas assez bien écrit son départ, je pense). Assez souvent, il marche un peu, tombe sur une cabane isolée où vit une dame élégante (les vraies ladies vivent dans des masures au milieu des bois) et celle-ci, dès le premier coup d'oeil sur la bête miteuse, décide de l'adopter en le rebaptisant au choix Espoir, Lancelot ou Tobby. Comme le chien se montre méfiant envers les humains, il s'empresse de lui sauter dans les bras et de lui lécher la figure. La dame va en ville, emmène son chien et tombe amoureuse de Lisée dont la femme vient justement de mourir, si c'est pas de la veine tout ça.

La méchante épouse a trouvé la mort dans pas mal de copies : nos chères têtes blondes sont des justiciers qui punissent les bourreaux d'animaux. Une fois, par exemple, elle est morte de la grippe parce que Miraut hurlait tous les soirs (là, faut revoir les cours de science). C'est invraisemblable. D'autres fois, elle devient subitement gentille et fait tout pour ramener le chien à la maison. C'est invraisemblable et grotesque. Mais que dire de tous ceux qui ont tout simplement oublié l'existence de la mégère et ont raconté comment Lisée est parti chercher son chien avec trois ballisto au fond du sac? Ça donne lieu à d'émouvantes retrouvailles où le brave homme fait son mea culpa, et là je cite : "Désolé disa Lisée" (à répéter vingt fois très vite).

D'autres ont fait le choix, sans doute plus judicieux, de ne plus parler de Lisée. On suit alors les pérégrinations du chien, souvent amené à se faire de nouveaux amis. Ici, il tombe amoureux de Mirette. Là, il rencontre un autre chien errant, un loup rejeté par les autres et un petit ours brun qu'ils chassent de sa grotte, ils forment un gang et, à eux quatre (je n'ai pas compris comment l'ours est devenu leur pote), ils se rendent maîtres de la forêt.
Plus souvent, Miraut est appâté par un sandwich piégé de la fourrière. Le lendemain, il est adopté et tout va pour le mieux. Mais le chien n'a pas toujours besoin d'entremetteurs : lorsqu'il quitte le village, il est bien décidé à se trouver un gentil maître. Parce que vous, adultes sans coeur, vous avez oublié un détail important : un chien, ça a des sentiments, des projets et des pensées métaphysiques (tiens, je ne vous ai pas parlé du Miraut qui fait cent kilomètres pour aller mourir sur la plage en se posant des questions existentielles?).

Voilà qui nous amène à la perle des perles. Plus surprenant que le pauvre Lisée qui offre une récompense de 100 pièces d'or pour retrouver Miraut et achète un chien policier pour mener l'enquête. Plus palpitant que le chien qui résout une mystérieuse affaire d'enlèvement et devient un héros. Plus fascinant que le chien qui doit à tout prix arriver au village dont il voit le clocher et qu'il ne peut atteindre qu'en faisant de l'autostop. Plus passionnant que le récit détaillé du nettoyage de Miraut par Lisée (il faut bien 25 lignes pour dire dans quel sens il faut frotter). Plus stupéfiant que le chien kidnappé par des brigands et qu'on assassine au fond d'une grotte (et là, encore, je ne vous parle que des histoires que j'ai pu comprendre). Plus fort que tout cela : l'opération commando. Miraut, avec un autre petit chien abandonné, échaffaude un plan diabolique. Pendant que son compagnon fait le gay guet, il se glisse subrepticement dans la maison vide, verse avec sa petite patte de la mort aux rats dans le verre qui contient le dentier de la mégère (j'en déduis qu'elle a quitté la maison sans ses dents). Le lendemain, Lisée, veuf joyeux, reprend Miraut et adopte l'autre petit chien (pour remplacer sa femme?).

Sérieusement, je tombe des nues en constatant que des ado, spécialistes des choses de l'amour, n'arrivent pas à admettre qu'on puisse préférer sa femme à son chien...

Pitou G

Edit de 23h: je viens de me souvenir qu'il y avait une perle plus éblouissante que la perle des perles! Le chien qui parle (pour dire des trucs genre "mé téfou", on est loin des rêveries métaphysiques lues par ailleurs)! Il veut aller dans la cuisine du village pour aller voler des saucisses, mais les habitants du village, qui sont soudainement devenus de cruels mangeurs de chiens rachitiques, lui ont tendu un guet-apens. Heureusement, le chien trouve une trappe (qu'il soulève à la force de ses papattes musclées). Et quand il voit la lumière au bout du tunnel, il se croit sauvé; mais les villageois cynophages l'attendent. Je vais vous frustrer, mais j'ai oublié comment ça se termine (je crois qu'il saute au-dessus de leur tête et disparaît fissa dans les broussailles - je m'en serais souvenu si Miraut avait fini en hot-dog). Que je me sois empressé d'oublier ce récit est le signe rassurant que mon subconscient filtre tout ce qui est susceptible d'attenter à ma santé mentale.

vendredi 26 février 2010

Jude Loi

Il y a un point de notre séjour en thalasso que nous n'avons pas encore abordé - et on va se dépêcher de le faire avant qu'il ne s'écroule de désuétude : le personnel qui était aux petits soins pour nous était absolument charmant. Par exemple, la dame des vestiaires, qui m'a appris que mon nom désignait une pâtisserie en arabe (j'aurais dû lui en demander plus, parce que je n'ai rien trouvé sur le Ternet; peut-être qu'elle dit ça à tout le monde; ou alors elle a trouvé que j'avais une tête de المقروض), le jour de notre départ, avait l'air émue aux larmes, alors que, vraiment, y avait pas de raison. Ça manquait juste un peu de personnel masculin, surtout côté masseurs, je dois dire.

Il y avait cependant une exception notable parmi les maîtres d'hôtel (qui, avouez que c'est excentrique, ne massent pas les clients). Une curiste avec laquelle nous avons sympathisé ayant souligné sa ressemblance avec ce monsieur

nous l'appellerons Quézac Jude Loi (et je suis super fier de ce jeu de mots à triple lecture). Il était assez décoratif et assorti à la cuisine du restaurant (ils avaient tous deux bon goût), en dépit de ses vestes trop amples et trop longues. Je ne sais pas si on peut le blâmer pour ses choix vestimentaires : je soupçonne la chaîne de restaurant d'habiller son personnel, comme l'atteste la très discrète boucle de sa ceinture "Novotel". Hélas, Jude a, le judas! refusé de nous laisser photographier l'objet du délie délit. Il nous a simplement confié que sa direction ne lui épargnait rien et qu'il porterait sans doutes bientôt des chaussettes publicitaires. Comme c'était le deuxième soir, il n'a pas abordé le cas, pourtant passionnant, de ses sous-vêtements.
Il en aurait cependant été capable : en plus d'être passablement mignon, Jude Loi était un plaisantin. Il a commencé très tôt à nous taquiner. Quelquefois, on l'y aidait un petit peu, comme le soir où Pitou V. a renversé tout son vinaigre à l'échalote sur la nappe blanche. Mais le plus souvent, on se contentait de battre des cils quand il passait dans les parages. Et il nous faisait de virils petits coucous quand il nous voyait sortir de l'ascenseur. Une semaine pleine d'audaces, comme vous le voyez.

Mais la vie est un jeu de l'oie et on ne peut pas compter sur les Jude, ah! L'avant-veille de notre départ, il nous a dit "à demain", le fourbe. On ne l'a plus jamais revu. Je me suis senti trahi par le Loi, même que je l'ai écrit dans ma rédaction de fin de séjour.

J'attends toujours son mail d'excuses.

Pitou G.

jeudi 25 février 2010

Et tou taquetaquetac

Jadis, mon dealer en kitscheries trônait en bonne place dans la colonne de gauche. Las! Timy a sabordé son blog le mardi 9 décembre 2008, date funeste qui sera bientôt mentionnée dans tous les manuels d'histoire comme la mort du bon goût et de l'élégance.
Mais Timy n'a pas cessé son activité de découvreur de talents et, grâce à Fesse-bouc, j'ai encore la primeur de ses poulains. Je lui ai demandé l'autorisation de partager son dernier butin. Il m'a répondu que j'en avais le devoir. Voyez ça comme un geste citoyen (de rien, ça m'a fait plaisir) :



D'entrée de jeu, on apprécie le sous-titrage : ça permet de se rendre compte que l'avenante chanteuse coréenne, version asiatique d'une nageuse de l'ex-RDA, chante bien en yaourt français, détail qui ne saute pas aux oreilles sans un support visuel. Si les premières minutes sont esthétiquement les plus réussies, des perles phonétiques sont disséminées tout le long de l'oeuvre. J'ai un faible pour la prononciation de "au fond" (0:21) et de "donnée"(1:50). Il est par ailleurs évident que la chank'euse (je m'essaie à la phonologie coréenne) a une formation de danseuse : elle a des gestes amples, fluides et déliés.

Décidément, la Corée est une terre d'artistes.

Pitou G.

mercredi 24 février 2010

Une bouteille à la mer

Fesse-bouc ne sert pas qu'à devenir Goo-Hadès (photo).
Sans céder à une vague de nostalgie ou à une folie du revival, je tape dans le cadre de recherche un nom de mon passé : des camarades d'enfance, d'anciens collègues, voire des élèves que j'avais eus en Amiénie. Tandis que je fais défiler la liste des amis d'amis, je découvre plein de visages que j'avais oubliés et des noms qui sonnent étrangement familiers à mes oreilles. Lorsque vous vous apercevez que votre mémoire avait effacé beaucoup d'entre eux, vous réalisez que vous faites ce métier depuis des lustres. C'est une impression vertigineuse. On pourrait passer des heures à se perdre dans ce fouillis de noms et de liens, sans pour autant chercher à entrer en contact.


Mais il y a deux jours, j'ai lancé, comme une bouteille à la mer, un message à une importante figure de mon passé, Myme, qui vient de se créer un profil. Elle m'a répondu hier soir. Je ne sais pas sur quoi cela débouchera, sûrement sur rien, mais c'est curieusement apaisant.

Pitou G.

mardi 23 février 2010

Le Cat et le Pilates

"Pressez-moi les pattes pour agrandir la photo"


Calim' dans la célèbre posture de la marmotte, en totale confiance dans les bras de Pitou V. Nos chats se mettent à la méthode Pilates, c'est à ce prix qu'ils entretiennent leur forme. Peut-être essaie-t-il de se faire passer pour un perchoir à moineaux...
Notez que notre chat n'est pas noir, en fait. Il a des reflets bruns, voire rose...

lundi 22 février 2010

Acte manqué

C'en est fini : il a bien fallu quitter l'hôtel et sa thalasso, malgré des réticences de part et d'autre.

N'est-ce pas parce qu'elle ne voulait pas nous laisser partir que l'hydrothérapeute qui m'avait barbouillé d'algues m'a un peu oublié, tout saucissonné dans la couverture chauffante? Rassurez-vous, une sécurité éteint automatiquement l'appareil au bout de vingt minutes. N'empêche que j'ai trouvé le temps un peu long, dans cette position des plus confortables : des fois, on se passerait bien d'avoir dix minutes de rab. J'ai fini par me délivrer tout seul, avec la grâce d'un pélican barbotant dans une marée noire. Heureusement que la couverture ne tenait qu'à un bouton pression! J'ai décollé le film plastique gluant et j'ai glissé jusqu'à la douche. J'étais déjà en train de me sécher quand une autre hydrothérapeute a ouvert la porte, l'air surpris de me trouver là. Elle a marmotté de vagues excuses au nom de sa collègue : "Euh, elle a un peu de retard". Par un curieux caprice du hasard, c'était déjà la même qui, la veille, avait laissé s'installer une vieille dame sur le matelas à eau de l'hydrojet avant de l'abandonner un quart d'heure sans mettre la machine en marche (il faut dire que ça réclame un geste très technique : il faut appuyer sur le bouton).

Malgré ce contretemps, je ne suis pas arrivé en retard à mon ultime modelage sous affusion (sous une douche d'eau de mer, quoi), où, pour une raison inconnue, la jeune femme s'évertuait à faire claquer de l'eau sur mon périnée. Pendant ce temps-là, mon homme connaissait l'enchantement ouaté des soins du visage. Tandis que l'esthéticienne le chouchoutait et chuchotait pour ne pas briser l'ambiance alanguie, Pitou V. n'a pas cessé de la faire répéter, parce qu'il avait les oreilles bouchées. Nous avons profité de ces moments de relaxation pour réfléchir à la dissertation qu'ils déguisent en questionnaire de satisfaction (et qui est en fait un véritable examen qui te donne le droit de quitter l'hôtel).

Vous voyez donc que la direction n'était pas disposée à nous laisser partir et nous ne devons qu'à l'excellence de notre prose (extrait choisi : "mais, bon dieu, changez moi la musique de ce restaurant!") notre droit de sortie, si chèrement gagné (au sens propre, évidemment). Mais il semble bien que nous aussi, nous ayons eu du mal à partir.
Après avoir parcouru une centaine de kilomètres, en cherchant dans ma poche un papier dans lequel fourrer mon chewinegomme, mon index heurte quelque chose de dur et plat. Pas l'idéal pour accueillir mon résidu de mastication, mais plutôt pas mal pensé pour ouvrir la porte d'une chambre d'hôtel :
"Pinaise! J'ai oublié de rendre la carte magnétique, sursauté-je, me préparant à me faire battre comme plâtre par mon homme, contraint de faire demi-tour.
_ Oh! Moi aussi! (bon, on va se taper mutuellement, alors)"

Arrêt sur la première aire rencontrée, coup de fil à l'hôtel. Pas de drame, les cartes magnétiques et les certificats de remise de peignoirs (8O€ le ticket, ça paie plus que le loto) voyageront par voie postale. Ça aurait pu être bien pire : on aurait pu oublier nos bonnets de bain!

Pitou G.

vendredi 19 février 2010

Comme un vol de sushis sur les algues marines

À la veille de notre dernière matinée de soins en thalasso (ah oui, parce que pour tous ceux qui demandent : "c'était comment?", attendez un peu que ça soit fini), notre humeur est partagée; entre le bonheur de se faire choyer et l'envie de rentrer chez soi, entre les bienfaits des modelages et la légère saturation qui commence à se faire sentir, nos coeurs balancent.

On nous a vendu du "tonus masculin", parce qu'un mâle, ça doit être en confiance : on ne lui propose pas du "détente relaxation" ou du "massage du monde"! Ça, c'est bon pour les femmes et les eunuques! Ne comptez pas non plus lui suggérer des soins collectifs - ça, c'est pour les moutons et les araignées d'eau. Mais des machines de haute hydrosupracynémécanicotechnologuie, vous pouvez lui en coller facile trois fois par jour .

Avec trois soins par demi-journée (les femmes en ont quatre, mais elles s'esbaudissent dans des piscines en soins collectifs, ah ah ah), on a le temps de boire trois litres de tisane et de sauter dans le hammam ou le parcours aquatique entre deux rendez-vous. Tous les traitements ne se valent pas...

Il y a ceux qui vous font penser : "tiens, demain, je deviens hydrothérapeute". L'essentiel de ce boulot consiste alors à appuyer sur un bouton - et finalement, c'est vous qui faites le plus d'efforts sur votre matelas d'eau (rien que pour monter dessus, il faut être acrobate) qui vous mitraille le dos et les jambes avec de puissants jets. Très délassant en fin de demi-journée. Un peu rude pour commencer.
Dans la même gamme, vous avez le "bain hydromassant aux parfums d'ailleurs" que nous avons rebaptisé Schlouk-schlouk, d'après le bruit que fait le petit flacon de "parfum d'ailleurs" quand l'hydrothérapeute le presse. C'est d'ailleurs l'essentiel de son travail sur ce poste-là : c'est fini l'époque où l'employé des bains, Chihiro des Charentes, devait récurer la baignoire! De vigoureux jets d'eau décapent l'émail sitôt le bassin vidé : vous n'avez pas intérêt à lambiner au fond de la baignoire (Pitou V, mal averti par la dame, a cru que c'était la dernière partie du soin, un peu douloureuse).
La douche à jet est, en revanche, un poste extrêmement spécialisé : c'est toujours la même dame qui tient le tuyau, vous chatouille la plante des pieds au Kärcher et vous inonde les marines narines.

Après, vous avez les soins qui demandent des huiles de coude et de pépin de raisin : un modelage sous une rampe d'eau de mer chaude. Les effets dépendent grandement de la personne qui vous masse (au choix : métis éthéré et indolent, matrone gironde ou petite dame sèche). Notre cure prévoyait aussi un long modelage tonique, de la plante des pieds au cuir chevelu : le balinais. La masseuse avait l'air de l'appréhender plus que moi. Elle a d'ailleurs commencé par une interminable mise en garde. Je l'entendais parfois souffler pesamment; elle devait avoir peur de m'arracher une côte. Malgré quelques moments assez inconfortables, mon impression est très positive : on en ressort ragaillardi. Je ne l'ai toutefois pas conseillé à mon homme qui l'a échangé contre un massage sur plaque chauffante ayurvédique, réputé relaxant.

Côté salon de beauté - car mâles, nous n'en sommes pas moins coquets (dans ma tête, cette formule sonne de façon très drôle, mais sans doute pas pour vous : relisez-la en prenant une voix débile et nasillarde; je vais pas le faire pour vous, j'ai la flemme d'enregistrer ma voix, non mais oh - fin de la didascalie) -, côté salon de beauté disais-je, nous eûmes le privilège de porter le si seyant string en papier pour un gommage du corps. Pas de string sur la tête, hélas, pour le soin du visage, même pas un bonnet en feuille de bananier! Un soin du visage, ça dure des plombes, je sais, je connais, j'ai tout vu, je suis pas un novice! N'empêche, j'ai cru que la dame avait oublié qu'elle m'avait remisé au fond d'un placard avec une mixture d'algue sur la tronche ou qu'elle avait été renversée par un chariot de lingettes aux oligo-éléments. Elle a dit qu'elle m'avait abandonné à peine vingt minutes, mais je suis sûr que j'aurais eu le temps de plonger vingt fois dans le Schluck-schluckbath! Moi ce que je préfère dans le soin du visage, c'est qu'en théorie, c'est censé illuminer la face alors qu'en fait, il vous la couvre de petites rougeurs : "c'est une réaction à l'iode : y a rien à faire. Je peux vous prêter un sac en papier kraft avec des trous pour les yeux, si vous voulez". Ça gère, comme disent les jeunes (donc nous, parce que la thalasso, ça rajeunit).

Mais le soin phare, celui qui est paré de toutes les vertus, c'est celui qui a inspiré le titre de ce billet : l'enveloppement aux algues. En bref : on vous tartouille d'une compote d'algues, on vous enroule dans du cellophane avant de vous enfourner dans une couverture chauffante. Cuisson : vingt minutes (les puristes comme moi choisissent l'option 'bras captifs' : le détail qui vous donne soudain une furieuse envie de vous gratter le nez). Comme vous êtes un curiste zélé, vous aurez fait précéder l'enveloppement d'un hammam, histoire de bien ouvrir les pores et d'optimiser les effets de la bouillie d'algues dès la première seconde (comprendre : ça vous grattera d'autant plus vite).

Si vous n'avez pas assez transpiré, libre à vous d'aller fitnesser, aquagymer ou véloelliptiquer (etc...), mais demain. Oui, demain.

Pitou G.

mardi 16 février 2010

On innove hôtel.

Fin janvier, nous avons fêté notre anniversaire de rencontre. Onze ans n'est pas un chiffre rond, mais étant donné que pour nos dix ans nous nous étions offert - luxe inouïe - un kebab, je me suis dit qu'il fallait peut-être marquer le coup. D'autant plus qu'après deux ans et demi de travaux et d'achats destinés à notre maison, nous avons décidé de marquer une pause et de profiter davantage, en faisant du tourisme par exemple. Las, on ne quitte pas si facilement une passion comme la nôtre, et c'est juste avant nos vacances que la chaudière a décidé qu'il lui fallait de toute urgence différents accessoires et colifichets pour terminer l'hiver. Notre brave plombier, qui s'était éclipsé pendant deux mois en nous laissant sans chauffage dans la salle de bains pour laisser place au peintre (qui s'est finalement désisté), s'est réveillé en envoyant de mignonnes petites factures à trois ou quatre chiffres - voilà ce que c'est que de charger la mule une fois sur place!
Mais je m'égare, et puisque je ne ferai pas pleurer dans les chaumières avec nos célèbres MPR, je vais tâcher de te faire un peu bisquer, gentil lecteur.

Pour nos onze ans, j'avais envie de faire une surprise à G. Bien entendu, il n'a jamais été question de partir loin loin en avion. N'ayant aucune attirance pour les sports d'hiver, nous passons généralement d'assez calmes vacances en février. Et c'est pendant l'épisode neigeux que je me suis décidé: après avoir erré délicieusement sur le net, j'ai opté pour un séjour en thalasso à Royan, conquis par une offre Club Camif (je ne suis pas ennemi du cliché!) réduisant le prix de plus de vingt pour cent. Le premier contact téléphonique avec la centrale de réservation était clair, les conditions avantageuses: oui l'offre duo pour elle et lui était valable pour lui et lui, etc. Comme ce serait trop simple, j'ai préféré ne pas conclure immédiatement (il faut toujours se réserver au premier contact.). Le deuxième appel quelque temps plus tard a été plus laborieux, il a fallu que la jeune femme interpelle plusieurs fois ses supérieurs, que je lui explique qu'il y avait deux réductions successives, etc. Cependant, je n'ai pu obtenir la même cure "tonique masculin" (curieux comme il faut toujours rassurer les hommes avec du "tonique" et du "dynamique") pour tous les deux - c'est absolument impossible vous comprenez, même si elles sont au même prix, pour l'organisation bla bla bla... Je spécifiai expressément un envoi sous pli discret (j'avais même envisagé de donner l'adresse d'un de mes établissements - un courrier agréable dans le casier, pour une fois). Que croyez-vous qu'il arriva? Une belle enveloppe avec une photo d'une dame en maillot de bain trop heureuse sur son rocher face à la mer! "THALAZUR ROYAN" hurle le pli discret... Bien sûr c'est G. qui a relevé le courrier.
Cela aurait pu passer comme une lettre à la poste pour une publicité, si l'avant-veille, alors que Mab se proposait de venir le week-end du 20, je n'avais été obligé de déclarer à G. que nous étions pris ces jours-là et que non il n'avait pas besoin de savoir pourquoi.
La surprise n'était donc pas intacte quand il a ouvert un paquet contenant son maillot de bain et quelques pages de la brochure détaillant le programme.
Mais bon, on s'y fera:

V.

dimanche 14 février 2010

Muchas gracias Helmut Stachos

"Dites, c'est bien vrai, cette fois?
_ Je te jure! Ça y est! Il a déposé son dossier!
_ Ouais... À d'autres. Il nous fait le coup chaque année. Il dit : "je pars" et on se le farcit quand même jusqu'à la fin"

Le collège Haquenée perd un de ses piliers - s'il pouvait en profiter pour s'effondrer pour de bon, histoire qu'on arrête de repousser sa reconstruction de décade en décade... - : Helmut Stachos s'en va pour de bon. Son pot de départ à la retraite, célébré dans l'intimité du bureau du chef, fut certainement très émouvant pour les cinq pèlerins réunis pour l'occasion : grand prince, il y a convié deux collègues. Il devait en avoir assez des grands mouvements de foule, après quinze jours de goûters organisés pendant ses cours.

Gentleman jusqu'au bout, ce brave Helmut. À défaut du prix de la camaraderie, il obtiendra haut la main celui du Pince-sans rire. Souvent, dans la salle des profs, il se mettait légèrement en retrait et nous observait en caressant sa barbichette, comme s'il était au cirque. La plupart du temps, on arrive à faire abstraction de lui : mais l'imminence de son départ doit booster ses envies de persiflage.

A. racontait que le D1kerquois avait trouvé à la fin d'une copie une remarque que lui adressait une élève : en gros, il leur fait lire des livres trop nuls; pourquoi ne suivrait-il pas plutôt les conseils de Mme A? Je vous rassure, la collègue en question ne prend pas la grosse tête : il paraît que la même élève, quand elle l'avait l'an dernier, ne jurait que par moi (une nana programmée pour la nostalgie, je suppose). Helmut Stachos est alors sorti de sa réserve et a sorti à A. :

"Je ne savais pas que tu étais appréciée des élèves, toi!"

Il nous laissera le souvenir d'un homme bon et aimable.

Pitou G.

samedi 13 février 2010

Chinoiseries

Haquenée n'offre pas à ses usagers des conditions de travail idéales (je ne vais pas revenir sur les toits qui s'effondrent et la salle informatique qui rendrait chèvre le plus patient des pédagogogues), mais on a le souci de l'exotisme. Comme c'est bientôt le nouvel an chinois, on a accueilli dans nos locaux des lycéens de l'Empire du Milieu. Traverser le monde pour atterrir chez nous, ça fait un peu pitié, mais c'est leur choix. Pour sûr, ils vont s'oxygéner les poumons!

Quand la collègue qui gère l'échange m'a demandé dans quelle salle j'étais, je me suis brusquement rappelé que j'accueillais une poignée de Chinois. Enfin quand je dis brusquement... Il a d'abord fallu que je décrypte son propos (quand elle dit mon nom, déjà, je ne comprends pas). Quand j'ai annoncé à mes élèves que nous aurions de la visite l'heure suivante, une délicieuse adolescente a cru bon de commenter :

"Ils vont s'ennuyer... surtout en français!"

Quand je l'ai foudroyée du regard, elle a piqué un fard. Je l'avais mal comprise, bien sûr : elle voulait dire qu'en français, on parlait encore plus français que dans les autres matières. J'avoue que je n'ai pas été très convaincu par son argument, parce que j'ai toujours cru que mes collègues de maths, de physique ou d'histoire faisaient cours dans leur langue maternelle; il faudra que j'aille vérifier un de ces quatre.
Hormis le fait que nous étions un peu serrés (mais j'imagine que pour nos invités chinois, avoir une place assise, c'était déjà le grand luxe), ça c'est très bien passé. Je n'ai même pas eu trop honte quand mes ouailles ont répondu aux "au revoir" polis des lycéens chinois en disant Nǐ hǎo (bonjour). Quitte à être à côté de la plaque, ils auraient pu faire bien pire. D'ailleurs, il n'y a pas si longtemps, j'ai dit bonjour à des élèves qui quittaient ma classe (j'avais dû faire cours en pilotage automatique, ce matin-là).

Je trouve pas de chute, mais ça ne vaut sans doute pas le coup de s'échiner.

Pitou G.

jeudi 11 février 2010

Sauce beau lorgnaise

Il y a un piège dans lequel ne pas tomber, un jour de réunion parents-professeurs : c'est prendre des spaghetti bolognaise à midi. Je ne sais par quel sadisme le cuistot, qui est pourtant quelqu'un de très bien, s'évertue à proposer les plats les plus salissants aux moments critiques. Notez que j'ai trop d'expériences de crises de honte pour tomber dans ce bon vieux panneau de la grosse tache de sauce tomate.

À vue de nez, on pourrait se dire que Bombasse, la trentaine arrogante, a assez de dextérité et de métier pour éviter ce genre d'accident teinturier. Ben non, bravo le prof de ballon! Pile sur son beau survêt' blanc. Comme quoi, on est toujours bien avisé de manger du poisson.

Juste avant le mortel supplice la rencontre parents-professeurs où les parents inspirés vous posent les questions essentielles sur l'avenir de leur progéniture ("Et comment ça va la muscu? Vous y allez souvent à la salle de sport?*), je croise Bombasse dans les couloirs. Juste au moment où je m'apprête à lui décocher une raillerie sur la musculature maculature de son sweat-shirt, je m'aperçois qu'il a enfilé une veste polaire. Qu'à cela ne tienne, j'ai une grande capacité d'adaptation quand il s'agit de mettre les autres en boîte :
" Je vois que tu as trouvé une solution pour dissimuler ta tache pistache!
_ Oui oui. C'est bien pratique, mais j'ai peur d'avoir un peu trop chaud".

S'ensuit un développement bien compliqué que je n'ai suivi que d'une oreille où il était question d'enlever le T-shirt sous le sweat-shirt et la polaire ou bien d'enlever le sweat-shirt... Dans sa bouche, ça ressemblait à une laborieuse démonstration du théorème de Pythagore - ça ne devrait jamais servir à ça, une bouche de Bombasse. J'ai coupé court :

"Enlève tout, ça sera plus simple!"

Cela dit, ce n'était pas le moyen le plus sûr de se débarrasser en vitesse des mères de famille...

Pitou G.

* J'ai depuis rencontré ce papa sous les douches dudit club, c'était inévitable.

mardi 9 février 2010

Histoire de vit

Pour ceux qui auraient un doute sur l'orthographe du titre, allez voir par , ça vous donnera un avant-goût assez engageant.

La pauvre Vitalie, en voulant aller à toute vit-esse, s'est offert ce qu'on appelle dans notre jargon de blogueur une C.H. (Crise de Honte) en public. Elle devait réciter "L'Horloge", célèbre poème de Baudelaire, tiré des Fleurs du Mal, recueil qui vit le jour en notre belle cité.
Or, je ne sais si c'est une taquinerie d'outre-tombe, mais Baudelaire a imaginé ce vers-piège qui sent le coup fourré à des kilomètres :

"Et j'ai pompé ta vie avec ma trompe immonde"

Si encore elle avait dit : "Et j'ai pompé ton vit", ça n'aurait fait réagir que moi; le mot "vit" a disparu avec Sade et n'a survécu que dans quelques contrepèteries et mots-croisés cochons (suis-je le seul à trouver indécent que des mots se montent les uns sur les autres et s'interpénètrent?). J'aurais alors pu contrôler mon envie de rire.

Mais non, Vitalie a de l'ambition dans ses Crises de Honte. Elle a lapsussé en beauté, de façon à bien se faire comprendre par la boutonneuse assemblée qui l'écoutait :

"Et j'ai pompé ta trompe avec ma pompe humide"

Bon, "humide", je l'ai peut-être extrapolé... De toute façon, je n'ai pas pu bien entendre la fin du vers, vu que la salle retentissait de tonitruants et gras éclats de rire. Moi, bien sûr, je suis resté rigide et inébranlable.

Pitou G.

Bonus track : dans la famille de Vitalie, on a un sens aigu du ridicule. Relisez la prose de Vitalo, son frère jumeau.

mardi 2 février 2010

Acmé d'Haquenée

La vraie vie, c'est un peu comme le blog : il suffit de s'en éloigner quelques jours (ah, ça s'est vu?) pour que ce soit la catastrophe.
Jeudi et vendredi derniers, les Pitous sont partis à la Grand'Ville pour suivre une formation (et quand il s'est agi d'improviser une saynète à partir de la vaste question : "comment éviter la dépression?", croyez-le, j'ai été heureux d'avoir rencontré Cinderella Lalouze, alias Gwinie ma Muse). Et bien pendant ce temps-là, on peut dire qu'ils n'ont pas chômé à Haquenée!

- A., prof jamais absente, a eu une panne de réveil. Les chefs s'en sont à peine émus ("on allait vous appeler"... il était temps, à 11H!). Notons qu'elle avait rendez-vous à 8H avec la direction, dont on suppose qu'elle avait aussi zappé l'événement.

- Le grand chef s'est donné en ridicule par voie de presse. La photo est risible, le propos abscons. Il a reçu des coups de fils de parents indignés qui se sont vus accusés de dédaigner l'orientation de leur progéniture. Au passage, je suis ravi d'apprendre que nous n'avons que deux élèves en difficulté par classe (j'imagine qu'on ne comptabilise pas ceux qui ne viennent plus).

- Follet a failli mourir empoisonné par le cuistot. Pendant qu'il crachait ses poumons et enflait comme une pastèque, Gwennie était morte de rire, il paraît. Détail cocasse : Follet a toujours à portée de main ses médicaments, dans le portefeuille qu'il a perdu il y a quinze jours...

Je vous le dis, moi : sans moi, son talisman, ce bahut s'effondrerait (et il a déjà un peu commencé si j'en juge par l'état des faux plafonds).

Pitou G.