Le blog coruscant et capricant d'un couple de garçons en retour d'exil

mercredi 28 septembre 2011

Dansons la Karma-gnôle

Je le procrastine depuis un mois, ce billet, tant je crains que mon récit ne soit pas à la hauteur de ma rentrée épique. Mais je ne le saurais jamais si je n'essaie pas... Au boulot!

Le jour de la prérentrée, les profs sont obnubilés par leur emploi du temps. Ils trépignent toute la matinée puisque les chefs, fins psychologues, réservent pour la fin la distribution des pochettes-surprises - à moins que vous n'ayez des chefs modernes qui vous envoient par mail votre emploi du temps à la mi-août (les nôtres se contentent de le promettre). Ils pensent ainsi s'attacher l'attention de leur auditoire, croyance d'une touchante naïveté : l'impatience est le meilleur bouchon d'oreille qui soit. 
J'ai toujours trouvé un peu pathétique l'hystérie qui suit la découverte des plannings et les pour-parlers entre collègues qui veulent s'échanger telle ou telle heure, même si certains ont pour cela des raisons très légitimes. Je me dis quelquefois que les couloirs de l'O.N.U. doivent ressembler à un collège début septembre. Autant je comprends qu'on attende fiévreusement la composition des classes qu'on a en charge, autant je me fiche à peu près totalement de mes horaires. C'est vrai que je n'ai pas trop de contraintes : pas de route, pas d'enfants, pas trop de mal à me lever le matin. Mais même dans mes années amiéniennes où je naviguais entre deux bahuts à 40 bornes de chez moi, je n'ai pas souvenir d'avoir été obsédé par mon emploi du temps.

Cette année, j'avais une raison supplémentaire de ne pas me ronger les sangs. Dès mon arrivée, à 8H30, le principal m'a pris à part pour me prévenir (je jouis de privilèges V.I.P.) : mon emploi du temps était pourri, mais il allait trouver une solution. Moi, j'ai surtout retenu la première partie de la phrase et grand bien m'en a pris, vu que la seconde mouture, la définitive,  devait se révéler plus catastouffique encore.

Je n'aime pas passer pour une vedette. Notre tout nouveau chef adjoint doit être doté d'une intuition sans pareille, car il l'a tout de suite compris. Devinant mon embarras lorsque le grand Manitou citait mon nom en déplorant humblement les imperfections des emplois du temps, il a tout de suite pris l'initiative de détourner l'attention du public en enchaînant les malaises. À 9H30, il est parti aux Urgences avant d'être héliporté au CHU : c'est ce qu'on appelle une rentrée en fanfare. J'ai vérifié auprès de tous mes amis profs dans plein d'autres bahuts, c'est nous qui avons gagné la palme de l'originalité, cette année. Du coup, même le grand retour de Cinderella Lalouze est passé presque inaperçu!

Quand j'ai eu mon emploi du temps entre les mains, je lui ai à peine jeté un oeil : ah oui, quand même, je devais bosser tous les midis... Le privilège de faire cours quand tout le monde est en pause fait partie de mon kit V.I.P., en tant que professeur d'une option en voie d'extinction. Mais après tout tout : plus tôt on commence, plus tôt on a fini, non? Euh... non. Honnêtement, manger en vitesse le midi, je m'en contrefous; en revanche, quand je fais la promotion du latin auprès des gnomes, j'aime bien ne pas avoir à leur dire qu'il y a cours le midi. J'ai déjà suffisamment de mal à les convaincre de venir travailler quand les autres se glandent. Au cas où vous n'auriez pas remarqué, le contexte est un peu tendu pour les groupes à petits effectifs : bientôt, il faudra avoir trente élèves pour obtenir le financement (promouvoir la culture est une priorité de notre gouvernement, mais seulement dans les établissements où les familles ont beaucoup d'ambition pour leurs enfants). Quand je craignais que les cours sur la pause méridienne allaient rendre un peu plus difficile le recrutement de l'année à venir, je me berçais encore de douces illusions. J'étais bien loin de me douter que ce serait un immense bordel dès septembre, m'obligeant à des compromissions auxquelles je ne pensais pas être confronté avant quelques années. Découragé, moi? On en parle dans un autre article, et on en revient à mon emploi du temps.

Il y a au collège Haquenée une politique assez intéressante de clubs, le midi (sauf quand vous avez cours). Et cette année, c'est une explosion d'activités : chorale, théâtre, cinéma, jardinage, sciences, journal, débat, mythologie (c'est gentil, les collègues, de ne pas m'en avoir parlé; c'est pas comme si c'était mon boulot), sports divers, guimbarde, macramé et cercle sataniste. Afin de permettre aux collègues de fixer le jour de leur club, le grand Manitou a pris l'initiative d'afficher mon emploi du temps : comme ça, tout le monde sait quels élèves sont indisponibles tel ou tel midi. Le détail cocasse, c'est que le chef s'est fait enguirlander par qui de droit, parce qu'il ne l'avait pas placé dans la bonne section du panneau... Mais quelle section choisir, au juste? Consulté à ce sujet, je suggère au chef d'utiliser espace "activités culturelles", vu que c'est à destination des organisateurs de clubs.

L'affichage de mon emploi du temps a beaucoup amusé mes collègues et déclenché de nombreux témoignages de sympathie. C'est sûr qu'occuper toute l'amplitude horaire d'une journée avec trois heures de cours, ça force le respect : deux fois par semaine, je passe plus de temps à attendre que devant les élèves; ma journée type? Je commence à 8H00, de 9H00 à 13H00, c'est ma pause déjeuner; à 14H00, j'ai bouclé ma deuxième heure et n'ai plus qu'à patienter jusqu'à 16H00 pour entamer la troisième. "Au moins, ton emploi du temps nous oblige à l'humilité", "Mais tu lui as fait quoi, au boss?" sont les réactions les plus fréquentes, loin derrière le très con "Pourquoi t'as affiché ton emploi du temps?" de certains collègues qui doivent me prendre pour une diva. À ceux-là, je réponds, selon mon humeur : "Mais parce que je suis le centre du monde, chéri(e)!" ou "Pour m'occuper entre deux heures de cours". Le prix de la plus belle remarque revient à mon collègue d'arts : "Je comprends qu'il figure dans les activités culturelles, ton emploi du temps, il a une esthétique très... plastique".

Quand le chef m'a appris qu'il se trouvait des parents pour écrire des courriers rageurs  proclamant que les emplois du temps ne devaient pas être faits pour les profs, mais pour les élèves, je lui ai suggéré de leur envoyer une copie du mien. Je me vois assez bien en martyr de la cause scolaire. En revanche, je n'ai pas eu le cran de le remercier pour le plus beau cadeau de cette rentrée : la classe dont je suis professeur principal. En terme d'orientation, c'est un peu l'équivalent de la petite boutique des horreurs : des mômes pas méchants mais pas très motivés (euphémisons), pas en grande réussite (euphémisons encore) et qui n'ont aucune idée de ce qu'il veulent faire plus tard. Un conseil : si vous n'avez aucun projet professionnel à 15 ans, débrouillez-vous pour avoir de bonnes notes; au moins, vous pourrez finir prof. L'an dernier, c'était une collègue de maths qui avait hérité de la classe avec ce profil. Elle est en congé pour natalite (ceci explique sans doute ma soudaine "promotion") et m'a perfidement retourné le compliment que je lui avais adressé l'an dernier (bien fait pour ma pomme) : "C'est la preuve que la direction a confiance en toi!"

OK, je n'ai pas toujours été un ange; il fallait bien que je le paye un jour. J'ai le karma foutraque. Mais qu'ai-je bien pu faire pour mériter qu'une collègue super-conne pourvue d'un emploi du temps de rêve, qui a choisi de vivre dans un trou paumé et qui s'est persuadée que j'ai moi-même affiché mon emploi du temps en guise de protestation, me dise : "T'habites à côté? Bah de quoi tu te plains?"?

Pitou G.

P.S. : Ce billet est plus porc long qu'épique, mais je reviens à plus de légèreté dans le prochain, promis.

vendredi 16 septembre 2011

L'eau bue éclate

Je ne vous oublie pas, bien loin de là. J'ai plein d'idées d'articles, des phrases toutes faites qui n'attendent qu'un peu de mon courage pour être éditées sur la Toile fabuleuse. Par exemple, ma rentrée fut épique, normal pour un jubilé : il fallait bien fêter mes dix ans de métier. Je vous en reparle, dès que je retrouve un peu d'allant. Je ne voudrais pas gâcher pareille pépite.
Pour vous faire patienter, lecteurs indulgents, une petite anecdote de cantine. Gentleman que je suis, j'allais offrir une tournée générale d'eau quand je fus stoppé net dans mon élan par Josette, un agent de service pas très accorte qu'on a parfois du mal à comprendre (peut-être parce qu'elle n'a plus trop de dents) :

"Non, moi j'bois jamais d'eau du robinet, depuis que mon beau-frère est mort de ça"
Un peu désarçonné, je me demande un instant si j'ai bien décrypté son borborygme. Etant donné que je ne vois pas de verre sur son plateau, je suppose que mes talents de traducteur ont résisté à deux mois d'été. Diplomate entre les diplomates, je n'ai rien trouvé de mieux à dire que : "C'est quand même con de mourir en buvant de l'eau". Je ne suis pas doué pour les paroles de réconfort : inutile de me convier aux enterrements (surtout aux enterrement de vie de jeune fille, merci)

vendredi 2 septembre 2011

Les Enfers de l'été

L'été est la saison de l'enfer, mais si on n'a pas forcément eu un été d'enfer, surtout niveau climat. Je milite d'ailleurs pour qu'on décale les vacances d'été en avril-mai. L'été nous en a fait voir de toutes les couleurs :
  • Il y a bien sûr eu l'enfer rouge de Bison Futé. Pas de commentaire.
  • L'enfer vert du fond du jardin. Il a dû pleuvoir des trombes d'eau à Pitoutown, en notre absence pour permettre une telle offensive des potimarrons et des pieds de tomates (hélas, sans le soleil pour les faire mûrir). Il va nous falloir rien de moins qu'une hache pour atteindre les haricots...
  • Le plus redoutable de tous fut cependant, et de loin, l'enfer noir : les retrouvailles avec Caliméro, resté quinze jours loin de nous. Il nous en a fallu, de la patience, pour épuiser ses réserves d'amour trop longtemps contenu. Il y avait une telle urgence dans son besoin de câlin qu'il était incapable de se poser deux secondes. C'était déchirant - et passablement éreintant. Entre les miaulements plaintifs, les caresses de moustaches et les frôlements de pattes ambigus (mi-tendres, mi-griffes), inutile de vous dire que la nuit fut agitée...
Heureusement, tout cela est terminé. Vive l'enfer gris de la rentrée!

jeudi 1 septembre 2011

Merci

À l'attention de la madame du Recto-Rat

Chère la madame du Recto-Rat,

tu peux pas savoir comme je suis heureux que tu aies trouvé un remplacement pour V. dès septembre. Tu peux pas non plus t'imaginer ce que la perspective de l'oisiveté lui fait trotter dans la tête. Non seulement il m'a fait signer un gros chèque pour faire installer un poêle à pellets (il est mignon, mon V., il veut pas que j'aie froid en hiver - comme s'il faisait froid sous nos latitudes), mais il nous a lancé dans la rénovation de la pièce moche (celle qu'on appelait "bureau", pas parce qu'on y bossait mais parce qu'on ne savait pas quel autre nom lui donner). Tu peux rigoler, on voit bien que tu ne sais pas ce que c'est que de coller de la toile de verre au plafond; surtout que le monsieur du Brico-Lage nous a refourgué un celluloïdotruc qui pèse le poids d'un âne mort.
Je sais pas pourquoi la fin août lui a toujours fait cet effet-là, à mon homme. Syndrome d'hyperactivité pré-rentrale, ils disent, les experts. Le chantier, passe encore. Là où j'ai compris qu'il fallait vraiment que tu lui trouve du boulot tout de suite, c'est quand il a commencé à faire ça :

"Bah quoi? c'est juste des confitures!" tu dois te dire. Je vois bien que tu ne comprends pas. Regarde d'un peu plus près :

Le problème, c'est pas tant qu'il cuit des confiotes bilingues, ni même qu'il racle les fonds de tiroir pour amasser assez de fruits. Ce n'est pas non plus qu'il colle ses étiquettes au lait : ça, il l'a toujours fait. Lis bien les ingrédients : abricot, pomme... prune d'ente. Là, normalement, tu dis "prune d'ente? C'est quoi? je connais pas". C'est des pruneaux, madame! Mon V. fait des confitures au pruneau! Si ce n'est pas le signe qu'il faut qu'il reprenne très vite le travail, je ne m'y connais pas!

Bref, ne sois pas trop surprise quand tu recevras de ma part une jolie carte du bien nommé Joliecarte.com avec des feuilles d'automne qui tombent ou des étoiles qui scintillent.

Pitou G.