Le blog coruscant et capricant d'un couple de garçons en retour d'exil

lundi 12 novembre 2012

Lalouze à Paris - 2

Rappel de l'épisode précédent : dans le bus pour Paris, Pitou G. a hérité d'une place de choix (merci collègues!) : il est assis à côté de Cinderella Lalouze. Elle parle, oh dieu qu'elle parle! mais ce n'est pas le pire...

Cinderella a vécu plusieurs accidents qui ont laissé de lourdes séquelles psychologiques. Je n'ai jamais bien compris s'il s'agissait d'accidents de la route ou d'accidents vasculaires cérébraux, voire des deux. Toujours est-il qu'elle lutte quotidiennement contre une terrible agoraphobie et qu'elle a une trouille bleue en voiture. À chaque fois que le bus doublait ou était doublé (ce qui s'est produit une ribambelle de fois à l'approche de la capitale), elle s'agrippait à mon épaule... yêrk! Le voyage m'a semblé bien long...

Une fois arrivés à  Paris, nous avons effectué tous nos trajets à pieds, et il ne fallait pas traîner ("Bonjour madame l'ouvreuse : on est une soixantaine et la pièce a commencé il y a vingt minutes. Ça ne dérange pas, bien sûr? Z'avez un joli sourire.") Or, nous comptions dans nos rangs une estropiée et une Lalouze. J'ai vu Cinderella trottiner dans les couloirs plus d'une fois et, croyez-moi, ce n'est pas beau à voir. Il a donc été décidé de faire d'une pierre deux coups et de cloquer la collègue avec l'élève à béquilles, une vraie terreur qui avait dû se blesser à la castagne, dans le premier taxi disponible. Comme nous sommes des gens responsables, nous avons pris la précaution de les faire escorter par une autre accompagnatrice.

Ce qui suit est bien sûr un récit de seconde main, mais les versions de nos deux témoins concordent : le chauffeur a été tenté plus d'une fois d'éjecter Cinderella de sa voiture. À chaque fois que le taxi atteignait la vitesse ébouriffante de trente km/h, notre boulet se mettait à hurler : "Ralentissez! Pas si vite!", en s'accrochant au bras de la brute éclopée sans le moindre égard pour sa minerve. Pour la troisième passagère, le grand guignol a commencé avant même l'arrivée au théâtre, la veinarde!

Vu de là où j'étais, le reste de la soirée s'est déroulée sans encombre, si l'on excepte l'élève qui a failli mourir d'une péritonite (mais comme elle était sujette à de fréquentes migraines, nous ne sommes pas inquiétés outre mesure). Au retour, comme Cinderella était de nouveau assise à côté de moi (j'ai des collègues en or), j'ai bien vu qu'elle tirait une tronche de trois pieds de long; en proie à mon propre calvaire, je n'y ai pas prêté beaucoup d'attention. Je vous passe l'épisode pique-nique et pause pipi sur une aire de repos, dans une station service qui annonce une fermeture à 22h mais qui baisse le rideau à 21h30. De toute façon, Jo la conductrice ne s'en est pas laissé compter. Un tel mordant lui a valu ce gracieux compliment d'un témoin anonyme :"Mais c'est un homme avec une perruque, ch'te zigue-là!"

Même une fois le dernier bambin confié à sa maman, la soirée n'avait toutefois pas fini de faire parler d'elle. Dès le lendemain, nos collégiens nous ont fait part de l'aigreur de Cinderella. Le soir de la représentation, elle a refusé d'applaudir. Ce manque de respect pour le travail des artistes a heurté certains collègues. Pas moi : libre à elle de penser qu'Arditi a joué comme un pied; on n'est pas toujours obligé de sacrifier à la convention sociale (il y a un canard au boulot à qui je ne dis jamais bonjour et je ne m'en porte pas plus mal). Cela dit, le jeu des acteurs était bien la dernière de ses préoccupations. Le problème, c'était la pièce elle-même, ce scandaleux ramassis de grossièretés. Si c'est pas malheureux que le collège ait permis - que dis-je! - organisé l'accès à de pareilles immondices au lieu de protéger ce public jeune et sensible! On serait tenté de penser que ce sont les trente-sept centimètres (cf épisode 1) qui ne sont pas passés*, mais on n'est même pas sûr qu'elle ait saisi l'allusion. Mais, rendez-vous compte!, Arditi prononce sur scène des insanités comme "t'es trop conne!" ou "putain!" Ça va devenir compliqué d'emmener des élèves voir du théâtre contemporain... 

Alors qu'à l'aller Cinderella n'avait pas cessé de tresser des couronnes pour ce pauvre Stentor qui avait accompli tant de travail pour organiser la sortie et qui ne pouvait même pas y participer, elle a, dès le lendemain, produit une lettre à l'attention du chef pour dénoncer notre inconséquence et se désolidariser du projet, sans même en parler aux principaux intéressés (qui lui auraient certainement répondu : "on ne t'a pas empêchée de lire la pièce avant la sortie"). Le chef a procédé à un classement vertical en bonne et due forme, mais l'incident - et surtout la perfidie de la lettre de délation secrète - a empoisonné la fin d'année. Devait-on intégrer cette collègue dans les jurys d'évaluation, au risque de voir les élèves ayant choisi de parler de la pièce être méchamment saqués par la Boutin de service? Personnellement, ça m'a laissé de marbre. Que Stentor soit tombé de son piédestal et que Cinderella ait été obligée de se choisir un nouveau chouchou, c'était plutôt un soulagement pour lui, non?

Impossible de savoir ce que ça va donner cette année, personne n'ayant consulté Cinderella sur le choix de la pièce. J'ai bien peur que le dramaturge, nonobstant le grand prix du théâtre que lui a décerné l'Académie française, ne soit pas toujours très poli... Un réplique comme 
" On ne peut pas, d’un côté, être les meilleurs du monde en football, et de l’autre, de véritables merdes au lancer du javelot !"
 risque d'atteindre Lalouze en plein coeur...

Pitou G.

* Je ne veux même pas imaginer ce qui pourrait passer par là...





4 commentaires:

laluciole a dit…

Je conseille à Cinderella un trajet en taxi à Istanbul ; ça peut valoir thérapie ( ou pas ;-) )

MamyS a dit…

Grillée! J'allais faire la même proposition mais sur Mayotte! ;)

Musiquette a dit…

moi je lui propose l'inde ....

Les Pitous a dit…

Envoyez-la où il vous plaira, pourvu que ce soit LOIN (et dangereux)!