Ce titre nécessite, en plus du bilinguisme anglais-ancien français (nous militons pour l’Internationale du jeu de maux), une solide culture télévisuelle (Jean-Luc Lahaye accueillant Barry White sur son plateau). Cet article est là pour nous rappeler que les vacances de Noël peuvent être l’occasion de réjouissantes retrouvailles familiales.
Nous ne pouvions pas clore l’année sans rendre une seconde visite à Beau-papa et sa seconde épousée d’outre-Manche, la première remontant à Pâques (une tasse de café partagée dans une pièce en travaux : “un peu de mastic avec ton sucre, mon chéri?”).
Il y a un mois, en prévision d’une expédition dans le Nord Cotentin, mon homme décroche son téléphone pour prévenir son père que nous serons de passage et qu’on aimerait bien leur rendre une courte visite. Sachant qu’ils passent en général les fêtes en Irlandie ou en Londonie, c’est assez prudent de s’y prendre en avance. Même s’ils ont déjà pris leurs billets et ne peuvent pas nous recevoir, on s’évite ainsi (c’est de la théorie bien sûr, mais apparemment de la théorie trop française) de les vexer en les prévenant à la dernière minute. Cela dit, eux n’ont pas hésité à ne pas nous prévenir du tout lorsqu’ils ont passé un week-end à quinze kilomètres de chez nous. De toute façon, ce doit être notre faute, parce qu’on ne les a jamais officiellement (“Papa, tu es solennellement convié à nous prévenir quand tu passes devant notre porte”) invités à venir à la maison (je suppose que nous aurions dû le faire le jour où ils nous ont affirmé qu’ils n’aspiraient à rien tant qu’à rester chez eux, tranquilles). Mais je m’égare. Réponse de Beau-papa au coup de fil de son fils : “Rappelle quand vous serez dans la Manche, on verra bien”.
Notez bien qu’il ne s’agit pas d’aller dormir chez eux, en pleine cambrousse, depuis une calamiteuse expérience, il y a un an et demi. À cette époque où on nous promettait encore un double des clés, nous aurions été, semble-t-il, au dessous de tout, ce dont nous n’avons rien su jusqu’au jour où, six mois après, Mother in Law nous a envoyé un courriel tout en anglais, plein d’allusions on ne peut plus voilées, d'ironie fielleuse et d’ambiguïtés. Quand V. a saisi son téléphone pour obtenir des éclaircissements, Beau-papa s’est contenté de lui répondre, avec une nuance d’amusement dans la voix : “Relis le mail!” jusqu’à ce que mon homme arrive à lui tirer les vers du nez. Depuis, on ne nous a plus invités qu’à venir dîner, ce qui est pratique quand on habite à 250 km - mais il parait qu’on a mal compris et qu’en Angleterre, quand on invite les gens à dîner, ça sous-entend qu’ils viennent aussi dormir (avis à nos lecteurs anglophones). Mais je crois que je m’égare de nouveau.
Tout cela nous amène donc en Décembre 2008. “On est libres demain de 15 à 17 heures. Mais pourquoi n’avez-vous pas appelé plus tôt?”. Ah-ah-ah! (no comment). En sortant de la voiture, je me prépare mentalement à ne pas savoir que dire devant ma tasse et à ne saisir qu’un mot sur dix (en général les plus improbables : genre, je sais que hedgehog ça veut dire hérisson) de ce que dégoise Mother in Law dans sa langue maternelle. Quand je découvre qu’ils ont adopté un bébé labrador, je me sens soulagé : je saurais au moins quoi faire de mes yeux. Le chiot savait, lui, quoi faire de ses dents. Je l’ai systématiquement appelé Digby (comme dans Pushing Daisies, série qui mérite que nous vous en parlions) devant nos hôtes effarés par mon absence de mémoire (ils n’avaient qu’à appeler leur chien Digby).
L’après-midi se passe tout à fait civilement, même si je suis persuadé que Mother in Law croit sincèrement que je parle couramment anglais et que je refuse volontairement de le parler. Pitou V alimente une conversation enjouée dans la langue des Spice Girls, moi je comprends vaguement et hoche activement la tête devant mon café pas terrible. Bref, le scénario idéal.
Cinq minutes avant de partir, V. demande à son père si, à l’occasion, il pourrait remettre la main sur a little monkey called Kiki qui appartenait jadis à son petit frère : “Pour vous, ça n’est pas grand-chose, mais pour lui ça veut dire beaucoup” (et pourtant, il ne joue pas de piano debout ni ne tape sur des bambous). Offense. Mother in Law en furie vire à la virago et lance de vives imprécations. Comme il n’y était pas questions de hérissons, je n’ai pas tout compris, sauf qu’elle n’était pas contente. Beau-papa souriait, content que sa femme défende like a lion son statut de papa outragé par l’indigne puîné. On a subi quelques minutes le requisitory de Mother in Law, parce qu’apparemment, elle voulait qu’on la comprenne, en plus (commence par parler moins vite!). Quand V. a rétorqué qu’elle voudrait peut-être attendre six mois pour nous envoyer un mail, j’ai senti que ce n’était pas trop le moment de traîner... On réglera ça à Pâques, de toute façon.
Pitou G.
Merry Christmas!