Le blog coruscant et capricant d'un couple de garçons en retour d'exil

lundi 6 octobre 2008

Réforme

Depuis quelque temps, nous suivons avec intérêt le projet de réforme du lycée. Notre expérience (modeste pour ma part: une classe de seconde) nous a convaincu de la nécessité de faire bouger les lignes dans cette structure du secondaire qui semble finalement moins bien digérer la massification que le collège. Je vois ici que les choses pourraient se préciser dans la semaine. Cette réforme vise principalement à mieux préparer les élèves au cycle supérieur, où beaucoup échouent faute de bases solides et de capacité à travailler en autonomie. Elle propose pour cela:

- suppression des filières
- allègement du nombre d'heures de cours (selon les options choisies, un lycéen suit jusqu'à 35 heures de cours)
- semestrialisation de l'année, avec un tronc commun, des enseignements complémentaires et des modules d'accompagnement.
Là réside le casus belli: en seconde, éducation civique, sciences de la vie et de la terre ainsi que physique-chimie disparaissent du tronc commun. En première c'est au tour de l'histoire de céder sa place. La philosophie est préservée et proposée en option dès la première. Je comprends le désarroi des enseignants concernés, à qui l'on demandera d'aller voir ailleurs pour enseigner autre chose. Ah non, j'oubliais que tout cela serait indolore grâce au fameux non remplacement d'un départ en retraite sur deux.

Personnellement, quand j'étais au lycée je rêvais d'un enseignement modulaire: je me serais débarassé des mathématiques et autres matières scientifiques dès la sortie du collège (il faut dire que la marche est haute dans ces matières lorsqu'on entre au lycée). Toutefois, alors qu'on ne cesse de déplorer le manque de scientifiques dans le supérieur, cette décision apparait pour le moins contradictoire. Plus gênante encore, la disparition de l'histoire, qui me semble pourtant indispensable à la compréhension du monde et au décentrement de l'ego.

Matériellement, on peut penser comme de nombreux syndicats que cette réforme accompagne et justifie opportunément la réduction massive des effectifs enseignants.

Le système de modules, que j'aurais tant aimé expérimenté, laisse craindre un consumérisme accru des élèves et une concurrence entre disciplines. Les enseignements exclusivement complémentaires devront savoir capter leur public, la souplesse accordée permettant de changer de modules optionnels au bout du semestre. L'avancée majeure consiste à institutionnaliser l'accompagnement individuel des élèves: 15% du temps en 2nde, 10% après. Bien entendu, cette nouveauté nécessitera des investissements conséquents pour équiper les établissements "espaces numériques de travail" (sic).

La finalité de cette réforme est louable: en finir avec une conception napoléonienne obsolète du lycée, développer réellement l'autonomie des élèves (les Travaux Personnels Encadrés ont en leur temps vainement essayé d'y contribuer), éviter que tout l'enseignement soit tendu uniquement vers le baccalauréat sans jamais voir au-delà. Si l'on prend l'exemple du français, l'échec est patent: en deux ans, nous devons préparer des élèves à l'écriture d'une dissertation ou d'un commentaire littéraire, quand beaucoup maîtrisent mal les bases linguistiques. Comment faire comprendre la légitimité d'un discours (le commentaire) sur un discours (la littérature) qui nécessite bien souvent une traduction? Comment surtout leur faire produire ce métadiscours (pardon pour cet accès de pédantisme)? Nous parvenons trop souvent à les dégouter, par un excès méthodologique visant à sauver les meubles à l'examen et échouons dans l'ensemble à leur faire apprécier les belles lettres.

Ami lecteur, que tu enseignes en lycée (j'en vois plusieurs, dont un avec qui j'ai déjà eu de longues discussions animées à ce sujet) ou pas, donne-nous ton avis.
En attendant, je suis curieux de voir où cela nous mènera et aurais presque envie d'aller mettre mon grain de folie sel en lycée.

V.

24 commentaires:

Anonyme a dit…

Je n'enseigne pas au lycée (ni ailleurs, d'ailleurs!). Toutefois, comme V. m'en donne le droit, je m'exprime.
Il faut savoir vivre avec son temps, je dis. Et pour te paraphraser, la conception Napoléonienne de l'enseignement secondaire est particulièrement obsolète. Vraiment obsolète.
Les envies des élèves ne sont absolument pas prises en compte. Leur passion également. On peut très bien être passionné par les maths et être naze en SVT et en physique. Dans ce cas, on choisit quoi comme section? S ou ES?
Ces sections sont vraiment trop réductrices. Elles n'ouvrent finalement aucune porte et ne permettent aucune spécialité, malgré ce qui est inscrit sur le diplôme. C'est pas avec 1h de cours en plus par semaine que l'on est "spécialisé" dans une matière.
Qui plus est, il faudrait penser à orienter les élèves en fonction de leurs réelles compétences et de leurs envies! Et il faudrait aussi proposer des stages en entreprise pour que chacun sache vers quel milieu il s'oriente!!!

En fait, tout est à refaire...

Guilitti a dit…

Moi j'ai lu qu'avec ce système, un élève pourrait ne prendre aucun module de SVT en 3ans, par exemple. La culture scientifique, contrairement à la littéraire est une culture qu'on ne peut rattraper seul plus tard : ça me semble bien de fournir à tous les bases de la génétique, de la géologie, etc, comme c'est le cas actuellment en 1ere L ... Tu aurais zappé les maths si tu l'avais pu, moi j'aurais zappé le français et l'histoire géo.. Et tous les deux nous aurions eu tort : on a mangé des trucs qu'on trouvait indigestes, mais qui ont contribué à notre culture. Crois tu vraiment que les jeunes de 16 ans savent ce qui est bon pour eux? Qu'ils puissent choisir les matières qu'ils aiment me semble génial. Mais ils vont virer toutes les autres... celles qui demandent des efforts..

Moi ce qui me fait le plus peur, c'est que ça va se mettre en route en sept 2009, et en 9 mois ils veulent ns faire croire qu'ils peuvent définir les contenus de chaque module?
Mon coté pessimiste me fait penser qu'il s'agit (comme pour le samedi matin) d'une réforme pour économiser du fric, qui tendra à supprimer le bac ensuite, (encore une économie) pour au final pas apporter plus de scientifiques ... ni d'étudiants prêts à reussir. j'irais jusqu'à dire qu'actuellement les élèves se plantent en fac car ils sont libres : ne risque-t-on pas de les voir se planter dès le lycée? (mais non.. ils seront encadrés.. par qui? avec quels sous???)

Ashley a dit…

Adapter OK, mais tout jeter, pas OK. Les maths et la physique c'est pas optionnel. Déjà que le système actuel forme des gens qui font ES ou L et qui ne savent pas calculer un pourcentage à la sortie du lycée (je parle même pas de dériver des fonctions, ça ne sert pas à grand chose dans la vie de tous les jours, mais les pourcentages ça me paraît assez utile tout de même). Je ne parle même pas des gens qui affirment après 20 lignes d ecalcul niveau 4ème qu'un café coûte -25478€...
Et l'histoire en option, argh aussi, non mais ça va pas. Pourtant j'aime pas ça l'histoire, mais zut à la fin quoi. PAS D'ACCORD.

(ouais ça m'énerve ce sujet, alors j'ai un peu de mal à argumenter correctement)

Ashley a dit…

Ah j'attendais que madame Guilitti cause, elle l'a fait en même temps que moi, et elle l'a drôlement bien fait.

Anonyme a dit…

moi ce que je remarque surtout, c'est le fossé gigantesque qui est en train de se creuser entre le collège et le lycée.

V à l'Ouest a dit…

D'accord en tous points avec Guilitti. Non au consumérisme et oui à une bonne répartition de toutes les matières pour tous le plus longtemps possible.
Je pense que toutes ces réformes qui se succèdent ont souvent du bon en elles mais elles nécessitent des MOYENS qui ne sont jamais donnés et sont donc vouées à l'échec.
J'ai l'intime conviction que si, dès le primaire, chaque enseignant avait un nombre raisonnable d'élèves par classe et par là même pouvait accorder plus d'attention à chacun, on aurait moins de mômes en échec et mieux orientés.
Ces mesures ou mesurettes que je vois se succéder depuis vingt ans que je travaille dans cette taule qu'est l'EN ne servent, globalement, pas à grand chose.
Le vioque a rendu son oracle.

Anonyme a dit…

Alors, moi aussi je vais donner mon avis de prof de lycée.
Il ne faut pas oublier qu'il y a 30 ans , vers le bac se dirigeaient les " élites " ou tout au moins ceux que les parents pouvaient aider de toutes les façons ( moyens financiers ou intellectuels ). Et les parents demandaient en même temps la " culture " . On la leur donnait, et souvent , les élites pouvaient l'ingurgiter .

Puis est venue la réforme "Haby " celle qui amena le Collège Unique.Et enfin est venue les 80 % d'une classe d'âge au niveau du bac . ( Vers les années 86/87 ( je crois ??? )

Et alors là, la finalité du bac a changé. Puisque presque tout le monde continuait, il fallait inventer un bac utile pour tous... C'est encore ce qui est en train de se faire . Puisque la clientèle n'est plus la même, la finalité elle aussi a changé !

Il faut savoir ce que l'on veut : Un bac pour élites, et on reprend l'ancien..., ou un bac utile ( Pour tout le monde . )

Je ne dis pas qu'il faille supprimer le latin ou l'histoire; l' élève choisira, selon ses capacités , ses goûts et aussi ses désirs ...

Je sais bien que je m'adresse là à un public d'enseignants , donc , par essence de " gauche " et j'ajouterai ( Pardonnez-moi SVP ) donc idéaliste ou utopiste ...

Et ne croyez pas que je sois le seul à penser cela , je suis un jeune Prof de lettres classiques de 24 ans. Mais dans la salle des profs une bonne proportion pense comme moi .

Et j'ajoute, j'ai tous les jours des copies de terminales et de premières caviardées d'erreurs d'orthographe ou de syntaxe . Il serait peut-être plus utile pour ces élèves d'approfondir le français que de faire de la SVT ou du latin .Mes collègues d'espagnol ou d'allemand se plaignent , avec raison de la nullité de certains élèves dans leur matière et ajoutent: " il leur faudrait arrêter et réapprendre les "fondamentaux " "

Enfin, si on ESSAYAIT , pendant 3 ans cette réforme , sans la juger ... et on en reparlera plus tard .

Excusez moi, vous tous qui lisaient... j'ai écrit sous le feu de la passion et n'ai rien préparé de ce texte . Peut-être , lui aussi est-il mal rédigé ...

Je me reconnais bien comme l'interlocuteur de V. avec lequel on a déjà eu de longues discussions passionnées .

Maintenant , allons , tentons et ... attendons ...


TAdF.

Anonyme a dit…

" Excusez moi vous tous qui LISEZ ..."

Il me faudrait moi aussi réapprendre les fondamentaux ... ( Rires )

TAdF

V à l'Ouest a dit…

"Je sais bien que je m'adresse là à un public d'enseignants , donc , par essence de " gauche " et j'ajouterai ( Pardonnez-moi SVP ) donc idéaliste ou utopiste ...

Thieffaine, ne sois pas si réducteur et sors de ces clichés, grand garçon intelligent que tu es.

V à l'Ouest a dit…

Par "clichés", j'entends bien sûr idéaliste et utopiste.

Musiquette a dit…

merci Guilitti : je pense comme toi mais je rajouterais que cesser d'enseigner l'histoire à partir de la 1° .....moment où les jeunes gens commencent à savoir raisonner (car onleur apprend à réfléchir en Histoire entre autre sur les courants de pensées les causes et les conséquences) cela va permettre de faire encore un peu plus pour le nivellement par le bas : on est en marche pour un grand peuple d'ignare que l'on pourra manipuler comme on le veut....au loin se profile le problèmre de l'égalité , la liberté de penser et surtout de la démocratie!!!

Musiquette a dit…

PS : moi j'enseigne en collège...et la musique....une discipline toujours sur la corde raide.....qu'il a fallu sauver il y a quelques années car menacer d'être supprimée....C'est vrai que donner de la culture à tout le monde .....c'est juste bon pour ceux qui peuvent payer!

Anonyme a dit…

Franchement , quand je lis ce que met " Musiquette " et je lui en reconnais le droit le plus absolu , je ne pense pas que je sois réducteur et que j'ai aligné des clichés ... Les clichés sont autre part ...

Mais je reconnais que chacun ici pense très honnêtement ce qu'il rédige .

Il sera difficile de tomber d'accord...je le savais ...

Très amicalement à tous .

TAdF

Anonyme a dit…

V. à l'ouest , cela voudrait-il dire que tu n'es pas de gauche ? ( Rires...) ou y aurait-il un autre sens à ta phrase que je n'aurais pas compris ... ( re-rires...)
Amicalement

TAdF

V à l'Ouest a dit…

Thieffaine: je suis de gauche et tu le sais très bien, mais je ne vois pas vraiment ce que cela vient faire ici en fait. En supposant que tu aies raison, j'espère seulement que nous ne détenons pas le monopole de l'envie d'un monde meilleur pour tous.

Guilitti a dit…

le clivage serait-il d'ordre générationnel? je ne vois pas de cliché quand je lis Musiquette qui explique que c'est en 1ere que les jeunes commencent à raisonner..

Mais je trouve tout naturel (sans condescendance) qu'un jeune prof, (Hubert Felix) veuille laisser sa chance à cette réforme; seuls les vieux cons comme nous craignent que derrière cette réforme ne se cachent que de la poudre aux yeux et une économie de fric.

V à l'Ouest a dit…

Ouais, finalement c'est Hubert Félix qui est utopiste, je n'avais pas pensé à cela. Merci Guilitti ;)

Anonyme a dit…

Bon , il est 01.48 h , je viens de terminer la correction de mon paquet de copies...
On a bien discuté ...on a changé le monde !
Allez, sans rancune , c'est ça la démocratie ...
bonne nuit ( courte ) à tous ..
TAdF .

Les Pitous a dit…

Ouh la la! Mais c'est vrai que vous avez discuté fort tard! Les tenanciers étaient déjà partis se coucher depuis belle lurette!
Je n'ai même pas encore donné mon avis; mais là, je n'ai pas le temps, alors gros bisous à tous, juste.

G.

Anonyme a dit…

Attends , G, je te télephone ce soir si je suis rentré de Paris à temps ... ( Présent futur proche ...) Rires...

TAdF

C'est Alice ! a dit…

Moi je ne suis pas du tout dans l'enseignement, et je ne connais pas cette réforme en pronfondeur, mais pour ce que j'en ai compris, je suis très d'accord avec Guilitti : laisser trop de liberté aux élèves et leur proposer un enseignement 'à la carte', c'est pas futé car à cet âge, tu ne te rends pas compte de ce qui est bon pour toi. Tu ne vois qu'à court terme sans penser aux bénéfices futurs.
Je prends un exemple perso : j'ai fait mes études dans une fac et une école qui nous 'obligeaient' à valider notre année par un stage de quelques mois durant l'été. On râlait beaucoup parce que du coup, on ne pouvait pas prendre un boulot d'été pour aider à financer nos études (et les stages sont payés une misère) ou prendre des méga vacances de 3 mois ... on trouvait çà injuste d'être 'obligés'. Et puis quand tu finis tes études et que tu te retrouves sur le marché du travail, tu te rends compte que ce sont les stages que tu as fait qui font parfois la différence, c'est ce qui m'est arrivé. Avec le recul, tu te dis que finalement, c'était un mal pour un bien, et qu'heureusement que c'était obligatoire sinon tu ne l'aurais peut-être pas fait.

On se plaint que les jeunes ne savent plus lire et écrire correctement, alors supprimer les matières fondamentales n'est pas la solution ! Chaque matière apporte une logique, une discipline, une culture, ... indispensable pour se construire, même si ce n'est pas la voie qu'on choisit de suivre professionnellement parlant.

(pardon c'est un peu long ...)

laluciole a dit…

Après la bataille :

j'ai grandi dans le milieu enseignant (une mère, une tante et une grand mère salariées de l'Education Nationale, le Monde de l'Education sur la table basse, oui je sais , ça fait peur ;-)) ; pour autant, recalée piteusement au CAPES de maths, j'ai choisi une autre voie, et je ne suis plus trop au fait des multiples réformes.

Mon opinion sur celle ci ? j'ai beaucoup de mal à la juger avec sérénité, tant elle me semble, comme vous l'avez souligné, un évident prétexte à la réduction des effectifs ; mais sans doute est ce la syndicaliste réactionnaire (d'une autre fonction publique) qui s'exprime là ;-)

Sur le fond, je suis (très) gênée par la vision consumériste(voire démagogue?) de l'Education Nationale qu'elle implique ; doit on réellement,si tôt, s'orienter vers les matières que l'on aime ? (alors que les élèves sont là pour en kier non ?)

Plus sérieusement, des matières que je n'appréciais pas, m'ont appris à réfléchir (et pas seulement selon une logique mathématique), et je ne regrette pas, a posteriori, de les avoir suivies.

Anonyme a dit…

Avec cette réforme, j'aurais fait latin-grec-physique-arts...
(Désolée de ne pas émettre de jugement, je ne m'en sens pas capable, en tant que pauvre étudiante qui-ne-veut-pas-être-prof-mais-le-sera-par-la-force-des-choses. J'ai le cerveau en compote et seulement apte à dire des bêtises.)
(En fait la réforme qui me fait peur est celle qui concerne les concours CAPES et Agrégation...)

Les Pitous a dit…

En quelques lignes peu construites, je tacherai de "répondre" à vos nombreuses réactions: mon sentiment (utopique?) est qu'il faut faire confiance aux enseignants pour appliquer intelligemment cette réforme. La théorie du complot est malheureusement fort commune en France.
L'empilement des heures de cours sans suivi individuel prouve ses limites pour de nombreux élèves qui arrivent au lycée avec des difficultés.
Enfin, je pense que l'essentiel est de susciter l'intérêt et la curiosité pour le savoir, ainsi que les moyens pour y accéder par soi-même.
V.