Le blog coruscant et capricant d'un couple de garçons en retour d'exil

mercredi 4 février 2009

Safety, savent-y pas?

La semaine dernière, je trouvais que je ne bossais pas assez : plutôt que de faire grève, j'ai troqué trois heures de cours contre une sortie scolaire de dix heures et j'ai bondi dans un bus en croisant les doigts (j'avais à peu près une chance sur deux d'être assis à côté de Droopy*). Remarquez, hier, j'ai carrément échangé une heure de cours contre une journée de formation à 100 bornes de chez moi; mais c'était de bon coeur, parce que mon homme était à mes côtés (c'était pour la minute mignonnerie). Comme quoi, des fois, j'essaie d'exaucer le voeu de la plus haute autorité de l'Etat et de me mettre, enfin, à travailler plus (bénévolement). Mais revenons à la semaine dernière.

Je pourrais vous parler du supplice qui consiste à arpenter un donjon en trainant sur le sol ses pieds gelés, de voir un chevalier zozotant recevoir la cognée lors de son adoubement ou d'assister à l'échange symbolique d'un baiser entre vassal et suzerain, tout en prédisant la suite, la question fatale que fatalement posera le gamin le plus benêt : "Z'étaient tomosexuels, les chevaliers?" (merci Sullivan). Mais il y a eu bien pire qu'entendre le guide faire de la fausse pédagogie en posant d'édifiantes questions comme : "Il a quelle forme, le donjon carré?" ou "À quoi servent ces fentes nommées archères par-lesquelles les soldats tiraient à l'arc?"; pire que de devoir faire le guet devant les toilettes d'une salle des fêtes pendant que nos zébulons, enfin sustentés, gigotent bruyamment et hurlent en tous sens (dedans ils veulent être dehors, dehors ils veulent être dedans : un adolescent est un chat qui s'ignore); pire que tout cela, il y a le retour en avance...

Le môme est jouasse, il croit qu'il va pouvoir rentrer plus tôt que prévu, hip hip hip hourrah! Mais qui est-ce qui va devoir le faire déchanter, tandis que la responsable de l'expédition court après le bus qui emporte tous ses effets personnels? Celui à qui Grand chef vient d'adresser un ultimatum ("je ne sais plus ce que vous m'avez dit en début d'année : voulez-vous être inspecté ou pas? J'appelle ce soir, la réponse sera très très très rapide"), pardi!

"Agneaux chéris, vous devez rester sous notre sainte garde jusqu'à l'arrivée de vos parents. Pour ceux qui rentrent par leurs propres moyens, vous ne partirez pas avant l'heure initialement prévue. Amen.
_ Mais c'est injuste!
_ C'est prudent.
_ Mais c'est injuste!
_ Vous êtes tous égaux devant notre sadisme. Nous sommes cruels, mais réglos.
_ Mais y en a des qui sont partis!
_ Tu as des noms à me soumettre?
_ Non, mais y en a des qui sont partis, c'est sûr!"

En voyant arriver l'organisatrice à bout de souffle (apprenez qu'un bus court plus vite qu'une prof d'histoire à deux ans de la retraite) et sans son manteau, le môme lui a joué le même refrain. Pas longtemps. Elle était aussi butée que moi, et moins patiente - peut-être parce que ses clés lui avaient adressé un pied-de-nez à travers la vitre arrière du car. Cela dit, le morveux a continué de grommeler trois quart d'heure, sans doute sincèrement persuadé que ça nous faisait rudement plaisir, à nous, de jouer les garde-chiourmes ('spèce de chiourme!), surtout de chiourmes grognons.

"Quand est-ce qu'on chiourme, Grand Chiourme?"

Mais ce n'est pas cela que je vous conterai ce soir. Revenons à ce moment d'apaisement où, au petit matin, je suis monté dans le bon car : celui avec peu d'élèves, que je connaissais tous. Celui sans Droopy.
Il y avait là Bombasse, prof de ballon, et Goliath, un prof de soudure. On parlait inspection (rien de tel qu'une petite conversation prophétique au petit matin) et mutations. À un moment, j'ai dû employé le "on" coutumier des garçons sensibles qui veulent s'épargner le ridicule, dans un car truffé de chausse-trappes d'élèves, du réglementaire "ma femme et moi". En général, on passe ensuite à autre chose. En général.

"Et elle fait quoi, ta femme, me lance Bombasse, histoire de bien me mettre à l'aise.
_ Euh... Prof de français"

J'ai la berlue ou quoi? Bombasse mange tous les midis au self avec nous. Quoique prof de sport, il n'a pas l'air dépourvu d'oreille, ni de jugeotte. Il doit bien avoir compris, non? Je jette alors un coup d'oeil que j'espère complice à mon autre collègue. Goliath m'adresse alors un clin d'oeil - c'est bon, lui, il sait! - et ajoute :

"C'est toujours comme ça : ma femme aussi, elle enseigne la même matière que moi!

Ouais, en fait il n'a rien compris non plus, le Goliath. J'ai clos comme j'ai pu:
"Ahaha (rire viril), c'est ça de se rencontrer pendant ses études"

Je n'en ai même pas profité pour savoir si Bombasse était toujours célibataire. Sait-on jamais.

Pitou G.

* Rendons hommage à Droopy qui, en dépit du préavis de grève, de sa longue route et de sa voix insupportable fièvre de cheval était venu exeuprès pour le voyage. Fallait pourtant pas se forcer..

5 commentaires:

Anonyme a dit…

Misère.... Jeune stagiaire (j'adore quand je le dis comme ça!!) j'ai fait ce genre de boulette et ton histoire me la remet en mémoire... J'ai encore honte... Pardon Dominique (qui ne doit pas lire ces lignes!) je jure que je savais pas!!
Quant à vous les Pitous vous ne connaitrez l'histoire qu'en privé... Je me refuse à noter cette anecdote ici!

Anonyme a dit…

Ah ben MamyS elle en trop dit ou pas assez !
La suite, la suite, la suite !!!

Anonyme a dit…

La prochaine fois, tu devrais dire à V., à table : "tu veux pas me passer le sel, mon chéri". Au moins, t'es sûr que tout le monde y comprendra bien et t'auras plus de questions à te poser!

Anonyme a dit…

Bombasse a-t-il un cerveau entre ses deux oreilles ?

Les Pitous a dit…

MamyS=> Quel art du teasing! Dis, MamyS, notre adresse mail figure sur la colonne de gauche. S'il te prend l'envie de confesser tes fautes, tu sais quoi faire ;-) Je te promets le secret professionnel.

Je Rêve=> Hélas, je n'ai pas suffisamment de moyens de pression sur MamyS pour en savoir davantage.

Flo=> La dernière fois qu'il m'a demandé le sel, j'ai pensé à toi. Moi, je ne sale jamais, c'est contre ma religion.

MAB=> Je ne lui en demande pas tant.