1) Depuis mon enfance, j'ai la passion des catalogues; la séduction des objets offerts en abondance fut pour moi la source de délices sans cesse renouvelées. Certes, l'éveil de ma (mauvaise) conscience écologique, la philosophie du contentement, ou l'épreuve des réalités économiques (comment cela je ne peux pas acheter un lustre à 1500 euros?) ont quelque peu freiné mon ardeur catalogique, mais je continue de feuilleter avec un plaisir coupable bon nombre d'opus commerciaux, du mince feuillet à l'imposant bottin. La plupart du temps je n'achète rien, mais je rêvasse, m'interroge sur l'utilité de l'objet, la validité du désir qu'il suscite. Je le rapprocherai (justifions nos travers!) de mon goût en littérature pour le fragment:
Les Mythologies de Roland Barthes,
Penser/Classer de Perec,
Les Miscelannées de Mr Schott, le haïku...
2) J'ai horreur de lire les modes d'emploi des objets courants (sauf conséquences potentiellement néfastes) , de suivre à la lettre une recette de cuisine. Je commence toujours plein de bonne volonté, par jeter un oeil aux préconisations culinaires pour m'en écarter aussitôt. Je sais que mon riz doit cuire 10, 15 ou 30 minutes (riz complet bio!) mais je ne pense
jamais à regarder l'heure au bon moment. Ainsi je rate régulièrement des plats simplissimes qui exigent juste un peu de précision sur les temps de cuisson (oeuf au plat, steack - surtout surgelé...). A contrario j'ai souvent des bonheurs culinaires avec les salades composées ou les recettes en cocotte (plus ça cuit, meilleur c'est!). Je commence en général tranquillement, puis je m'emporte, ajoutant les ingrédients les plus disparates. Inutile de dire que je ne réussis jamais à refaire exactement ce que j'ai réussi une fois. Infâme ou délicieux, ce ne sera qu'une fois.
3) Enfant, je dessinais des châteaux, façades et plans intérieurs, je ne ratais pas une occasion de construire des cabanes ou de transformer une couette en tente. A la plage, je bâtissais des édifices de sable et surtout des barrages, des canaux et des douves. J'avais patiemment assemblé une ville en Légo (ce n'était pas difficile: la gamme était fort développée à l'époque et j'ai été fils unique pendant dix ans.. Maisons, restaurant italien, hôpital, caserne, aéroport, tramway...)
Aujourd'hui je lève souvent le nez pour admirer les détails d'architecture des bâtiments, même ordinaires. Je regarde avec intérêt les annonces immobilières locales... ou haut de gamme (histoire de se tenir prêt pour le jour où l'on gagnera à la loterie). D'ailleurs je pense parfois à devenir agent immobilier, quand il me prend l'envie de me lancer dans
la course à la réussite (excellent jeu d'enfance de G. et son frère: le but étant de dépenser ses revenus en biens et services divers pour gagner en standing et augmenter ses revenus... Les années 80 sont trop vite passées!)
4) Quand j'avais neuf ans, j'ai fait tomber ma serviette dans les toilettes. J'accompagnais un petit cousin et lorsque je me suis penché au dessus de la cuvette pour actionner la chasse, la serviette s'est échappée. J'ai essayé de la rattraper. Je la revois encore tournoyant inéluctablement. Craigant la réprimande, j'ai été mortifié par l'hilarité qui a saisi mes parents et leurs invités à l'audition de mon épopée.
5) Avant d'être un enfant rêveur et plutôt solitaire (l'on est parfois très seul à l'école), j'ai été un petit monstre. Entre deux et quatre ans, j'ai: renversé un litre de cire sur le canapé neuf des gens qui nous avaient invités; fait tomber une télévision sur moi, ai fracassé un rouleau musical Fischer price sur les marches d'un escalier, balancé des petites voitures par la fenêtre... Promis, je n'ai jamais été cruel avec des animaux! Heureusement, aujourd'hui je serais sur la liste des criminels potentiels (est-ce que ça a été vraiment abandonné, cette idée lumineuse?)
6) J'ai compris le fonctionnement de la cédille en... 5e. Avant, j'en mettais une à mon prénom, jusqu'au jour où ma professeur de français m'a collé la honte (je l'avais bien mérité, ayant fait une remarque de petit con sur un accent mal graphié au tableau... Il n'empêche que j'ai retenu la leçon... pour la cédille) Je me souviens avoir suscité le désespoir de mon maître en CM1 et l'impatience de ma classe parce que je ne comprenais pas l'astuce pour différencier "a" et "à". Toujours en 5e je me rappelle n'avoir rien compris au COD ni au COI. Les fonctions ne se sont vraiment éclaircies pour moi qu'en 4e, avec l'allemand et le latin dont j'ai tiré un grand bénéfice. Pourtant cela n'avait pas bien commencé: lors de l'initiation en 5e, j'ai traduit une phrase de contrôle par "la reine est pécuniaire". Devenu professeur de français, je suis parfois trop indulgent avec les incompréhensions de mes élèves.
7) En maternelle j'ai eu le premier prix en... arts ménagers. A deux ans, j'étais fasciné par l'aspirateur et m'exclamais lorsqu'on le passait devant moi: "Oh le badai-ateur!" J'en fabriquais même avec une paille et du papier. L'hérédité sans doute: ma grand-mère est la seule personne que je connaisse à nettoyer du propre. Qui soulève l'assise des chaises de la salle à manger pour virer les miettes après chaque repas? Mamie. Qui repasse du linge humide avant de l'étendre? Mamie et... moi parfois aussi. J'éprouve une intense satisfaction lorsque tout est propre et rangé (rarement). Que le seuil de crasse atteigne un certain niveau et je deviens hystérique. Etudiant, je faisais le ménage en grand tous les samedis matin, comme ma grand-mère (paternelle, l'autre faisant le ménage tous les jours. Tous les jours: poussières, aspirateur, serpillière...). Que de névroses!
Je me dois de refermer le catalogue pour aujourd'hui, je ne sais pas si j'ai répondu à la commande de Sixtine (un tag d'il y a six mois? ah déjà...) Sept révélations sans importance... je crains d'avoir abordé à l'essentiel, c'est dire ma profondeur! Quant à savoir ce qu'il y a de faux là dedans, cher lecteur assez courageux pour arriver jusqu'ici, je te laisse juger.
Pitou V.
PS: *Une fois ne compte pas