Le blog coruscant et capricant d'un couple de garçons en retour d'exil

dimanche 2 novembre 2008

L-132-2

Vous savez certainement déjà que la CAMIF, créée en 1947 par Edmond Prost, fondateur de la MAIF, a été déclarée lundi en liquidation judiciaire. Depuis cet été, j’avais constaté une intensification des courriels de réduction et autres appels à la consommation. En septembre, je recevai même une lettre du président avouant les difficultés de la coopérative et faisant appel à la générosité de ses sociétaires et clients. La démarche, surprenante de la part de n’importe quelle entreprise, l’était moins pour la CAMIF, qui avait déjà été sauvée de telle manière dans les années 1990.

Enseignant, idéaliste et consommateur, j’appréciais à contretemps cette coopérative qui tentait vainement d’élargir sa clientèle au grand public, tout en perdant un peu de vu ses sociétaires. Autour de nous peu semblaient considérer cette vieille hippie de la VPC, ringardisée, cliché du monde enseignant. Conscient de cela, je recevais avec plaisir le catalogue, débusquant les bons choix, audaces mais aussi les naseries. J’achetais au final assez peu, surtout de l’électroménager, toujours avec des réductions valables.

Après avoir longuement tergiversé, je décidai il y a dix jours de passer une petite commande, pour apporter mon obole au sauvetage et recharger en cartouches la carafe filtrante Brita qui (effet placebo?) agrémente notre eau municipale. G., prudent et moins optimiste que moi, me demande si ce n’était pas bien téméraire au vu des difficultés financières connues de la coopérative. “Mais non, la CAMIF, penses-tu, aucun risque!
Lundi soir, la liquidation judiciaire était prononcée, je découvris sur Internet de peu rassurantes nouvelles. 60 millions de consommateurs annonçait le peu de chance qu’avaient les clients de recevoir leur commande en attente ou d’être remboursés. Les salariés, l’URSSAF, le Trésor sont des créanciers prioritaires. La référence à l’article L132-2 du code monétaire et financier attire alors mon attention: “ Il ne peut être fait opposition au paiement qu'en cas de perte, de vol ou d'utilisation frauduleuse de la carte ou des données liées à son utilisation, de procédure de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaires du bénéficiaire ”.
Des internautes moins chanceux que moi, indiquent que l’on dispose de 70 jours pour faire opposition mais que le paiement ne doit pas avoir été débité. Pénétré par la claire parole de la loi, je pénètre dans mon agence voisine. La dame de l’accueil ne semble pas au courant de cette disposition, consulte le service monétique qui lui indique qu’il s’agit d’un litige commercial qui ne concerne pas la banque. Débouté mais pas déconfit, je retourne à la maison, me saisis du Macbook, bondis derechef au guichet et, présentant à ses yeux l’incarnation pixélisée de la loi, demande courtoisement à la dame quelle en serait son exégèse. Prudente, elle m’introduit alors auprès du directeur de l’agence, probablement surpris de me voir débarquer l’ordinateur sous le bras. Le brave homme n’interprète pas l’article comme moi: “ Vous savez, le droit c’est compliqué... ” - ah tiens, je pensais que c’était facile avec le programme d’entraînement légal du Dr Kawashima sur DS- L’homme de chiffre, comprenant qu’il doit agir pour me calmer, se saisit du dossier et me promet une réponse rapide. Effectivement, il me rappelle dans l’heure et m’explique que la loi est claire... Cet article ne s’applique que si l’achat a été effectué après le jugement de mise en liquidation, ce qui n’est pas mon cas.

Peu convaincu par cette non explication, mais un peu calmé par la promptitude et la courtoisie de mon interlocuteur, je laisse passer le déjeuner. Avec le café revient ma pugnacité, je rédige en un instant une lettre demandant de faire opposition au paiement en vertu de cet article L132-2 et retourne au Crédit Réciproque demander au directeur qu’il me fournisse une preuve écrite de ce qu’il avance, arrêté, décision, etc. Plus coriace (ou moins armé) que je ne le pensais, il me renvoie vers le siège mayennais, dont il me donne l’adresse et le téléphone.

Je tombe alors sur Mme Sentier, troisième interlocuteur à convaincre de l'évidence de la loi. Après un échange soutenu, elle promet de me rappeler rapidement, munie d’éléments de réponse tangibles. Ce qu’elle fait, plusieurs fois, jusqu’à m’appeler en Panamie pour m’annoncer finalement qu’il est bien possible de faire opposition au paiement, à condition de la dater du 28 octobre, jour où j’ai commencé les démarches. Elle contacte aussitôt M. Blondin, notre banquier peu dégourdi du Mans. Celui-ci m’appelle, pour obtenir des éclaircissements sur ce que lui a dit Mme Sentier. Je lui explique l’histoire et en profite pour prendre rendez-vous mardi prochain (avis aux Sarthois, nous serons in town pour une tournée exclusive d’une demi journée). Il m’assure qu’il prend les choses en main et que nous réglerons les détails lors de notre entretien, pour lequel il réserve DEUX heures, ramenées à une heure et demie (“Je sais qu’on a de la conversation, mais tout de même, il ne s’agit que d’une carte et deux autres broutilles...”)


Il a effectivement pris les choses en main. Ce midi, alors que nous retirions de l’argent en compagnie de Taphanie pour un diététique substantifique kebab, le distributeur nous a avalé la carte.
“Carte en opposition sur votre demande.”

Blondin, crétin!

V.

PS: Merci à Taphanie pour l’avance de cash. Le chèque, c’est peu commode pour acheter le pain...

9 commentaires:

Anonyme a dit…

" (avis aux Sarthois, nous serons in town pour une tournée exclusive d’une demi journée)."

ça veut dire quoi, ça ? ( Rires...)

TAdF...

Anonyme a dit…

"Programme d'entraînement légal du Dr Kawashima", je crois que je ne vais pas m'en remettre !

Guilitti a dit…

et les recharges pour la carafe filtrante coutent plus ou moins cher que l'annulation de l'opposition de la carte?
(et.. en temps, 1h30 d'agrégé (ou même de certifié) de perdu c'est plus ou moins que le prix initila??)
Bon d'accord, c'est pour le principe.. pour la satisfaction de ne pas être arnaqué.. Mais le coup du tarif horaire, je me le dis à chaque fois que je sais que je vais perdre beaucoup de temps...

Anonyme a dit…

Attends, t'es fou aussi, moi depuis juillet qu'on reçoit un mail tous les 2 jours, j'avais décidé d'arrêter de commander, c'était bien trop louche !
(ok, je commandais pas avant non plus, trop trop cher...)

Carte en opposition, ça signifie nouveau code à apprendre, + paiement camif non bloqué, j'ai bien compris ?

Alcib a dit…

Un chèque pour payer le pain, ce n'est pas pratique, en effet. Mais comment se fait-il que le pain ne soit pas gratuit ? Il faut réclamer ! Tout le monde connaît bien la prière : « DONNEZ-nous aujourd’hui notre pain quotidien… »

laluciole a dit…

Much a do for nothing :-/

J'entends d'ici les conseillers bancaires : "je vous l'avais dit , Mme Sentier, les profs -surtout en vacances- sont les clients les plus kiants de la terre" ;-)

Ashley a dit…

Les banquiers faut s'en méfier comme de la peste (mais un peu moins que des réparateurs de chaudière)

Musiquette a dit…

La CAMIF...et oui !!! Dallas ton univers impitoyaaaaaa-able (air connu) Les diverses couleurs du marron.......Mais , si vous n'y êtes jamais allé vous avez manqué le restaurant de la CAMIF à Niort...Il fallait s'inscrire au début de son shopping (si tu y allais le matin)(mais oui comme à l'école) et arriver à l'heure sous peine de ne pas pouvoir y manger!!!C'était bon heureusement!

Stephanie a dit…

Ah mais de rien ! J'allais quand même pas manger un kebab et vous faire des coquillettes ! ;-)