Une guitare, un piano, deux compositeurs romantiques dont un illustre inconnu... Typiquement le genre de soirée qu'on ne vit jamais (si c'est pour rater Plus Belle la Vie, vraiment, je ne vois pas l'intérêt;-)). Sauf que là, on avait une invitation...
Un concert de musique classique, surtout quand on ne s'est pas trop renseigné sur le programme, on ne sait jamais combien de temps ça va durer. Tout ce qu'on sait au moment où on s'assoit, c'est que ça risque d'être délicat de s'éclipser en catimini. En plus, il y a une mère d'élève mélomane dans la salle et elle m'a repéré : hors de question de passer pour le cuistre que je suis. Même si je dois périr d'ennui, je ferai bonne figure. Peut-être même que j'applaudirai à la fin...
Savoir quand applaudir : un cauchemar, une phobie sociale, une torture qui me convainc à elle seule de fuir tout spectacle vivant. Certains paniquent devant des araignées, des serpents ou les choux de Bruxelles. Moi, ma terreur, c'est d'assister impuissant à l'attraction mutuelle de mes mains, se heurtant avec fracas à un moment incongru. J'ai donc passé une partie du concert la main droite coincée dans le strapontin voisin et la gauche dans le creux de celle de mon homme. J'ai frémi à chaque demi-silence : "et qu'est-ce que je fais de mes mains, là?". Je sais ce que vous vous dites : ça doit être dur de vivre dans mon monde...
A cette réserve près, assister à un récital, c'est une expérience très agréable. C'est quand même le seul spectacle pendant lequel on peut rêver sans scrupules, vu que c'est un peu fait pour ça (enfin, quand on est un Béotien). Dans cet art de l'instant, une note chasse l'autre; et nous, on se laisse totalement aller.
Il faut dire qu'il fallait bien se remettre de l'interminable tirade préliminaire de la pianiste fantasque. Déguisée en sapin de Noël et affublée d'un accent slave très prononcé, la virtuose avait, en effet, préparé un discours sur Floristan et Eusebius, en multipliant les tournures et les termes compliqués. Du coup, elle a été obligée à plusieurs reprises de s'interrompre au beau milieu d'un mot : on devinait les engrenages s'activer dans son cerveau pour retrouver la suite. Après avoir énumérés absolument tous les sentiments et émotions dont sont capables les hommes dans l'infinie variété de leurs nuances (la joie, la colère, la fureur, l'espoir, la résignation, la tristesse, le chagrin, la mélancolie, la déréliction, l'allégresse... l'impatience! etc) en se sentant obligée de les mimer quand elle les nommait, elle a enfin daigné s'asseoir à son piano. Il était temps, parce que votre serviteur commençait à être traversé de pensées très peu charitables du style : "mais quand on ne sait pas parler français, on n'essaie pas!" ou "c'est pour t'entendre jouer et pas dégoiser qu'on a payé on est venu sans bourse délier".
Mais après ça, c'était magique, même pas le temps de s'ennuyer : d'abord la guitare puis le piano et, en guise de rappel, piano et guitare ensemble (je n'aurais pas soupçonné que ces cordes s'accordent si bien).
Après le spectacle, pas moyen d'y couper, la mère d'élève m'a intercepté au moment où j'allais franchir la porte :
"On ne vous voit pas souvent ici (mais où as-tu vu que j'étais prof de musique?).
_ Non, c'est la première fois.Le reste du temps, je lis des blogs.
_ Êtes-vous venu pour le piano ou pour la guitare?
_ Euh (pensant très fort : "parce qu'on avait une invitation")...
_ Parce qu'on adoooooore la msique romantique, m'interrompit mon homme qui craignait que je passe pour un grosBoulez boulet.
_ Alors je vous ferai savoir quand il y aura à nouveau de la musique romantique.
_ Hui (sourire crispé), tris bien, mirci."
C'est pas tout ça, mais si on se dépêche, on peut encore arriver à temps pour Tout sur moi.
Pitou G.
Après vérification du programme, il semblerait que la maestria soit plus issue de la diaspora arménienne que de l'éclatement de la Yougoslavie...
Un concert de musique classique, surtout quand on ne s'est pas trop renseigné sur le programme, on ne sait jamais combien de temps ça va durer. Tout ce qu'on sait au moment où on s'assoit, c'est que ça risque d'être délicat de s'éclipser en catimini. En plus, il y a une mère d'élève mélomane dans la salle et elle m'a repéré : hors de question de passer pour le cuistre que je suis. Même si je dois périr d'ennui, je ferai bonne figure. Peut-être même que j'applaudirai à la fin...
Savoir quand applaudir : un cauchemar, une phobie sociale, une torture qui me convainc à elle seule de fuir tout spectacle vivant. Certains paniquent devant des araignées, des serpents ou les choux de Bruxelles. Moi, ma terreur, c'est d'assister impuissant à l'attraction mutuelle de mes mains, se heurtant avec fracas à un moment incongru. J'ai donc passé une partie du concert la main droite coincée dans le strapontin voisin et la gauche dans le creux de celle de mon homme. J'ai frémi à chaque demi-silence : "et qu'est-ce que je fais de mes mains, là?". Je sais ce que vous vous dites : ça doit être dur de vivre dans mon monde...
A cette réserve près, assister à un récital, c'est une expérience très agréable. C'est quand même le seul spectacle pendant lequel on peut rêver sans scrupules, vu que c'est un peu fait pour ça (enfin, quand on est un Béotien). Dans cet art de l'instant, une note chasse l'autre; et nous, on se laisse totalement aller.
Il faut dire qu'il fallait bien se remettre de l'interminable tirade préliminaire de la pianiste fantasque. Déguisée en sapin de Noël et affublée d'un accent slave très prononcé, la virtuose avait, en effet, préparé un discours sur Floristan et Eusebius, en multipliant les tournures et les termes compliqués. Du coup, elle a été obligée à plusieurs reprises de s'interrompre au beau milieu d'un mot : on devinait les engrenages s'activer dans son cerveau pour retrouver la suite. Après avoir énumérés absolument tous les sentiments et émotions dont sont capables les hommes dans l'infinie variété de leurs nuances (la joie, la colère, la fureur, l'espoir, la résignation, la tristesse, le chagrin, la mélancolie, la déréliction, l'allégresse... l'impatience! etc) en se sentant obligée de les mimer quand elle les nommait, elle a enfin daigné s'asseoir à son piano. Il était temps, parce que votre serviteur commençait à être traversé de pensées très peu charitables du style : "mais quand on ne sait pas parler français, on n'essaie pas!" ou "c'est pour t'entendre jouer et pas dégoiser qu'
Mais après ça, c'était magique, même pas le temps de s'ennuyer : d'abord la guitare puis le piano et, en guise de rappel, piano et guitare ensemble (je n'aurais pas soupçonné que ces cordes s'accordent si bien).
Après le spectacle, pas moyen d'y couper, la mère d'élève m'a intercepté au moment où j'allais franchir la porte :
"On ne vous voit pas souvent ici (mais où as-tu vu que j'étais prof de musique?).
_ Non, c'est la première fois.
_ Êtes-vous venu pour le piano ou pour la guitare?
_ Euh (pensant très fort : "parce qu'on avait une invitation")...
_ Parce qu'on adoooooore la msique romantique, m'interrompit mon homme qui craignait que je passe pour un gros
_ Alors je vous ferai savoir quand il y aura à nouveau de la musique romantique.
_ Hui (sourire crispé), tris bien, mirci."
C'est pas tout ça, mais si on se dépêche, on peut encore arriver à temps pour Tout sur moi.
Pitou G.
Après vérification du programme, il semblerait que la maestria soit plus issue de la diaspora arménienne que de l'éclatement de la Yougoslavie...
6 commentaires:
Bonsoir,
Il est vrai qu'associer guitare et piano, faut oser ! Celà dit, c'est de ce genre de mariages arrangés qu'éclosent parfois de petits miracles... J'ai souvenir d'un concerto pour accordéon (si si je vous assure !) et grand orchestre complet pour lequel je m'attendais à une aimable bluette planplan, quelle ne fut pas ma surprise d'entendre de véritables merveilles dans les dialogues soliste / orchestre et dans la vituosité ébouriffante de l'accordéon... magnifique écoute pour remettre ses petites idées préconçues en question...
Pour apprécier encore plus les subtilités de Schubert (j'imagine qu'il y en avait au programme si la dame a évoqué Eusebius et Florestan, les deux faces schyzophrèniques du compositeur teuton), voici mon conseil du jour : La Musique classique pour les Nuls, aux éditions Sybex. Aimable ouvrage permettant l'approche globale de la musique aux totaux néophytes, ce livre dresse un panorama assez large allant d'une histoire (très) simplifiée de la musique des origines à nos jours, à une approche très survolée de la théorie musicale (rythme, harmonie etc) en passant par "les 10 commandements pour aller au concert" ou "les 10 idées reçues les plus répandues sur la musique classique".
Pardon pour la longueur de ce commentaire.
Votre Roseline,
NB : je ne suis pas actionnaire des éditions Sybex
Alors moi j'ai fait (dans un passé fort lointain) quelques études musicales qui, comme vous le savez, m'ont menée directement à l'archéologie. j'aime donc la musique et les concerts. Ca ne m'empêche pas d'adorer littéralement Plus belle la vie. Même pas honte.
ben c'est facile, on n'applaudit pas entre deux mouvements d'une même oeuvre, mais seulement à la fin de l'oeuvre. Comment savoir si c'est la fin me demanderez-bous? En lisant le programme peut être une première méthode. Suivre les applaudissements des autres spectateurs une seconde (souvent utilisée par je)! Et puis de toutes façons, c'est bien de laisser quelques secondes à la fin des morceaux avt d'applaudir : le béotien croit que c'est parce que personne n'osait applaudir, alors que les pros se recueillent sur les dernières notes qui s'évanouissent.. Bref, pas de panique...
Pareil, j'applaudis en suivant les autres-qui-savent, en prenant l'air inspiré, c'est l'astuce. Ca marche très bien.
(c'est compliqué la vie hein pfiou ^^)
Dans les spectacles de musiques, tu applaudis quand les autres le font. Au théâtre, tu applaudis quand tu trouves ça bien, autrement dit, c'est pas grave si t'est tout seul! ^^ (je ne sais pas pourquoi, la musique se prend toujours plus au sérieux qu'une comédie...)
Les concerts... je suis déjà allée à un concert de musique baroque et à d'autres: en général, il y a toujours un moment où je m'endors...
Finalement à lire les commentaires précédents et très au fait de la chose, je me dis que c'est comme à la messe... On suit ceux qui savent quand il faut se lever et quand il faut s'asseoir...
(Pour les bonnes paroles, c'est une autre paire de manches)
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