Le blog coruscant et capricant d'un couple de garçons en retour d'exil

mercredi 26 mars 2008

C'est marre

Malgré la folie des sigles de L'Ed' Nat', le collège Haquenée est un établissement Ni-Ni : ni collège d'élite, ni ZEP (zone d'éducation prioritaire), encore moins Ambition réussite (l'ambition n'engage à rien); ni collège de centre ville, ni collège rural; ni grand, ni petit.
Bref, il a le profil idéal pour que tout parte en vrille, oublié qu'il est, sur un coin du bureau des Hautes Instances. Et effectivement, ça vrille...

C'est comme ça, j'ai envie de sortir de mon devoir de réserve (j'vous jure : j'étais avec personne, dans la réserve!). Je m'excuse d'avance auprès de ceux qui espéraient un article rigolo. Haquenée : collège en danger. Des fois, on se demande comment une telle structure peut encore tenir debout : la force de l'habitude? la bonne volonté de certains? Pour que les murs ne s'écroulent pas, il faut bien un dévouement quasi sacrificiel.

Vue imaginaire de la Grande Galerie du Louvre en ruines,
Hubert Robert (1796)


L'an prochain, il y aura à peu près dix élèves en moins (encore que ce soit bien difficile de l'affirmer, étant donné la lente agonie de la sectorisation; bien malin qui peut prédire les effectifs). En terme de moyens, cette baisse démographique induit la suppression de 5 postes d'enseignants et d'un demi-poste administratif ( j'espère qu'on aura la bonne moitié de la secrétaire). Je ne parle même pas de tous ces profs qui, dans presque toutes les disciplines, vont se partager sur plusieurs établissements (à commencer par votre serviteur).

Laissons notre humanité de côté et affirmons que, pourquoi pas, tant que la machine marche... Mais la machine est sérieusement grippée : ces dernières semaines, trois collègues ont été arrêtées pour une longue durée. Au bout de combien de temps pensez-vous qu'on puisse les remplacer? Trois semaines d'attente furent un minimum (quant au maximum... ouhlala : deux mois?) : pas de remplaçants titulaires disponibles depuis bien longtemps, pas davantage de vacataires (surtout en période de concours). Et Haquenée n'est pas un cas isolé. Que certaines classes, avec un examen à la fin de l'année, restent un mois avec des trous de neuf heures hebdomadaires, ça me semble gênant. On a déjà vu l'Etat se voir condamné pour avoir privé trop longtemps de cours des futurs bacheliers. C'est une évolution intéressante de l'enseignement, je trouve.

Comme dans toute entreprise saine, un conseil d'administration siège. On se demande bien pourquoi on se donne encore la peine de préserver cette apparence de démocratie : le boss reçoit la copie d'un courrier venu d'en-haut (l'original ayant été prétendument envoyé aux membres du conseil, mais personne n'en a vu la couleur) nous enjoignant de nous plier aux desiderata supérieurs. Instance décisionnaire, mon c°l. C'est tout à fait gratifiant de s'infliger des réunions de trois heures pour un tel résultat.

Côté technique, c'est pas triste non plus : salle informatique impraticable (à part jouer à reconstituer les paires d'ordi identiques, je ne vois pas; regarder les mômes aller de poste en poste dans l'espoir d'en trouver un qui fonctionne est un divertissement un brin crispant). Hier, c'était le pompom : plus de téléphone, disque dur avec toutes les bulletins (pas encore tirés) qui rend l'âme... Ce bahut est bien digne du plus désolant des films catastrophes de Nanarland.
Bricolage. Bricolage. Bricolage. Pour quoi, au fond?

Pitou G.

On fera plus drôle demain. là, je vais faire la sieste...

11 commentaires:

Yibus a dit…

je n'ai pas encore lu le billet mais réagis derechef à la toile...

J'adore Hubert Robert, j'adore les ruines, merci, merci (il y a de magnifiques tableaux de lui au Louvre, sniff, souvenirs)
Et ce nom, quand tu y penses, magnifique...

comme disent les blogueurs dans le coup (dont je me défie bien d'être) : "you make my day".

Yibus a dit…

Bon... après avoir lu ton billet et un article concernant le lycée Bergson (dans le 19ème, l'arrondissement parisien où j'habitais), je me dis que c'est pas gagné de former des honnêtes citoyens...

... Je me dis -de plus en plus- que prof, c'est un sacerdoce (ou une voie de garage, ou autre chose)

... Je me dis que je les trouve admirable (sans flagornerie, pas le genre maison).

... Je me dis que c'est peut-être un ptit coup de blues post-rencotre mortimérienne (viens de lire ton billet d'hier, sourire, là, pour le coup)

Fyfe a dit…

Koâââââ ?
On supprime 5 postes pour 10 élèves ? Alors un prof enseigne en tout et pour tout à (je pose deux et je retiens un) 2 élèves ?
Vraiment payés à rien faire ces profs, j'vous jure !
(surtout les profs de math, qui ont merdé dans l'éducation des gestionnaires de l'éduc' nat' manifestement)

Courage ^^

Anonyme a dit…

Si jamais ca peut te remonter le moral, sache que j'adôôôôôre ton blog :)

Les Pitous a dit…

Yibus=> le lien avec Hubert Robert peut sembler ténu. Mais un temple de la culture en ruines, ça colle assez bien à ce que je ressens en ce moment. "You make my day"... je retiens!

Fyfe=> Ce n'est même pas aussi simple : des établissements où on gagne des élèves peuvent aussi perdre des heures (enfin, pas des heures supp' qu'on donne à tour de bras, même chez nous, parce que ça coûte moins cher). C'est juste l'effet de la politique de la réduction des fonctionnaires - et elle fait mal.
Et si tu allais bosser sur ton blog, hein? C'est vrai quoi, ça ne se fait pas de laisser ses lecteurs en manque! ;-)

ToI=> Bienvenue sur ce blog. Sache que, si, ça remonte le moral. Et puis mon boulot, ça n'est jamais qu'un boulot (par contre, pour les gosses privés de cours, c'est autre chose).

Anonyme a dit…

Quand je pense qu'à une époque je songeais à passer mon CAPES de musique pour tenter d'éveiller des Tex-le-Mix aux subtilités sulfureuses et pornographiques des lieder de Schubert ou à la prose onirique de Pierre Perret...
J'ai bien fait de fuir vers un métier qui n'a rien à voir avec l'Etat ni avec l'enseignement !

Votre dévouée,

Roseline de B.

Guilitti a dit…

moi j'ai découvert ton blog il y a 3 jrs, heu pardon votre blog, et dès que j'ai 10min je remonte le temps à vos cotés, et j'adore ! Sauf que du coup, ça en fait un de + à lire tous les soirs, et que.. ben .. ça prend du temps !!!! Mais il s'agit d'une saine occupation, et elle nous fait oublier les gros panneaux qui trainent ds notre salle des profs "prof de physique : supprimé" ; " prof d'allemand, supprimé ".. (je vous fais court) . Ah non, pas aujourd'hui, l'oubli de ma salle des profs..

Musiquette a dit…

Moi j'ai découvert votre blog par ma copine guilitti (voir au dessus ) j'aime beaucoup.A Roseline de B. : elle a eu bien tort de ne pas venir enseigner la musique au collège car c'est encore une matière où on peut faire plein de trucs sympas parce qu'on est libre....25 ans que je le fais et j'adore.Courage pour les suppressions de postes .Nous on a de la chance ...mais 750 élèves c'est lourd aussi .Je reconnais aussi bien ta salle informatique...Chez nous une seule avec 14 postes pour 750 élèves .....On rêve....

Phoebe a dit…

Pareil que Yibus : j'adore ce tableau

et oui oui oui à tout ce que tu décris

Les Pitous a dit…

Roseline de B=> que je sois un représentant de l'Etat, c'est un truc que j'ai du mal à intégrer. Sinon, j'aurais bien aimé t'avoir pour collègue (et tu aurais pu remplacer, juste pour voir, la collègue qui a abandonné en janvier -et même avant, il faut dire).

Guilitti=> Bienvenue parmi les lecteurs "parlants". Si tu veux encore plus remonter le temps, tu trouveras le récit de nos précédentes années dans la colonne de gauche (Les Pitous d'Amiénie). Il faut voir sur le long terme ;-)

Musiquette=> Bienvenue ici. Si j'en crois mon collègue d'arts plastiques, la liberté dont vous jouissiez dans vos deux disciplines est sérieusement menacée, non? Je suis heureux que tu t'épanouisses dans ton travail : ma collègue a lâché l'éponge cette année, définitivement semble-t-il...
Bon courage pour valider le B2I avec vos vieux (et rares) ordi pourris!

Sixtine=> j'aime aussi beaucoup voir des maisons en ruines où la nature reprend ses droits. Ou mieux encore : des églises où des feuillages remplacent les voûtes.

V à l'Ouest a dit…

Bon, faut bien le dire, je suis assez tenté de rejoindre le choeur grinçant des représentants de l'état lexomilisables, actuellement je crois que je préfèrerais vendre des patates sur le bord de la route, au moins je pourrais tirer sur ma clope sans avoir à sortir du bahut. Moi aussi je vais aller compléter mon "service" ailleurs l'an prochain, comme l'an dernier d'ailleurs, bicôze dégéhache (profanes s'abstenir) maigrichonne. Et je ne parle pas des réunions idiotes, des commissions débiles et des stages inintéressants. Pas plus que de la salope de gestionnaire et de la crétine d'adjointe. Mais comme nous on a une sale informatique en état de fonctionnement, je serais mal venu de râler.