Le blog coruscant et capricant d'un couple de garçons en retour d'exil

jeudi 25 juin 2009

Y en a des biens...

On peut être de gauche et misanthrope. Je suis parfaitement pour la promotion des valeurs de solidarité, partage, blablabla, mais j'aime beaucoup aussi être tranquille à la maison et me contenter de l'aimable et discrète compagnie des chats ou d'un pitou (non moins aimable et discret, sauf lorsqu'il se la joue poitrinaire pendant douze jours et passe ses nuits à me tousser dessus - plaignez-le, plaignez-moi!). Ce goût du calme ne laisse pas de gêner les semi-obligations mondaines de la vie d'un insigne conseiller municipal, obligations que je choisis la plupart du temps "d'oublier". A l'instar de notre LN qui prétendait avoir sa progéniture à chercher à la crèche pour s'échapper d'une énième et superfétatoire réunion pédagoguique, il m'arrive de prétexter des impératifs personnels/professionnels/esthétiques pour m'extraire du rôle de potiche imposé par la nécessaire représentation et retourner à la vie normale. C'est mal, je sais. Mais comment résister à l'appel du foyer?

J'aime donc mes voisins, même si participer à la fête du quartier en tant qu'élu est un calvaire. Je ne parle pas ici des vénitiens, qui sont plus des amis que des voisins. J'aime notre voisine un peu bohème qui garde les chats (même si je maudis l'ombre épaisse et persistante de son laurier). J'aime notre autre voisine, bien plus chenue, qui semble toujours si ravie d'engager la conversation, en gardant ma main dans la sienne, même si c'est généralement pour me dire que nos bêtes ruinent ses semis - à ma grande confusion. Il y a aussi nos voisins d'en face, heureux habitants d'une minuscule maison fort laide, les pauvres ne roulant pas sur l'or. Ainsi va le monde: à l'heure de fermer les volets de notre altière demeure, la contemplation du modeste logis nous donne toujours un certain sentiment de culpabilité.

Pourtant, nos voisins sont loin d'être désagréables. Lui, la quarantaine tatouée, en pantacourt toute l'année, t-shirt l'hiver et torse nu l'été, s'épanouit à bichonner sa voiture (Dieu existe: il n'est pas fan de tuning) ou à promener son molosse. Peu de chance qu'on devienne les meilleurs amis du monde, mais un salut cordial nous satisfait depuis bientôt deux ans. Sa compagne en revanche ne saurait se contenter d'aussi peu. Je voyais bien qu'elle était plutôt du genre liante, mais malheureusement nos chemins ne faisaient toujours que se croiser. Jusqu'à un récent matin où elle a profité traitreusement que j'ouvre les volets (pas sur sa tronche, pourtant) pour traverser la rue et m'adresser la parole. J'ai oublié un membre important de la famille; la petite Démona (mini concours: devinez le nom réel de la petite. Un indice: le surnom correspond sensiblement à la signification du vrai prénom).

Passées les platitudes météorologiques, il a bien fallu parler d'autre chose, en l'occurence de la Fête des voisins à laquelle j'avais fait une apparition peu remarquée (par elle) et de son effet bénéfique sur la socialité, la vie du quartier, la polinisation croisée...

- Je vois que vous travaillez à l'accroissement du quartier! (la dame ayant depuis quelques mois l'allure d'un Botero)
- Hein? Démona descends de cette barrière tu vas tomber!
- Vous attendez un heureux événement... qui augmentera la population du quartier.
- Ah oui, mais c'est pas sûr qu'on reste vu qu'on manque de place.
- euh, effectivement, glurps...
- Démona je vais pas te l'dire quatre fois, arrête de te balancer! Parce que vous comprenez, on n'a que deux pièces, alors à moins qu'on fasse une chambre là (montrant la deuxième fenêtre) mais y a à peine la place d'un lit. (Honte sur nous et nos trois étages) Et sinon vous avez vu Vachebdo cette semaine?
- Non, je ne lis pas cette bouse, ce journal.
- Moi non plus mais j'étais contente de voir le gros titre "Les homos s'affichent."
- Ah, euh, oui...
- Rassurez-vous j'ai rien contre, j'en connais plein. Déjà quand j'étais à Boudinville j'en avais comme voisins et au boulot aussi et vous maintenant!
- C'est sûr...
- Démona lâche cette gouttière, je te jure que ça va mal aller!
- Pas évident à cet âge, il faut donner de la voix...
- Oh oui et Démona est agitée et moi je crie beaucoup, d'ailleurs mon homme arrête pas de me dire "mais pourquoi tu gueules comme ça?", je le sais mais je m'en rends pas compte. J'ai été élevé comme ça de toute façon, et à son âge j'étais comme Démona et ma mère elle criait beaucoup alors je fais pareil, sauf que moi je m'en prenais une quand j'allais trop loin mais je veux pas faire pareil.
- C'est déjà bien d'en avoir conscience... Votre compagnon a raison. Crier ne sert presque toujours à rien, je m'en suis rendu compte dans mon métier (Bourde!).
- Ah bon, mais qu'est-ce que vous faites?
- Je suis professeur de Français au collège Haquenée (et j'espère ne jamais avoir Démona en classe).
- Ah je ne savais pas... Démona pas sur la route!
- Je vois qu'elle s'impatiente, je ne voudrais pas vous retenir plus longtemps... Au revoir et bon courage!

V.


6 commentaires:

Guilitti a dit…

Santana? Méphista? Diabla?

Bon, elle aura déménagé loin d'Haquenée avant d'être dans ton collège.. enfin j'espère pour toi..

Alcib a dit…

J'ai eu peur. Pendant 30 secondes, je crois, il y a eu disparition de cet article !

Heureusement qu'il y a un Pitou V. pour prendre soin du Pitou G. et pour prendre la relève à la rédaction de ce blogue !

Ashley a dit…

Lucifera?
"Mais pourquoi tu gueules comme ça?" c'est magnifique. C'est un peu comme si vous aviez Confessions Intimes en bas de chez vous.

Thieffaine a dit…

Ce n'est pas Angela , tout de même ?
Au fait , je te l'avais dit , un conseiller municipal c'est NADA !!! et c'est casse-pied ( avec ou sans s ? ) les obligations qu'il a à remplir !

Amitiés
TAdF.

Je téléphone et ça ne répond pas !

MamyS a dit…

J'opterai aussi pour Angéla... Elle est charmante ta voisine! Petit veinard!!

Roseline de B. a dit…

Je crois que je vais aller m'établier à Boudinville, moi...