Nul n'est censé ignorer la loi, surtout pas les agents de l'Etat (si on pouvait penser à la simplifier, ça rendra notre mémoire moins sélective, je pense). Il y en a au moins une qui est négligée par commodité dans l'Educ'Nat', c'est l'obligation d'offrir, à tous les niveaux, au moins trois séances d'éducation à la sexualité à nos ouailles. Et quand on parle d'éducation à la sexualité, on ne parle pas que de l'aspect biologique des choses, gonades, hormones et compagnie. L'aspect purement scientifique est à la fois ce qui préoccupe le moins les ado et ce qui rassure le plus les enseignants, vu que ces derniers ne sont formés qu'à ça.
Mais la sexualité, c'est aussi et surtout du psycho-affectif et du socio-culturel. Et comment ça se prend en charge, ça? C'est justement pour répondre à cette question que certains personnels avisés d'Haquenée (plus l'infirmière que le Bigboss, à mon humble avis) ont pris l'initiative de demander une formation. L'idée était de constituer une équipe de référents. Comme il n'y a pas de raison de réserver l'approche de la sexualité au seul domaine scientifique, je me suis porté volontaire : après tout, on ne trouve pas meilleur laboratoire de sentiments et de questionnement sur soi que la littérature! Dans l'édition pour la jeunesse, on ne manque pas de titres excellents pour servir de supports.
La réunion a rassemblé une poignée de profs, assistantes sociales et infirmières d'Haquenée et d'un autre bahut de la ville. Les lecteurs fidèles du blog reconnaîtront tout à l'heure trois figures déjà rencontrées dans un autre contexte. À l'issue de la première journée, rassuré par le fait que notre rôle consistait surtout à renvoyer aux mômes leurs propres interrogations et à faire circuler la parole dans le groupe, je me sentais tout à fait capable d'encadrer un groupe avec une collègue (parce que c'est indispensable d'être deux, et si possible de sexe opposé). Mais vendredi, un petit jeu de rôle a sérieusement ébranlé ma détermination. Il fallait simulerun orgasme (rhôôô!) un face-à-face avec un seul élève, un aparte sous une porte cochère entre-deux portes : autrement dit la question-piège tellement embarrassante que l'ado vous la largue en catimini. Chaque stagiaire jouait deux fois le rôle de l'ado et de l'adulte, affrontant une question distribuée par la formatrice.
J'ai ainsi eu le bonheur, pour mon galop d'essai, de lancer à la Vénitienne une bombe que je n'ai même pas comprise à la première lecture : "Mon cousin qu'est pompier, y m'a dit que des fois, y en a qui restaient coincés".
La Vénitienne a écarquillé les yeux, les pupilles dilatées par l'incompréhension. Elle m'a demandé de préciser ma question. Comme j'avais fini par en décrypter le sens, j'ai enchaîné : "Bah coincés quoi... l'un dans l'autre. C'est pour ça que les pompiers devaient intervenir".
J'ai lu la panique dans le regard de la Vénitienne. C'était moins dangereux de manger mon Barkouk que de répondre à cette charade. Trois minutes, dieu que c'est long!
Quand j'ai demandé à Romanella quels étaient les meilleurs moyens de contraception et feint de croire que ma petite amie pourrait s'empoisonner avec sa pilule, j'ai été tout de suite plus à l'aise. Pour le fun, je lui ai aussi demandé s'il n'était pas plus sûr de mettre deux préservatifs au lieu d'un. J'ai trouvé Romanella plutôt à l'aise et rassurante. Elle m'a dit que j'avais été un élève sympa. Alors après, pendant le debriefing, quand la formatrice a émis l'hypothèse que derrière cette question, apparemment anodine, il fallait peut-être déceler la présence d'une autre interrogation que le/la jeune n'oserait pas aborder de front, je me suis affolé. Moi, j'aurais répondu exactement comme Romanella, trop heureux de m'en tenir à des informations pratiques.
Après, il a fallu endosser le rôle de l'adulte. Je pensais m'en être tiré pas si mal quand une collègue m'a demandé pourquoi on voyait partout que des nanas à poil et jamais de garçons. Avec le recul, je m'aperçois cependant que je ne lui ai pas suffisamment redonné la parole.
Trois minutes plus tard, quand un collègue m'a demandé d'un air revêche : "Mais comment vous voulez qu'on s'intéresse à moi avec la gueule que j'ai?", ça a été la cata. D'un coup, toute la misère de l'adolescence s'est abattue sur moi. Qu'est-ce qu'on peut répondre à ça? Un immense sentiment d'impuissance m'a fait bafouiller. Je voulais trouver des mots rassurants, tout en évitant de jouer les dames patronnesses, le pire étant sans doute de faire la dame patronesse pas rassurante du tout ("ce qui compte, c'est la beauté intérieure; l'essentiel, c'est d'avoir un coeur" arrrrrgh!). À la réflexion, ma réaction n'a pas été si mauvaise que ça : pour le coup, je lui ai bien redonné la parole pour qu'il me dise d'où lui venait cette impression. Ensuite, je lui ai dit qu'à son âge, personne n'était bien dans sa peau, qu'il était forcément trop sévère avec son propre reflet dans le miroir et que c'était parce qu'ils étaient en groupes que les autres lui semblaient plus à l'aise. Mais moi, je ne sais pas regonfler l'estime de soi des autres en trois minutes chrono! Ça s'est soldé par mon fou-rire : le pire scénario possible.
Voyons le bon côté des choses : on n'a pas le temps de prolonger le jeu de rôle. Normalement, c'est bien de jouer trois fois les deux rôles, il paraît. Moi, je suis ravi qu'on m'ait épargné la honte de demander à la maman de Tibulle : "Est-ce que ça craint, la sodomie?", "Est-ce qu'on peut acheter du sperme en boîte?" ou de lui avouer "J'ai peur que mon sexe devienne géantissime". Et j'aurais été tout aussi gêné de l'entendre solliciter mon avis éclairé sur des points aussi banals que : "Est-ce dangereux de se doigter quand on a les mains sales?", "Est-on obligé d'éjaculer entre les seins?" ou "Pourquoi les filles mouillent?"
Pitou G.
P.S. : je jure solennellement que je n'ai pas pris part à cette formation dans le but de booster l'audience de ce blog.
Mais la sexualité, c'est aussi et surtout du psycho-affectif et du socio-culturel. Et comment ça se prend en charge, ça? C'est justement pour répondre à cette question que certains personnels avisés d'Haquenée (plus l'infirmière que le Bigboss, à mon humble avis) ont pris l'initiative de demander une formation. L'idée était de constituer une équipe de référents. Comme il n'y a pas de raison de réserver l'approche de la sexualité au seul domaine scientifique, je me suis porté volontaire : après tout, on ne trouve pas meilleur laboratoire de sentiments et de questionnement sur soi que la littérature! Dans l'édition pour la jeunesse, on ne manque pas de titres excellents pour servir de supports.
La réunion a rassemblé une poignée de profs, assistantes sociales et infirmières d'Haquenée et d'un autre bahut de la ville. Les lecteurs fidèles du blog reconnaîtront tout à l'heure trois figures déjà rencontrées dans un autre contexte. À l'issue de la première journée, rassuré par le fait que notre rôle consistait surtout à renvoyer aux mômes leurs propres interrogations et à faire circuler la parole dans le groupe, je me sentais tout à fait capable d'encadrer un groupe avec une collègue (parce que c'est indispensable d'être deux, et si possible de sexe opposé). Mais vendredi, un petit jeu de rôle a sérieusement ébranlé ma détermination. Il fallait simuler
J'ai ainsi eu le bonheur, pour mon galop d'essai, de lancer à la Vénitienne une bombe que je n'ai même pas comprise à la première lecture : "Mon cousin qu'est pompier, y m'a dit que des fois, y en a qui restaient coincés".
La Vénitienne a écarquillé les yeux, les pupilles dilatées par l'incompréhension. Elle m'a demandé de préciser ma question. Comme j'avais fini par en décrypter le sens, j'ai enchaîné : "Bah coincés quoi... l'un dans l'autre. C'est pour ça que les pompiers devaient intervenir".
J'ai lu la panique dans le regard de la Vénitienne. C'était moins dangereux de manger mon Barkouk que de répondre à cette charade. Trois minutes, dieu que c'est long!
Quand j'ai demandé à Romanella quels étaient les meilleurs moyens de contraception et feint de croire que ma petite amie pourrait s'empoisonner avec sa pilule, j'ai été tout de suite plus à l'aise. Pour le fun, je lui ai aussi demandé s'il n'était pas plus sûr de mettre deux préservatifs au lieu d'un. J'ai trouvé Romanella plutôt à l'aise et rassurante. Elle m'a dit que j'avais été un élève sympa. Alors après, pendant le debriefing, quand la formatrice a émis l'hypothèse que derrière cette question, apparemment anodine, il fallait peut-être déceler la présence d'une autre interrogation que le/la jeune n'oserait pas aborder de front, je me suis affolé. Moi, j'aurais répondu exactement comme Romanella, trop heureux de m'en tenir à des informations pratiques.
Après, il a fallu endosser le rôle de l'adulte. Je pensais m'en être tiré pas si mal quand une collègue m'a demandé pourquoi on voyait partout que des nanas à poil et jamais de garçons. Avec le recul, je m'aperçois cependant que je ne lui ai pas suffisamment redonné la parole.
Trois minutes plus tard, quand un collègue m'a demandé d'un air revêche : "Mais comment vous voulez qu'on s'intéresse à moi avec la gueule que j'ai?", ça a été la cata. D'un coup, toute la misère de l'adolescence s'est abattue sur moi. Qu'est-ce qu'on peut répondre à ça? Un immense sentiment d'impuissance m'a fait bafouiller. Je voulais trouver des mots rassurants, tout en évitant de jouer les dames patronnesses, le pire étant sans doute de faire la dame patronesse pas rassurante du tout ("ce qui compte, c'est la beauté intérieure; l'essentiel, c'est d'avoir un coeur" arrrrrgh!). À la réflexion, ma réaction n'a pas été si mauvaise que ça : pour le coup, je lui ai bien redonné la parole pour qu'il me dise d'où lui venait cette impression. Ensuite, je lui ai dit qu'à son âge, personne n'était bien dans sa peau, qu'il était forcément trop sévère avec son propre reflet dans le miroir et que c'était parce qu'ils étaient en groupes que les autres lui semblaient plus à l'aise. Mais moi, je ne sais pas regonfler l'estime de soi des autres en trois minutes chrono! Ça s'est soldé par mon fou-rire : le pire scénario possible.
Voyons le bon côté des choses : on n'a pas le temps de prolonger le jeu de rôle. Normalement, c'est bien de jouer trois fois les deux rôles, il paraît. Moi, je suis ravi qu'on m'ait épargné la honte de demander à la maman de Tibulle : "Est-ce que ça craint, la sodomie?", "Est-ce qu'on peut acheter du sperme en boîte?" ou de lui avouer "J'ai peur que mon sexe devienne géantissime". Et j'aurais été tout aussi gêné de l'entendre solliciter mon avis éclairé sur des points aussi banals que : "Est-ce dangereux de se doigter quand on a les mains sales?", "Est-on obligé d'éjaculer entre les seins?" ou "Pourquoi les filles mouillent?"
Pitou G.
P.S. : je jure solennellement que je n'ai pas pris part à cette formation dans le but de booster l'audience de ce blog.
8 commentaires:
Dis-moi que c'est une blague ?! Ca existe pour de bon des formations comme ça ? Dans les Cévennes, ils en sont restés à observer le bouc saillir la chèvre !
Ben on voit que, soit vous n'avez pas d'enfants, soit qu'ils sont encore trop petits pour ces questions!!!
Moi, j'ai eu droit à "c'est quoi le plaisir?" par fiston alors âgé de 14 ans; "comment on embrasse avec la langue?" avec ma fille aînée; et enfin, "le présevatif, tu m'apprendras comment on le met?" par la dernière...
Blin-dée! je réponds à tout ce qu'on veut maintenant!
Mais je trouve génial qu'un collège offre ce type de formation!
Ma question est: un(e) élève osera-t-il/elle poser ces questions à un prof avec qui il/elle a d'ordinaire un tout autre rapport ? Sincèrement, tu vois un môme venir te parler de ses éjaculations nocturnes après que tu lui aies rendu une copie ? Ou une gamine te dire qu'elle envisage de participer volontairement à un gang-bang alors qu'elle sait qu'elle t'aura comme prof principal l'année suivante ?
Franchement , on ne te posera pas ce type de questions. Ce type de questions , ils en parlent entre eux ...et comme dit V. à l'ouest , je ne pense pas que l' on te demande, après que tu as rendu les copies si " il faut jouir entre les seins " .
Réellement, ce type de formation , je trouve ça con !( ça n'engage que moi !)
J'ai une réponse que tu peux donner à tes élèves : "allez donc voir Les Beaux Gosses". Tu peux d'ailleurs en profiter pour y aller aussi, si ce n'est déjà fait. Fous rires garantis!
Sinon j'ai envie de dire LOL pour cet article (et particulièrement la fin).
PS : encore désolée pour le loupé d'anniversaire...
joelle=> L'éducation à la sexualité est dans les textes de lois. Et comme il ne s'agit pas de faire n"importe quoi - et surtout pas des dégâts supplémentaires -, ce type de formation est plus qu'utile!
MamyS=> C'est bien d'aborder la sexualité dans son sens le plus large (les questions sur l'acte, on les réserve aux plus grands, sauf si elles viennent d'eux-mêmes), et pas que par les hormones. Ça veut aussi dire parler différence entre les sexes, estimes de soi, vie avec les autres...
VAO=> D'abord, il n'est pas dit que ce soient les élèves que tu as au quotidien que tu encadres dans ce type de séances. Et puisque les questions les plus délicates sont réservées aux 3e, pas de risques qu'ils t'aient l'année d'après.
Ensuite, s'il y a peu de chance qu'on me demande si c'est obligatoire d'éjaculer entre les seins, ça serait beaucoup moins surprenant qu'on me demande "comment ça se fait qu'on est attiré par certaines personnes et pas par d'autres?" avec un fond d'angoisse dans la voix, si tu vois ce que je veux dire...
TAdF=> Non, ce type de formation n'est pas con. Je te renvoie aux commentaires ci-dessus. Oui, ce type de questions ils se les posent entre eux : c'est précisément ce qu'ils doivent faire dans ces séances, sauf que des adultes sont là pour éviter les contre-vérités! Mais sache que partout où ces séances ont été mises en place, elles ont eu des effets bénéfiques.
Taphanie=> C'est quoi Les Beaux Gosses (à par nous, je veux dire)? Pas grave pour l'anniversaire! Poutoux!
Pitous => "Les Beaux Gosses" c'est le film de Riad Sattouf, excellent auteur de BD qui y a beaucoup évoqué son adolescence ingrate. Derrière un pitch d' "American Pie à la française", le film est bien plus fin qu'il n'y paraît, et les acteurs (à part quelques seconds rôles d'ados) sont formidables (je pense notamment à la mère du héros, qui vaut le déplacement à elle toute seule).
Mais comment ai-je bien pu louper cette note il y a un an ??? Je devais être débordée, spa possib' !!!
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