Le blog coruscant et capricant d'un couple de garçons en retour d'exil

lundi 18 janvier 2010

Vis ma vie de Cinderella - 4

Même si le collège Haquenée tombe en ruine, il peut compter sur une institution solide : son journal, primé tous les ans. Le premier numéro de l'année vient d'être publié, avec un peu de retard certes (on se demande bien pourquoi... sans oublier la neige et les avaries électriques), mais il est plus épais que d'habitude. Et surtout, en deux jours, il a déjà explosé tous les records de vente. Son atout suprême : le jeu des profs bébés. Les photos d'une bonne dizaine de collègues figurent en double page avec des indices transparents. C'est bête comme chou, mais ça marche d'enfer. Et devinez un peu qui est le bébé le plus choupi aux yeux de Cinderella Lalouze? C'est trop d'honneur...

Cinderella Lalouze, justement, contribue elle aussi au succès de ce numéro, grâce à un époustouflant portrait chinois (il semble qu'elle ait fini par comprendre en quoi ça consiste). Celle que j'ai tendrement surnommée Gwinnie, en référence à son vrai prénom (qui est aussi, à quelques lettres près, celui d'un paquet de biscuits), et qui ensoleille mes journées quand elle tire derrière elle son caddy orange dans les couloirs du bahut, s'en est, ma foi, assez bien tirée. Toutefois, on ne saurait que trop lui conseiller d'éviter à l'avenir de répondre à la question "si vous étiez un légume, vous seriez?" par ça :


L'autre réponse qui a suscité bien des interrogations concerne le prénom qu'elle a choisi : Anselme. C'est rare, certes, mais il y a tout près d'ici un patelin qui se nomme Saint-Anselme. Et figurez-vous qu'il se trouve que c'est aussi le prénom de sa soeur...
"Je ne savais pas que c'était aussi un prénom féminin" ai-je réagi naïvement. Je n'ai pas compris toute sa réponse, mais le prénom de sa soeur est lié au décès d'un frère aîné. Mais quand même, vu que sa soeur est une fille, Anselme s'écrit avec un "e" à la fin. Je n'ai pas osé lui faire remarquer que pour les hommes, ça s'écrivait de la même façon. De toute façon, à ce moment-là, une collègue que j'adore parce qu'elle ne prend jamais de gants, lui a dit qu'Anselme, c'était quand même pas un prénom portable, surtout pour une fille, et que, tant qu'on y est, ses parents ne l'avaient pas gâtée elle non plus : non mais Cinderella, sans déconner, c'est vraiment pas possible! là-dessus, Follet s'en mêle :
"Oh lala! c'est comme tous ces prénoms typiquement bretons! Il y en a plein qui sont à coucher dehors"
Remarque fort judicieuse, vu que Gwinnie a un nom de Bretonne bretonnante (et qu'elle l'est, comme 80% de la population locale - comment dit-on Anschluß en breton?)

Gwinnie- Cinderella : une recette très originale

Je ne sais pas la suite de l'histoire, parce qu'à ce moment-là Gwinnie s'est tournée vers moi. Sous l'effet de la panique, j'ai prétexté un poney à bouchonner*.

Pitou G.

* J'ai pas trouvé mieux qu'une chute de cheval.

dimanche 17 janvier 2010

Promis jury

Il y a de cela une petite éternité, nos 3eme sont partis en stage d'observation. Vu qu'entre temps la neige, la grippe et la ruine ont passablement perturbé nos cours, on commence à peine à les évaluer à l'oral (rassurez-vous : ce n'est pas noté). Pour rendre le truc un peu solennel, les mômes passent un par un devant un jury de deux adultes. Alors que je leur annonçais l'heure, le lieu de la convocation et le nom des examinateurs, j'entends Vanth pousser un long soupir de soulagement. Je venais pourtant de lui notifier qu'elle passerait devant Mme la Chef. Devant mon regard interrogateur, elle s'explique alors :

" Je préfère passer devant des femmes. Elles sont plus gentilles en général".

Tu m'en diras tant. Devant tant de naïveté, j'écarquille un peu plus les yeux. Vanth, attendrie, ajoute :

"Oh! Mme la Chef, elle est trop mignonne!"

Chez nous, la hiérarchie force le respect.

samedi 16 janvier 2010

Boire la 'tasse

Je ne vous parle pas beaucoup de mes élèves, cette année. Il faut dire qu'il n'y a pas grand chose à en dire, que même Machoman le roi des maracasses (sic) est doté d'un potentiel comique bien décevant. Il y a bien Rodolphe qui, bien que futé, ricane presque tout le temps : son humour hormonal (c'est de l'humourmonal) le fait réagir aux mots "coup de main", "analogue" (hi hi hi) et j'en passe. C'est bien gentil tout ça, mais ça ne fait pas une blognote! Où sont les Grelinda d'antan (aux dernières nouvelles, dans un restaurant où je ne suis pas près de mettre les pieds)?

Il y a toutefois dans une de mes classes d'angelots une créature qui m'a fait un peu peur en tout début d'année. Une collègue m'a par la suite appris - et elle tenait l'information du chef de l'ancien établissement de la jeune fille - qu'elle avait très sévèrement déraillé (mais très très). Cela dit, les mois passés n'ont pas confirmé cette alarmante première impression. Entendons-nous bien : ce n'est pas une bosseuse, ce n'est pas une lady, mais elle n'embête personne et mérite bien qu'on lui laisse sa chance.

De temps en temps, sa grâce innée remonte à la surface. C'est ainsi qu'avant-hier, je l'ai soudain entendue s'exclamer : " 'Tain! "
Je la dévisage en faisant peser tout ce que je peux d'indignation dans mon regard. Elle se met alors à sourire et dit : " C'est bon : j'ai juste dit 'tain". Elle semble toute fière d'avoir à demi filtré la grossièreté.
Je me demande encore pourquoi, moi, je n'ai pas réussi à contenir ma répartie : "Et bien le jour où je te dirai 'tasse, tu comprendras que je ne te propose pas du thé". C'était un truc à provoquer une révolte, ça. Et ben même pas. Ce qu'on peut s'ennuyer, tout de même...

Pitou G.

mardi 12 janvier 2010

Mon coeur soupire,

Parmi mes 5e, j'ai un élève hors norme.
Une perle.
Une fève.

Le pauvre n'a pas beaucoup de chance. Déjà il a un prénom de Dalton (mais il ne s'appelle pas Äverell). - ce qui n'aide pas - et pour de nombreuses raisons personnelles sinistres dans l'ensemble, cherche de toute évidence à attirer l'attention par son comportement.

Imaginez un visage extrêmement mobile, s'agitant d'expressions caricaturales. Imaginez une démarche, des gestes théâtraux.

Ajoutez une voix étrange, qui vire souvent dans les aigus. Voilà, c'est Joëy. Mais comme il est un peu dyslexique, il prononce "Tchoëy".

Il parle de lui à la troisième personne. Comme Dobby.

Et l'on ne sait jamais ce qu'il va dire/faire/écrire.
Au début, je l'ai beaucoup repris, grondé, puni. Mais en vain. Le fourbe - ou l'innocent - j'hésite encore - jure ses grands dieux qu'il a compris et qu'on ne l'y reprendra plus. Et d'ailleurs, il fait des efforts, mais c'est plus fort que lui, son ingénuité et son sens du show le reprennent toujours.

Quelques brèves (et l'écrit ne rend pas toute la puissance du spectacle vivant, croyez-moi):
- Pour les erreurs d'orthographe, j'ai tracé de petits bâtons sur vos copies.
- C'est quoi un bâton?

Au cours d'une leçon de vocabulaire sur la composition des mots:
- Mais alors, Choëy, il a un suffixe?

Lisant une phrase, il remplace "déménageur" par "démangeur". Je le corrige et il sort:
- Ah oui, c'est un gitan, un déménageur, quoi... Mais j'en ai dans ma famille alors respect!"

Au milieu de rien:
- C'est qui qui a inventé le français? C'est vous?
Plusieurs élèves:
- Charlemagne!
- Napoléon!
- Non c'est toi Choëy!
- Mais non, ils sont morts! Et moi j'étais pas né.

-Reprenons donc le présent de l'indicatif.
- C'est qui?

Dans une séquence sur les récits de chevalerie, j'ai donné à apprendre deux strophes d'une poésie De Bernard De Ventadour, "Mon coeur soupire..."
Choëy m'a donné bien des occasions de soupirer.
La première fois, il n'arrivait pas à garder son sérieux, pouffait puis fustigeait ses camarades évidemment déridés par ses grimaces clownesques.
- Attendez , Monsieur, c'est l'émotion, y a trop de pression! a-t-il conclu alors que je le renvoyai à sa place.
Hier, Choëy avait une belle écharpe violette, avec laquelle il ne cessait de jouer. Avant de quitter sa place, il l'installe sur sa chaise et, lui faisant un signe de l'index, dit: "Pas bouger!"
Pour ne pas se déconcentrer, il s'est placé face au tableau. Las... cela ne l'a pas empêché de se retourner pour réclamer du calme et invectiver Séraphin, pourtant retourné pour ne pas céder au fou rire:
- Ça suffit Séraphin, tu te calmes! Choëy, y peut pas réciter!
Il a finalement pu réciter, cahin caha. Il maîtrisait presque le texte, au moins la première strophe. A la fin du poème, un blanc.
(à voix basse)
- Comment il s'appelle?...
(plus bas)
- Jean-Claude?
Comment ne pas pleurer... de rire ou de désespoir? De retour à sa place, il empoigne son écharpe et me propose:
- Je peux le faire avec ça? (il la met sur ses yeux)
- Tu veux réciter le poème les yeux bandés?
- Choëy peut?
- Non.
Aujourd'hui, pour son troisième passage, il était plus motivé que jamais, avant même de rentrer en classe. Je l'ai tout de même fait patienter, préférant laisser à ses camarades une chance de passer dans le calme. Et là, le Miracle a eu lieu. Face à la classe silencieuse, Choëy a récité parfaitement. Grisé par la situation, il oublie juste les deux derniers vers. Ses camarades applaudissent - personne n'a noté l'oubli. Grand prince, je lui demande de recommencer la deuxième strophe. Il s'exécute, sans accroc, et au moment d'énoncer le nom du poète:
- Vernard de Bentatour


De bonne foi, sans tromperie,
J'aime la plus belle et meilleure.
Mon coeur soupire, mes yeux pleurent,
De trop l'aimer pour mon malheur.
Mais qu'y puis-je si l'amour m'a pris,
Si la prison où il m'a mis
A pour seule clé la merci
Qu'en elle je ne trouve point?

Cet amour me blesse le coeur
D'une saveur si gente et douce
Que si cent fois par jour je meurs
Cent fois la joie me ressuscite.
C'est un mal de si beau semblant
Que je le préfère à tout bien,
Et puisque le mal m'est si doux,
Quel bien pour moi après la peine!

Bernard de Ventadour
Pitou Ventadour

lundi 11 janvier 2010

Relativisme

La neige, en limitant notre vie professionnelle, a boosté notre vie sociale. Invitations impromptues, données ou reçues, nous ont mis à table avec les Vénitiens ou les YoungParents - C'est moi qui ai eu la fève Dora (mais c'est YoungFather qui avait, greffée sur le ventre et suspendu à son doigt, une grosse fève de trois semaines). Ce fut l'occasion de rappeler des conversations de juin 2009, dans le but de prouver que chacun voit midi à sa porte. Je vous laisse le soin de deviner à chaque fois qui est YF et qui est Pitou G.

- Elle est comment, la nouvelle prof d'allemand?
- Elle a l'air sympa.
- Oui, d'accord, mais elle est comment?
- Ah! C'est une description que tu veux? Elle est jeune. Je crois.
- Mais encore?
- Blonde, ouais, blonde.
- Ouais. Il ne me reste plus qu'à attendre la rentrée pour savoir...

*

- Oh la la! J'ai croisé une troupe de filles de quatrième qui revenaient du rez-de-chaussée. Elles avaient l'air excitées comme c'est pas permis.
- Du rez-de-chaussée, tu dis? Des salles de science, quoi! Tu m'étonnes qu'elles étaient électrisées! Elles devaient sortir du cours de Bombinou! On le serait à moins...
- Bombinou? C'est qui, ça?
- Ben si, Bombinou, quoi! Tu l'as déjà rencontré, souviens-toi!
- Ah! Et tu le trouves bien, toi?
- Tant qu'il se tait, plutôt, oui!
- Je ne me rends pas compte de ce genre de choses.

Las! Si la collègue d'allemand est toujours jeune et blonde, Bombinou n'est plus des nôtres... Qui a dit que ce monde était équitable?

dimanche 10 janvier 2010

Bonne fête Pitou G.

Ma fête, officiellement, c'est aujourd'hui (elle vous l'a pas dit, Evelyne Dhéliat, que c'était la Saint Pitou?) Mais comme rien ne me résiste, j'ai eu mon cadeau deux jours à l'avance.

J'étais très ordinairement collé au radiateur, grelottant sous une polaire, un poêle à croquette posé sur les genoux. Je rêvassais à voix haute, évoquant avec nostalgie le souvenir de la bouillotte que Péopéo avait remplie pour moi le 30 décembre au soir, quand j'avais fait mon S.G.H.* - je vous recommande chaudement d'aller rendre visite à des amis quand vous êtes malades, si vous avez envie d'être cajolés.
Soudain, je vois mon homme bondir comme un génie sortant de sa lampe, s'envoler vers les sphères supérieures de la maison et en rapporter :

Tu peux cliquer sur mon coeur, si tu veux, mais pas trop fort

Onze ans de vie commune, ça a ses petits avantages, non? Il suffit de trouver le bon!

Pitou G.

* Syndrome Grippal Hystérique : maux de tête, courbatures et frissonnements intenses n'excédant pas 12 heures. J'avais déjà fait ça à la Toussaint : je décompense pendant mes vacances.

samedi 9 janvier 2010

2010?


"Tiens, j'ai un blog!"

À chaque fois que j'ouvre mon navigateur Internet et que la page d'accueil me mène sur Montdepitous, c'est presque une surprise. Et pourtant, j'en passe du temps sur le Ternet, à faire je ne sais quoi, à jouer à Goobox sur Fesse-bouc (la Fée glamour qui vous souhaite une bonne année ci-contre vient de là-bas), à travailler. Malgré quelques ébauches d'articles et divers avant-avant-projets, en dépit, même, de situations hautement bloggesques (je me suis inscrit dans une salle de sport : ça aurait de quoi inspirer une série de billets cocasses), je ne trouve pas les ressources nécessaires pour pondre de nouveaux messages.

La trêve des confiseurs, si elle ne porte pas, à court ou moyen terme, un coup fatal au blog , l'aura au moins considérablement ralenti. Dans un premier temps, j'ai pris la chute de fréquentation avec philosophie : je suis un vieux de la vieille et je sais qu'à Noël, qu'on écrive ou pas, il y a bien peu de mouvement sur la blogosphère. Seulement, je me suis accoutumé à cette oisiveté, même si j'ai du mal à composer avec un fond de culpabilité. Pas envers nos quelques fidèles lecteurs, bien évidemment : je n'ai pas la prétention de contribuer de façon significative à votre bien-être! Si je m'en veux, c'est parce que je ne suis pas foutu de mener à bien une écriture suivie (et c'est grande pitié, parce que c'est encore le truc que je fais le mieux). Je suis à deux doigts de changer ma page d'accueil parce que j'en ai marre que la bannière du site m'assaille de reproches à chaque connexion (honnêtement, je ne sais pas pour vous, mais moi je ne peux plus la voir, cette bannière). Inutile de vous dire que je n'ose même plus aller consulter les statistiques du site.

À chaque changement d'année, je me dis qu'il n'y a pas de raison que la nouvelle diffère beaucoup de la précédente. Pourquoi la nuit de la St Sylvestre devrait-elle entraîner une révolution? Et pourtant, si je regarde le blog, 2010 commence de façon diamétralement opposée à 2009 (voir janvier 2009, ses 28 articles et son enthousiasme débordant).

Je retravaillerai les articles qui sont sur le métier. Pour la suite, je ne sais pas...

Que 2010 favorise tous vos projets, surtout ceux de la vraie vie!

Poutous de Pitou G.