Le blog coruscant et capricant d'un couple de garçons en retour d'exil

mardi 23 août 2011

Les bouquins mystérieux

“J’ai des bouquins sur la région à vous prêter”

Cette phrase, Pitou V se souvient, tout comme moi, de l’avoir entendue. Mais qui peut bien l’avoir prononcée? Ça n’aurait pas grande importance si nous n’avions pas retrouvé un beau jour un tas de bouquins devant notre porte; sans petit mot, bien sûr, c’est plus drôle.
Merci donc à l’inconnu qui nous a prêté :

  • Un dico amoureux sur notre bonne ville de Pitoutown, écrit - si j’en crois la dédicace, par le grand-père d’une élève. Nous l’avons feuilleté avec plaisir.
  • Hrólf le Vagabond, un roman à base de Vikings que je n’ai pas eu le courage d’ouvrir. Conan au pays des vaches, ça se jouera sans moi, merci bien. C’est bon, parfois, d’être arbitraire.
  • Un Roi sans lendemain de Chris Donner. Officiellement, le personnage central de ce roman est Louis XVII. Mais, comme s’en amuse Donner lui-même, son livre a un côté foutraque. Il parle autant, si ce n’est plus, des états d'âme d’un double littéraire de l’auteur (pas besoin d’être sorcier pour deviner de quel nom Nordern est l’anagramme), en lice pour écrire un scénario, et surtout d’une figure historique locale : Jacques-René Hébert, auterur du Père Duchesne, journal satirique qui a réclamé tête sur tête sous la Terreur. Il y a des villes qui s’enorgueillissent d’avoir donné le jour à Victor Hugo, Voltaire ou Louis Pasteur. Pitoutown peut se targuer d’être la ville natale de Jean-Marc Sylvestre, Daniel Balavoine et d'un fanatique de la guillotine. Cool. Dans la bouche de Henri Nordern, notre ville a tout l’air d’un lieu franchement exotique : "C'est joli, tu vas voir, il y a des pâtisseries, une église, deux églises. On arrivera pour déjeuner. Il y a un bon restaurant avec des escalopes à la crème. Tu aimes ça, les escalopes à la crème?" ou encore "J'allais en vacances à [Pitoutown] quand j'étais petit. Après, j'ai arrêté d'y aller parce qu'il faisait trop froid. Même en été, tu verras, ça caille..." Je suis sûr que ces alléchantes descriptions vous ont donné envie de venir nous rendre une petite visite; n'hésitez pas! En fait, Un Roi sans Lendemain n’est pas un roman historique; à vrai dire, ce n’est pas vraiment en roman non plus... Reste qu’il nous a plu, malgré quelques aberrations syntaxiques (nous aimons assez quand les phrases tiennent debout, faut pas nous en vouloir).

Pitoutown semble être à la mode dans le monde de l’édition*, puisque je suis en train de lire Aesculapius, premier tome d’une trilogie historico-policière d’Andrea Japp. Il y a de quoi frissonner quand on sait que le père de l’héroïne a été trahi à cent mètres de chez nous, brrrrrrrrr (ceci est un frisson), par un abracadabrant évêque de Pitoutown (il n’y a jamais eu, à ma connaissance, d’évêque à Pitoutown - et wikipédia est d'accord avec moi).


Si vous connaissez d’autres livres sur Pitoutown - ou mieux, les gens qui nous ont prêté ceux-là -, vous pouvez vous faire connaître.

Pitou G.

*Un scrupule tardif m’oblige ici à rappeler que Pitoutown est aussi la ville de l’imprimeur et ami de Baudelaire qui a publié Les Fleurs du Mal. Ça rachète Hébert? Hébert, peut-être, mais sainte Thérèse?

dimanche 21 août 2011

Auto-stop

Au cours de ma vie d’automobiliste, je n’ai ouvert ma voiture qu’une seule fois à un auto-stoppeur, du temps où je sillonnais l’Amiénie. Ça m’avait un peu ennuyé, du reste, parce que le jeune homme n’avait pas une conversation passionnante et que j’avais sacrifié pour elle l’écoute d’une compilation maison (pas question de partager mes kitscheries avec un inconnu : il en allait de ma dignité et de sa santé mentale). La semaine suivante, le même pélerin agitait le pouce au même endroit; j’ai tracé ma route et ne l’ai plus jamais revu. Peau de vache? Oui, un peu.

Mon homme, qui ne s’était jamais livré à cette expérience, a plusieurs fois évoqué la possibilité de secourir les intrépides auto-stoppeurs que nous croisions. À chaque fois, je l’en dissuadais : soit qu’ils voyageassent à deux avec d’énormes sacs (maintenant que nous avons un vrai coffre, nous avons pris l’habitude de le remplir avec nos propres affaires, merci!), soit qu’ils offrissent toutes les apparences d’une hygiène déficiente (pas de gens sales, pas de gens moches).

Je n’ai trouvé aucun prétexte pour refuser de prendre le jeune homme qui attendait, sous la pluie, devant l’entrée de l’autoroute, au départ de notre ville. Il voyageait très léger et désirait, à en croire son carton, se rendre à 24Hcity. C’était sur notre route; c’était à une demi-heure. Entre donc, mon garçon!
Ma première précaution fut, bien sûr, d’éteindre le CD en route, une compil maison (encore une!), non que j’eusse honte de la chanson en cours (Pierre Lapointe, claaaaasse!) ou de la suivante (Numéro, juste ce qu’il faut de décalé), mais j’assume beaucoup plus difficilement (surtout à jeûn) en public David Charvet ou Paris Hilton, deux autres perles du CD.
Du coup, le début du voyage s’est déroulé dans un silence un peu embarrassant, sans musique ni mot doux, sans rien d’un tant soit peu personnel. Ça a duré un peu plus longtemps que prévu puisque la destination finale du jeune homme était en fait Guilitticity (sur notre route aussi, mais une heure plus loin). Après un voyage plutôt morne (la pluie n’aidait pas) et une conversation réduite au strict nécessaire, nous avons déposé notre invité.

_ Il me fait penser à mon cousin, remarqua V. en regardant le garçon s’éloigner.
_ Il me fait plutôt penser à Catul. Vu que c’est lui.

La coïncidence vous semblera énorme : Catul réapparaît au moment où son souvenir vient de resurgir. Enorme et véridique : de tous les aspirants à l’auto-stop, il a fallu que nous tombions sur un ancien élève, et pas n’importe lequel.
Je ne l’avais pas reconnu tout de suite, avec ses cheveux longs, son fin collier de barbe et sa nouvelle stature. C’est sa voix qui m’a soudain révélé l’évidence, sa voix et sa destination - où, je le savais, sa famille possède une résidence secondaire. J’ai résisté à la tentation de me retourner pour le dévisager (le rétroviseur ne m’était d’aucun secours : il paraît que ça ne sert pas à ça) et essayé en vain d’effacer mon sourire énigmatique. De temps en temps, je me disais que mon imagination s’emballait : ça m’arrive souvent de reconnaître faussement des gens (tenez, pas plus tard que tout à l’heure, j’ai sursauté à la vue d’un sosie de notre copine MAB, qui n’avait aucune raison de faire du shopping en Auvergne).
Tout surhomme qu’il est, V. a eu besoin de faire une pause (sa cryptonite à lui, c’est une petite vessie). Pour vous dire la vérité, j’avais aussi une légère envie de double-pi, mais, honte de grosse bourgeasse, je ne voulais pas laisser à l’auto-stoppeur dans l’incommodité d’être privé de compagnie le loisir de tout saccager. Je suis donc resté assis. Penaud d’avoir été si peu loquace, j’ai profité d’une faille dans le triangle (qui n’était pas la situation de communication idéale) pour débiter une platitude, avec sans doute en arrière pensée le désir de vérifier mon hypothèse sur son identité :
“Vous n’avez pas trop attendu au péage, tout à l’heure? (il était temps de m’en inquiéter - surtout avec cette voix chevrotante!)
_ Vous n’êtes pas obligé de me tutoyer. Euh! de me vouvoyer!

Le lapsus était révélateur de sa propre gêne. Sa phrase ne laissait planer de doute ni sur son identité, ni sur le fait qu’il m’avait reconnu. Sitôt échangées les banalités d’usage (“prêt pour la terminale?”), mon homme revenait. La portion de route restante fut tout aussi silencieuse, mais moins pesante.

On pourrait croire que notre carrière de transporteurs s'arrêterait là. Sur le chemin du retour, nous avons pourtant récidivé, sur une vingtaine de kilomètres. Aucun ancien élève n'a été maltraité ce jour-là.

Pitou G.

samedi 20 août 2011

Vingt toute

Et on souhaite un joyeux anniversaire à mon homme, siouplaît!

Pitou G.

vendredi 19 août 2011

Citation

Lettre de Flaubert à Jules Duplan, 24 septembre 1861

“Eh bien, mon cher bon vieux, ta sacrée boutique de merde de tonnerre de Dieu t’encule-t-elle un peu moins? (Voilà ce qui s’appelle un début de lettre à la Sévigné)”

jeudi 18 août 2011

Campanile

Stentor est bien un gars du Nord. Pris en flagrant délit d’ignorance, il en rit encore.

Il avait trente ans lorsqu’il a passé des vacances en Croatie. Il avait sympathisé avec un groupe de touristes français qu’il croisait de temps à autre. Un jour, en début d’après-midi, ceux-ci le saluèrent avec enthousiasme :
“On vient de se faire un campanile, c’était génial!
_ Comme quoi, on est tous les mêmes : moi, je suis en quête d’un Mac Do!”

Les gens l’ont regardé avec un sourire gêné. Je ne suis pas sûr qu’il les ai revus par la suite... Eh, Stentor, dans l’Europe du Sud, un campanile, c’est ça :

Croyez-le ou non, mais dans le campanile de Split, il n'y a ni lits, ni grillades!

un édifice que tu serais tenté d’appeler beffroi, toi le nordiste.
À sa décharge, l’expression “se faire un campanile” est assez ambiguë. Mais, après tout, on trouve bien des gens qui ont fait le Maroc ou le Mexique en y restant une semaine ou deux...

Pitou G.

mardi 16 août 2011

Lettre à Stu

Stuartounet,

nous espérons que tu passes de bonnes vacances chez grand-mamie et que tu ne la fais pas trop tourner en bourrique. Nous sommes très contents que tu aies retrouvé l’appétit et que tu oses enfin te promener librement dans la maison - nous pouvons bien te le dire, maintenant : quand nous t’avons laissé là-bas, nous étions un peu inquiets, surtout quand tu as fait pipi sur notre linge sale.

Mamie nous a dit au téléphone que tu étais adorable et que tu mettais de la vie dans la maison. Mais, s’il te plaît mon chaton, refrène un peu tes instincts et arrête de lui chiper sa mortadelle (ce que grand-mamie appelle ses rondelles, tu vois de quoi je parle?) ou de lui réclamer du poisson : tu sais bien que le phosphore n’est pas bon pour tes reins! Je sais que, selon la croyance populaire, ça renforce l’intelligence, mais tu es bien assez malin comme ça. Laisse donc le phospore à Calim’ : il en a plus besoin que toi - si seulement ça pouvait lui apprendre à pousser les portes. C’est fini, les chat-prices!

Ces chapardages ne sont pas bien graves. Nous sommes très fiers de toi : tu as réussi là où tous les autres ont échoué. En snobant les affreuses peluches qui encombrent son lit, tu as convaincu grand-mamie de les ranger!
Nous revenons bientôt te chercher. Gros bisous sur le museau.

Tes papattas.

dimanche 14 août 2011

Peau de zob

“Oiseau qui cajole”...
Ces mots fléchés ne sont pas très difficiles; d’ailleurs je les ai presque finis. Quelques cases résistent encore, pourtant. “Oiseau qui cajole”... Quatre lettres dont un E et un I. Le geai se poserait bien sur cette grille. Après vérification (merci l’I-pad de papa), le geai jase (sauf le geai gélatineux d'Obaldia qui geint dans le jasmin, mais il ne m’est pas d’un grand secours). Quel diable d’oiseau peut bien cajoler?

L’I-papad peut encore m’aider : la liste des candidats de quatre lettres au E et I bien placés est assez courte. Le seul volatile que j’y vois est le geai. Non, attendez, il y a un mot que je ne connais pas, un mot qui a une allure de nom d’oiseau! Je le vois déjà s’envoler d’une branche de manguier en Nouvelle-Zélande, avec ses grandes plumes bleu et argent. Ouais, encore faudrait-il qu’il y ait des manguiers en Nouvelle-Zélande. Avec la fraîcheur de l’innocence, je demande alors à l’assistance :
“C’est quoi, un zébi?
Ma mère et V. me regardent d’un air amusé. Je baisse les yeux sur l’écran de l’I-papad qui m’apprend : Vulg. pénis Var. zeb, zebbi.
Zut de zut, le zeb, c’est le zob! Remarquez, c’est un drôle d’oiseau... Et si je cherche encore ses longues pennes d’argent, on peut bien dire qu’il cajole! Moi qui désespérais de trouver dans ces mots fléchés une définition un peu astucieuse, me voilà servi!

Pitou G.

Après résolution complète de la grille et à moins que bérée soit un synonyme de dégagée, l’oiseau qui cajole est bien le geai, n’en déplaise à Obaldia.

mardi 9 août 2011

Sérénade

À la toute fin de juin, il règne dans les rues une décontraction enjouée. Même à 22H00 - l’horaire fera sourire les habitants de vraies villes - on entend encore brailler dans nos rues notre belle jeunesse normande délivrée (pas forcément officiellement) de ses obligations scolaires. D’habitude, on râle un peu pour la forme mais on n'y accorde pas trop d’attention. Il faut dire qu’on habite à deux pas du Fiesta Cubana : on s’est un peu accoutumés aux poivrots criailleurs (hélas, plutôt cri-ici).

Je ne sais pas trop pourquoi ce groupe de jeunes m’a intrigué, mais j’ai risqué un regard à travers les persiennes au moment où l’un d’entre eux, en passant devant chez nous, a beuglé mon nom d’un air (faussement?) dépité, avant d’ajouter : “Salaud, Pitou V. : tu m’as piqué mon mec”. Et un de ses camarades de conclure d’un fataliste “Ah, les pédés!”, sans qu’on sache trop s’il parlait de nous ou cherchait à excuser la conduite de son ami (style : “Ah (soupir) les pédés sont d’incurables romantiques qui hurlent au clair de la lune leurs déconvenues amoureuses").

Bien sûr, ce n’est pas très agréable d’entendre crier son nom sur la voie publique, surtout dans ces conditions. Mais je ne saurais vous dire si j’ai ressenti plus de gêne que d’amusement. Je ne peux pas dire que j’aie été indifférent, puisque j’ai assurément ressenti quelque chose. Quoi, au juste? Je me suis senti une grande indulgence pour cette moquerie facile d’un ancien élève non identifié (Catul?) - c’est bête, je venais d’enlever mes lentilles. Grand naïf, je me dis qu’on ne trouve pas l’audace de se donner en spectacle, même par jeu, sans aucune sincérité; ne serait-ce que parce que cette idée saugrenue lui a traversé l’esprit. Je ne dis pas que ce garçon ait exprimé un authentique dépit amoureux. Qu’il ait été jaloux de voir que d’autres vivent sans se conformer à un modèle dominant dont il ne parvient pas encore, lui, à se libérer, c’est en revanche bien possible. Toute hostilité ostensible dissimule mal les tensions qui agitent l’individu. Je ne prétends pas que tous les homophobes soient des homos refoulés, mais ceux que l’on entend le sont, c’est fort probable- sauf peut-être les fanatiques persuadés d’incarner une autorité morale.
Finalement, c’est une vague de sympathie que j’ai ressentie pour ce garçon qui finira, je l’espère pour lui, par vivre sa vie.

Pitou G.

dimanche 7 août 2011

Stentor tueux

Je vous avais promis une petite sélection des grivoiseries made in Stentor? Le Pitou est un homme de parole.

En TransRhénanie, nous avons visité une sorte de cité de la science proposant aux visiteurs de petites expériences plus ou moins scientifiques : simulateurs de séisme, de sous-marins, générateur de micro-tornades, caméra thermique et, parmi tant de merveilles, un appareil permettant de tester la pression atmosphérique. "Faut pomper?" Oui, Stentor, et tout est dans le poignet.

Voici Stentor en plein effort. Appréciez au passage le style tout @did@s. Mon collègue a bâti sa réputation sur la coordination de ses vêtements et accessoires. Quand je pense qu'il me devance sur le fashionpodium, d'après les sondages effectués auprès des bambins, ça me dépasse (il paraît que j'ai des problèmes de chaussures - problèmes que mon cordonnier me fait chèrement payer )...

Si vous pouviez voir à travers le petit hublot, vous verriez un petit canard qui s'écrase à mesure qu'on actionne le piston; lequel résiste de plus en plus ou, comme l'a gracieusement résumé Stentor :
"Plus on pompe, plus c'est dur"

Mais sa plus belle saillie eut lieu en comparant le contenu de non rien nos sacs à pique-nique. La pomme qu'il venait de mordre, trop astringente, avait irrité ses gencives et, plein de sollicitude, il s'inquiéta de mon sort, avec dans l'oeil un éclat complice et gaulois :
" Et la tienne, ça va? Elle est... pas trop dure?"

Toute la sensualité réside dans l'attente et le rythme. Stentor est le roi du tempo.

Il y en aurait bien d'autres, mais je n'ai pas eu la judicieuse idée de les compiler avant que l'oubli ne s'en empare. Notez que Stentor, nouveau Midas sans les oreilles d'âne - pour le reste, je ne sais pas -, contamine tout ce qu'il touche. Hélas, c'est en pépites de paillardise et non en paillettes d'or qu'il transforme les objets. Il a ainsi sublimé jusqu'à ses copies de brevet (on n'est jamais en peine de brèves de brevet*, quoique ce millésime se soit révélé décevant). Invité à relever un complément circonstanciel de manière et à en éclairer le sens, un candidat a répondu :
"Le C.C. est "caressait"; le sens est qu'il se touche."

Un autre nous apprend qu'un personnage "s'était mis au troupeau d'éléphants" (il a bien du courage). Dans une rédaction, un dernier révèle : "Mon frère Alexis voulait tenter la chose". Bref, que des horribilités, comme je l'ai moi-même lu par ailleurs. Mais où s'arrêtera l'obscène influence de Stentor?

Pitou G.

*Relevez l'art du narrateur qui parvient en catimini à fusionner deux articles.

vendredi 5 août 2011

Saby Birthday

Aujourd'hui, c'est Saby Bithday, c'est Bananiversaire! La dernière fois que nous l'avons vue, elle était en grande forme. Elle s'apprête, avec son Zébulon, à investir leur future maison. Dans quelques semaines, nous pourrons donc disposer d'une vraie chambre d'amis. Pour l'heure, nous devons nous contenter du clic clac.
Dormir avec mon homme dans un clic clac, c'est un peu comme forcer Cléopâtre à prendre des bains de purin : ce n'est pas agréable pour lui, mais c'est encore pire pour ceux qui l'entourent. Dans le but de rendre l'accueil plus moëlleux, V. laisse sous le drap la housse du clic clac. Ça a surtout pour effet de me faire crever de chaud, moi le toujours frileux. Vous connaissez sans doute le problème : avec la couette, c'est l'étuve; sans, c'est la banquise. Tandis que je somnolais, mon homme ne dormait pas du tout. Je l'entendais se retourner dans tous les sens. On avait pourtant fait en sorte d'éloigner nos têtes de la boîte à Ternet (les ondes, c'est pas Feng Shui), en les posant là où l'on mettait habituellement nos charmants petons.
Ultime raffinement anti-dodo, Trotinette, l'une des tigresses de la maison, a élu domicile sur mes chevilles (en ignorant superbement la non fengshuitude de la boîte à Ternet). Pour achever de me réveiller totalement, Saby Banana a choisi ce moment pour lancer une de ses nombreuses expéditions de pipi nocturne. Vu la disposition de l'appartement, elle n'avait pas moyen d'éviter notre chambre improvisée.
Rendons-lui cet hommage : elle ne s'est cognée à aucun meuble et, si nous n'avions pas été réveillés, je n'aurais sans doute pas ouvert un oeil (preuve en est que je n'ai pas été dérangé lors des onze autres pauses pipi). Sauf peut-être lorsque, croyant caresser Trotinette*, elle a passé sa main dans mes cheveux, en me susurrant des mots doux. À l'autre bout du clic clac, la chatte a levé sa petite tête intriguée en même temps que mon homme et moi, et Saby Banana est repartie en éclatant de rire et de honte.
Saby Banana ne nourrit pas pour moi de passion secrète, mais elle nourrit sa passion de croquettes.

Pitou G.

*Vous comprendrez sans mon aide pourquoi je ne peux pas utiliser de substitut nominal.

jeudi 4 août 2011

Stentor et à travers

Si j'ai accepté d'accompagner une quarantaine de gentils petits démons en TransRhénanie, c'est que c'était une occasion en or de mieux connaître le riant D1kerquois que, pour une raison qui a son importance dans le récit suivant (mais surtout parce que c'est plus court), nous appellerons désormais Stentor. Je ne m'y étais pas trompé : une nuit entière de bus côte à côte, ça vaut bien une année entière de parlotte à la cantine. Et puis discuter tassés dans nos sièges, condamnés à nous faire du pied des heures durant, faute de place, ça a tout de suite beaucoup plus de gueule.

Evidemment, il a bien fallu interrompre de temps à autre notre brillante conversation pour piquer un roupillon faire un peu la police au fond du car. Il existe en effet une loi non écrite, bien antérieure au code civil ou à la loi du talion, qui veut que les trublions occupent toujours la dernière rangée. En l'occurrence, le roi des orchidoclastes, c'était Casimir, qu'il fallait museler toutes les vingt minutes; rien de très méchant - mais Casimir est doté d'une voix très irritante (assortie d'un air bêta franchement tête à claques, mais ceci est une autre histoire). Certains de ses petits camarades avaient formé l'extravagant projet de dormir dès une heure du matin. À nous de veiller à leur tranquillité!

En fait de discussion, j'ai surtout souvenir d'avoir gavé mon acolyte en tentant d'évacuer mon appréhension - mes neufs ans d'allemand remontent au Jurassique et je devais passer la semaine dans une famille non francophone (le premier qui me dit : "tu n'avais qu'à parler anglais" s'expose aux sévices les plus abjects) - et d'avoir parlé pédagoguie. Je ne me rappelle pas trop ce qu'il m'a dit, mais il me l'a dit très fort. À bien y réfléchir, j'ai sans doute moins appris sur le compte de Stentor cette nuit-là que lors d'un spectaculaire shopping, où je l'ai vu tripler le PIB de la TransRhénanie en dévalisant des magasins de vêtements et de denrées alimentaires. En parlant d'aliments, nous n'étions pas bien loin du foyer de l'Escherichia coli, c'est grand miracle que nous soyons encore en vie. Nous avons ramené tout le monde en grande joie et en (presque) grande forme.

C'est bien après notre retour que la petite Tempérance, alors qu'elle écrivait un article sur le voyage, s'est confiée à N., une autre accompagnatrice : "Si je n'ai pas pu dormir dans le car, ce n'est pas à cause de Casimir! Monsieur Stentor n'arrêtait pas de parler! Le pauvre monsieur Pitou G. avait l'air d'être soulé de paroles".

Rassurez-vous : même si mes souvenirs sont flous, je n'en étais pas au stade de l'ivresse; à côté de Stentor, j'avais besoin de garder mon self-control, surtout devant un public mineur. Mais c'est vrai que j'étais un peu gêné par son volume (sonore), d'autant que, comme moi, il a tendance à orner son discours d'allusions grivoises. Je vous en ai mis de côté pour un prochain article.

Pitou G.

mardi 2 août 2011

Le beau mariage

Il y a trois ans, au restau lors d’une soirée en amoureux, s’est posée urgemment la question des témoins à notre mariage. Nous n’avons pas droit de nous marier? Un détail! Ce sont nos plus vieux vieilles amies qui s’y colleraient : Taphanie pour mon homme et Saby Banana pour ma goule. Pour leur tenue d’apparat, on hésite encore entre une jupette de majorette ou une crinoline bien bouffante. Vert pomme.

Soit que le menu nous ait posé problème, soit que nous n’ayons pas eu droit de nous marier (un tout petit contretemps), notre grand projet en est resté là. Mais 2012 arrive avec son lot d’espérances - comme l’a dit le monsieur qui a fait son laïus sur le “parcours citoyen” à mes élèves : “l’année prochaine, on change de président!”, le lapsus n’ayant fait rire que les adultes : le neurone de l’adolescent semblait assez peu réceptif ou déjà acquis à la non réélection de N.S. Un peu d’optimisme : le lapsus est peut-être bien un présage, auquel cas N.S. n’aura plus que ses yeux pour pleurer et ses deux mains pour pouponner, pendant que vos Pitous convoleront en justes noces. Quand on y pense, parmi tous nos amis, nos formons le couple le plus ancien; à l’exception de Veinarde et Bombasse, mais ce ne sont pas vraiment des amis.

Du coup, on a ressorti la jupette de majorette (ou la crinoline) de nos témouines de la naphtaline. Et nous travaillons activement à la liste des invités. C’est là que les problèmes commencent.

Pitou G. : Tu crois qu’on peut demander à ton père de venir sans sa grognasse?
Pitou V. : On ne peut pas ne pas inviter nos cousins. Ça me saoule!
Pitou G. : Pas tout nos cousins, rassure-toi!
Pitou V. : Le souci, quand on se marie à nos âges, c’est que tout le monde est en couple. J’ai pas envie de doubler ma liste, moi! Le mariage de ta cousine A est toujours prévu pour l’an prochain?
Pitou G. : On va attendre d’être officiellement invités avant de la prévoir, si tu veux...
Pitou V. Et puis il faut encore ajouter C et JL, leurs deux fils, leur future bru...
Pitou G. Et les G., leur fille, son copain... On en est à combien, là?
Pitou V. : Bon avec toute la famille, ça fait 45 adultes, 47 avec nous, disons 50, parce que c’est sûr qu’on a oublié du monde. Les gosses, ça compte pas, ça graille pas grand chose.De toute façon, il faut inviter tout le monde, en espérant que certains ne viennent pas.
Pitou G. :: On passe aux amis, maintenant?
Pitou V. : Pour les amis, c’est très simple : c’est l’équivalant d’une fête de l’été. Cette année, on était quarante. Zut, il y a plus de famille que d’amis! Bonjour l’ambiance!
Pitou G. : Si tu veux, on peut inviter des collègues pour rééquilibrer.
Pitou V. : Le problème avec les collègues, c’est que tu ne sais pas où t’arrêter : pourquoi lui et pas un autre?
Pitou G. : Mais parce qu’il est plus mignon, voyons! De toute façon, les collègues n’habitent pas loin : on peut se contenter de les inviter au vin d’honneur.
Pitou V., avec une moue : Vin d’honneur... Je n’aime pas cette expression. On pourrait appeler ça Collation nuptiale ou Goûter champêtre!
Pitou G. suurenchérant sur la moue : Mais bien sûr! On pourrait dérouler une pelouse synthétique et y planter, de-ci de-là, quelques pâquerettes factices! Et on prendrait tous un accent snobinard à la con, top classe!
Pitou V. : Bon, on réfléchira à un autre nom plus tard. En gros, c’est un mariage à cent personnes. Faisable. L’avantage, c’est qu’on va faire des économies sur la robe de mariée.
Pitou G. : On a la mairie, on a le maire... Il faut encore choisir le lieu de la fête - rien de moins qu’un château, bien sûr.
Pitou V. : Et le menu.
Pitou G. : Oh mon dieu, le menu! Une liste de mariage?
Pitou V. : Pour quoi faire? Le Limoges est déjà presque complet!
Pitou G. : Pas de cagnotte pour un voyage de noces (voyager, c’est surfait) ou pour la maison (on l’a déjà). Purée, ça craint trop de se marier à trente ans! Ça va se terminer en participation aux frais...
Pitou V. : On veut bien des sous, mais on n’a pas de projet.
Pitou G. : D’ici à 2013, on a le temps d’en avoir!

Evidemment, ce serait plus simple si l’autre était réélu. Mais faut pas déconner.

Pitou G.