Le blog coruscant et capricant d'un couple de garçons en retour d'exil

lundi 31 mars 2008

Exercice de démocratie

Être professeur principal, ça représente un certain nombre de contraintes, mais c'est aussi assorti de quelques menus plaisirs. Je pense par exemple qu'on fait trop peu d'heures de vie de classe.
La vie de classe est un créneau horaire prévu pour s'occuper de tâches annexes (élections de délégués, ramassage de papiers, préparation de conseils ou évocation de problèmes particuliers - je me souviens d'une collègue qui l'avait utilisée pour rappeler aux mômes que se laver, ce n'était pas facultatif). Comme la préoccupation majeure de l'enseignant pendant cette heure est de réussir à occuper suffisamment les élèves, elle nous venge de tous ces jours où on court après le temps pour boucler le programme (il paraît que certains y croient encore...).

Le fait de ne pas avoir de connaissances à transmettre me décomplexe totalement : pas d'enjeu, pas de stress. Du coup, j'avoue que j'ai un peu tendance à faire le clown. A un élève qui affirmait que rien ne changeait après qu'ils aient évoqué leurs problèmes et que cette heure ne servait à rien, j'ai répondu sans me vexer que s'il ne voulait pas avoir droit à la parole, on pouvait supprimer la vie de classe. Honnêtement, je ne m'attendais pas à ce que les autres protestent aussi vivement. Entre passer une heure en perm' ou assister à mon cirque, il semblerait qu'ils aiment autant rigoler un coup.

Pour préparer le conseil de classe du deuxième trimestre, je leur ai fait dresser un rapide bilan sur une feuille anonyme - histoire de libérer la parole. D'habitude, je les mélange et les redistribue : chacun lit les remarques d'un autre. Cette fois-ci, j'avoue, j'ai joué les censeurs : c'est moi qui les ai lus. La plupart du temps, j'ai eu la version civilisée :

Ou la version civilisée avec petit dessin enjoué :

Personnellement, je m'interroge encore sur le sens de l'expression "super bonnes personnes". Parce que si j'avais Adrian Grenier en cours, je pense que je l'aurais déjà repéré... Faute de star sexy, j'ai mon immanquable Catul : résultats au sommet, mauvaise foi itou et caractère de chien. Je vous laisse deviner qui se plaignait tout à l'heure de l'inefficacité de l'heure de vie de classe. Quand Catul rend son papier "anonyme", il n'a pas le souci de passer inaperçu. De toute façon, il n'est pas dupe : il sait que ses ratures suffisent à l'identifier :

C'est fidèle au personnage. Il a retenu que je ne voulais pas qu'on nomme qui que ce soit, ce n'est déjà pas si mal. Sinon, j'ai appris toute l'étendue des malheurs de mes élèves (plus de mayonnaise au self...). Mais il y a surtout ce vibrant témoignage, tellement beau que je n'y crois pas; et vu qu'il est anonyme, ce n'est même pas que de la flagornerie (ou alors il s'agit de quelqu'un qui a surestimé mes qualités de graphologue) :

Nous tenons peut-être là le seul spécimen au monde qui juge que j'explique les choses clairement. Je dis ça parce que des fois, même-moi je m'embrouille. Cela dit, remarquez avec quel brio je lui ai inculqué la différence entre "apprendre" et "enseigner" (pour "et"/"est", en revanche, on repassera).

Pitou G

P.S. : Bien qu'elle n'appartienne pas à cette classe (Dieu est bon, et c'est un athée qui vous le dit!), je ne résiste pas à l'envie de vous donner des nouvelles de Listéria. La gracieuse enfant a rendu ses manuels et obtenu son exeat. Elle quitte le collège et la ville (n'hésite pas à partir très très loin, surtout). Mais rien ne dit qu'on ne reverra pas ses cheveux peroxydés d'ici à la fin de l'année...

dimanche 30 mars 2008

Collec' de chats noirs

Pitou V. à l'heure du coucher, cerné par une ménagerie satanique.
Au premier plan : Stu', le chat altier à l'oreille fendue et aux grands yeux tristes.
Au deuxième plan : Calim', la peluche tétouillante au fort potentiel d'âneries.
Caché derrière son livre : Pitou V. qui chauffe ma place (parce qu'il est évidemment hors de question que je m'allonge dans un lit froid!)

Pitou G.

samedi 29 mars 2008

Piège à chat

Ne vous fiez pas aux apparences, cela n'est pas une innocente bannette posée sur un panier à linge. C'est le plus ingénieux des pièges à chat chamais jamais imaginé. Son arme secrète? La voici :

Un chat d'intelligence supérieure (Calim') est incapable de résister aux sirènes d'une vieille pince à linge cassée, c'est génétiquement prouvé. Immanquablement, il sautera dans le corbillon bleu. Sous le choc, le panier jaune, vide donc particulièrement instable, se renversera, faisant basculer l'attrape-chat contenant sa victime. Résultat final : une noirceur démoniaque coincée dans une lourde geôle de plastique.



La Bête, une fois libérée, n'est pas plus traumatisée que ses papatta* qui se restauraient paisiblement à proximité. Notre petit trublion étant totalement dépourvu d'amour propre, il s'est contenté de nous remercier de ses grands yeux tendres (à sa place, Stuart, ce monstre d'orgueil, se serait rué sous un lit).

Pitou G.

* Papatta : contraction de Papa (Pitou V) et Atta (Pitou G), exerçant conjointement l'autorité parentale sur un collège de poulpes noirs à fourrures, communément nommés "chats".

vendredi 28 mars 2008

Tout sur nous


Quand la motivation est en berne, on se raccroche aux petites branches. Il paraît qu'on peut dissuader de se suicider quelqu'un qui n'a plus qu'Amour Gloire et Beauté dans la vie rien qu'en lui rappelant qu'il raterait les prochaines mésaventures de la divine Régine Sally SPECTRA (photo). Et bien moi, c'est un peu pareil (sans Sally Spectra) : je vise à court terme de petites bouées de sauvetage télévisuelles qui me donnent suffisamment de peps pour arriver au bout de ma journée de boulot. Ouais, je sais, ma vie est bien triste...

Petit tour d'horizon des dernières séries revigorantes :

  • How I met your mother
C'était en décembre. Les jours diminuaient et l'énergie itou. Et puis ils sont arrivés, Taphanie et Spécialistequestre, avec dans leurs bagages un peu de lumière pour nos coeurs des DVD de HIMYM. Quand il a fallu retourner au boulot, la perspective de se payer chaque soir trois épisodes d'affilée fut un sérieux réconfort.
On compare souvent cette série à Friends (en moins daté). HIMYM me parle forcément davantage, question de génération. Le titre s'explique par un parti pris amusant, qui apporte un peu de suspense mais passe assez vite au second plan : en 2030, le narrateur, l'architecte Ted Mosby, raconte à ses enfants ado dans quelles circonstances il a rencontré leur mère. Sauf que Ted tient beaucoup de Shéhérazade et qu'à la fin de la saison deux, il a beaucoup parlé de sa bande de copains, mais toujours pas de sa future femme (à moins que...). Dans ce cercle d'amis, à vous de voir avec qui vous vous sentez le plus d'affinités; je crois que mon homme et moi, nous sommes très Lily et Marshall, couple fusionnel dégoulinant de mignonnerie mais très drôle.

Robin éteint le four

Les scénaristes aiment jouer avec la chronologie de leurs épisodes et les changements de points de vue; le spectateur, balladé de surprise en surprise, assiste ainsi à la résolution d'une énigme posée dans les premières minutes. Enfin, HIMYM est la série qui a réussi à nous loger ça dans le crâne pendant une bonne dizaine de jours :


free music


Nous avons découvert cette série québéquoise très récemment par (un heureux) hasard. Diffusée sur TV5 le mardi soir, elle joue la carte du brouillage réalité/fiction en nous plongeant dans le quotidien de vrais acteurs : Macha Limonchik, Valérie Blais et Eric Bernier.
L'atmosphère particulière de cette série tient beaucoup à ce trio, très drôle et attachant, qui interprètent et commentent des anecdotes inspirées, semble-t-il, de la réalité. J'ai évidemment un faible pour l'acteur pédé, qui a l'étrange capacité de paraître magnifique ou bof bof suivant les images (ça crée forcément des affinités).

  • Poubelle lavis
Compter Plus Belle la Vie parmi les séries qui revigorent, c'est un peu abuser. Mais on continue de suivre, surtout pour le plaisir d'admirer l'ingéniosité des scénaristes. C'est qu'il faut déployer des trésors d'imagination pour justifier les absences plus ou moins longues des acteurs occupés à cachetonner ailleurs, mais qui reviennent de temps à temps réchauffer leur place! La série a trouvé une autre astuce pour vous maintenir en haleine jusqu'à la dernière minute : le tadam fatidique retentira-t-il pour ponctuer la dernière réplique choc de l'épisode?


A noter que l'excellent Le Coeur a ses raisons est enfin diffusé sur une chaîne française : c'est sur NRJ12, du lundi au vendredi à 17h50. Mais bon, on a encore un peu de temps avant que l'inénarrable Brenda Montgommery n'entre en scène.

Pitou G.

jeudi 27 mars 2008

Princesse Pitou

Les mauvaises langues, on les connaît, vont encore dire que c'est parce que je suis une princesse, déconnectée des contingences de la vie matérielle. Et bon, c'est vrai, s'il y a un truc que j'ai en horreur, c'est d'aller faire les courses. Si c'est pour rencontrer des collègues ou des élèves à chaque rayon de Carrouf', non merci, je les vois suffisamment au bahut. Alors j'avoue que je me suis un peu déchargé de cette tâche sur mon adorable Pitou V qui, vous le savez assez, est un adepte du shopping (oui, parfaitement, acheter des poireaux et du saucisson pour son homme, c'est encore faire du shopping). Mais apprenez que toute princesse que je suis, je suis un as en récurage de salle de bain. En plus, ma beauté est un cadeau que je fais quotidiennement au monde et ça, déjà, c'est une contribution suffisante à l'harmonie domestique (je fais aussi de très bonnes soupes).

Bref, pour la Saint Pitou V (et si j'ai envie de recycler des anecdotes vieilles de deux mois, c'est mon droit le plus strict de princesse de Génovie), j'ai nourri le projet ahurissant d'offrir à mon aimé un bouquet de fleurs (si!). Comme on a une seule carte de crédit pour deux (oui, on est des radasses), j'avais pris la précaution de la lui demander le matin même : notez que la surprise allait être totale. J'allais jouer un coup de maître, c'était sûr : j'allais avoir droit à une récompense mé-mo-rable (héhéhé). Telles étaient mes pensées en descendant ma rue (ne comptez pas sur moi pour aller les acheter loin, ces fleurs, non mais!) et en choisissant mon trophée gage d'amour.
Je papote avec la fleuriste pendant qu'elle emballe interminablement le bouquet (putedieu, elle n'a pas l'air bien douée). Au moment où, grand prince, je tends ma carte bleue, je suis pris d'un doute affreux. Et une fois le clavier en main, c'est carrément la panique, le vertige des chiffres : c'est quoi, ce &@x#ç* de code?

"Euuuuh, vous savez quoi? Je... je ne suis pas un escroc mais je ne suis plus très sûr de moi, là (grosse suée). Je vous laisse le bouquet : je retourne chez moi pour vérifier mon code. Je n'habite pas très loin (crise de honte)."

Je détale, rentre chez moi, retourne les archives à la recherche du papier du code (que j'aurais dû avoir détruit; mais si les cambrioleurs sont aussi doués que moi, je leur souhaite bon courage pour mettre la main dessus!). Je m'envole vers la boutique où je reviens, tout penaud, payer mon dû. Tout ça pour entendre au final de la bouche de mon homme : "oh, c'est mignon! Bon, ça va parce que c'est ma fête, hein... pour un anniversaire, ça serait un peu court"

Pitou G.

Bonus : si vous avez aimé (ou pas, si vous croyez que je vous laisse le choix : c'est moi qui décide, parole de princesse!) la bande annonce d'un "Mariage de princesse" (cf. lien supra), prolongez le plaisir avec ce dialogue d'anthologie.

mercredi 26 mars 2008

C'est marre

Malgré la folie des sigles de L'Ed' Nat', le collège Haquenée est un établissement Ni-Ni : ni collège d'élite, ni ZEP (zone d'éducation prioritaire), encore moins Ambition réussite (l'ambition n'engage à rien); ni collège de centre ville, ni collège rural; ni grand, ni petit.
Bref, il a le profil idéal pour que tout parte en vrille, oublié qu'il est, sur un coin du bureau des Hautes Instances. Et effectivement, ça vrille...

C'est comme ça, j'ai envie de sortir de mon devoir de réserve (j'vous jure : j'étais avec personne, dans la réserve!). Je m'excuse d'avance auprès de ceux qui espéraient un article rigolo. Haquenée : collège en danger. Des fois, on se demande comment une telle structure peut encore tenir debout : la force de l'habitude? la bonne volonté de certains? Pour que les murs ne s'écroulent pas, il faut bien un dévouement quasi sacrificiel.

Vue imaginaire de la Grande Galerie du Louvre en ruines,
Hubert Robert (1796)


L'an prochain, il y aura à peu près dix élèves en moins (encore que ce soit bien difficile de l'affirmer, étant donné la lente agonie de la sectorisation; bien malin qui peut prédire les effectifs). En terme de moyens, cette baisse démographique induit la suppression de 5 postes d'enseignants et d'un demi-poste administratif ( j'espère qu'on aura la bonne moitié de la secrétaire). Je ne parle même pas de tous ces profs qui, dans presque toutes les disciplines, vont se partager sur plusieurs établissements (à commencer par votre serviteur).

Laissons notre humanité de côté et affirmons que, pourquoi pas, tant que la machine marche... Mais la machine est sérieusement grippée : ces dernières semaines, trois collègues ont été arrêtées pour une longue durée. Au bout de combien de temps pensez-vous qu'on puisse les remplacer? Trois semaines d'attente furent un minimum (quant au maximum... ouhlala : deux mois?) : pas de remplaçants titulaires disponibles depuis bien longtemps, pas davantage de vacataires (surtout en période de concours). Et Haquenée n'est pas un cas isolé. Que certaines classes, avec un examen à la fin de l'année, restent un mois avec des trous de neuf heures hebdomadaires, ça me semble gênant. On a déjà vu l'Etat se voir condamné pour avoir privé trop longtemps de cours des futurs bacheliers. C'est une évolution intéressante de l'enseignement, je trouve.

Comme dans toute entreprise saine, un conseil d'administration siège. On se demande bien pourquoi on se donne encore la peine de préserver cette apparence de démocratie : le boss reçoit la copie d'un courrier venu d'en-haut (l'original ayant été prétendument envoyé aux membres du conseil, mais personne n'en a vu la couleur) nous enjoignant de nous plier aux desiderata supérieurs. Instance décisionnaire, mon c°l. C'est tout à fait gratifiant de s'infliger des réunions de trois heures pour un tel résultat.

Côté technique, c'est pas triste non plus : salle informatique impraticable (à part jouer à reconstituer les paires d'ordi identiques, je ne vois pas; regarder les mômes aller de poste en poste dans l'espoir d'en trouver un qui fonctionne est un divertissement un brin crispant). Hier, c'était le pompom : plus de téléphone, disque dur avec toutes les bulletins (pas encore tirés) qui rend l'âme... Ce bahut est bien digne du plus désolant des films catastrophes de Nanarland.
Bricolage. Bricolage. Bricolage. Pour quoi, au fond?

Pitou G.

On fera plus drôle demain. là, je vais faire la sieste...

mardi 25 mars 2008

Ma vie de reporter

Même chez les plus motivés de mes collègues, la ritournelle à la mode est "je ne ferai pas ça toute ma vie" ("ça" désignant bien sûr la noble mission qui est la nôtre). On passe des concours (de plus en plus) exigents; on passe par toutes les couleurs de l'arc-en-ciel quand on découvre en face de soi des Listéria (existe aussi en version masculine); on passe pour la plus glandeuse des engeances auprès de gens qui avouent pourtant que jamais, au grand jamais, ils n'auraient supporté de faire un tel boulot; on passe par des impasses, on trépasse et j'en passe...

Moi, je ne dis jamais "je ne ferai pas ça toute ma vie". Question de prudence. J'ai décidé d'arrêter les engagements creux (type : "puisque c'est comme ça, je te jure que tu copieras ta leçon 500 fois"). Le jour où j'aurai une petite idée de ce que je pourrais faire d'autre, je rejoindrai peut-être le choeur des sirènes.
Le truc, avec ce boulot de prof, c'est que ça n'exige pas vraiment de compétences pointues, mais que vous avez tout intérêt à être polyvalent : acteur, gardien de prison, informaticien, conteur, calligraphe, diplomate, kick-boxeur, jongleur (surtout jongleur)... Avec une de mes classes, j'ai même dû me convertir en journaliste (vous savez quoi? on va arrêter les projets pédagogiques).

Armé d'un dictaphone et d'un appareil photo, j'ai accompagné quatre rédactrices en herbe à leur première interview (sur leur temps libre - et le mien, vu que ma oiseuse profession m'autorise une infinie variété de loisirs). Comme il y a des accords moins réglo que sacrifier une après-midi pour aider des élèves qui ont sérieusement pris en main leur projet, j'y suis allé de bon coeur. J'ai bien fait : Mortimer, le jeune homme à interroger, était vraiment très affriolant gentil et n'a pas été avare de son corps temps. Il a beaucoup parlé sans qu'on ait besoin de le relancer, le top pour des collégiennes timides. Ce qu'il a dit était très certainement intéressant; le dictaphone nous le dira. Pour ma part, j'étais trop occupé à imaginer la couleur de ses sous-vêtements pour prêter l'oreille à son blabla. Quand le flot s'est tari, je l'ai habilement questionné sur son parcours (quelles études avez-vous suivies? z'avez une copine?). Puis nous avons fait un saute-moutons saut dans le parc voisin pour le photographier à demi nu à côté de lampadaires.
L'imbécile ne m'a même pas laissé son téléphone : je suppose que la présence des petites paparazzettes a inhibé son audace ou, hypothèse moins probable, perturbé mon magnétisme envoûtant. En même temps, pendant son interview, il n'a pas arrêté de me reluquer, alors que je m'étais fait tout petit dans un coin (l'allumeur).

Pitou G.

P.S. : l'équipe de rédaction vous informe qu'aucun Pitou V n'a été bafoué lors de cette expérience journalistique, et que Pitou G a très scrupuleusement pris en notes la conversation, preuve qu'il n'est pas (tant que ça) esclave de ses hormones.

dimanche 23 mars 2008

Tex le Mix

Il arbore l'inévitable crête (plus ou moins luisante), porte des aigles ou des étoiles sur ses t-shirts, mais surtout, il exhibe une ceinture hautement teck-nologique qui déroule en continu un message bleu et lumineux (bleu, oh ce bleu!) :

TEX-LE-MIX.... TEX-LE-MIX.... TEX-LE-MIX.... TEX-LE-MIX....

Avant de le faire rentrer en classe, je lui suggère de programmer un nouveau flash-info, genre : "bonjour, vous êtes très en beauté, monsieur". Mais il y tient à son TEX-LE-MIX: c'est son nom de teckto-niqueur.
C'est un brave garçon, totalement hermétique à la noble langue ancienne à laquelle j'essaie en vain de le présenter. C'est peut-être incompatible avec le virus qui a pris possession de son système nerveux. Ou avec le rire joliment imbécile qui le secoue par saccades. Ou encore avec les migraines douloureuses qui l'étreignent quand il ne rit pas. Parce que Tex-le-mix est teckto jusqu'au bout de ses boutons d'acné : instable. Le genre de garçon qui commence l'année avec un 20/20 pour plonger aussitôt dans les grands frissons du 01.
C'est un brave garçon, mais j'ai fini par croire que ma seule présence avait le pouvoir de le rendre malade (ou hilare, c'est la loterie trois fois par semaine). J'ai entendu bien des fois des collègues me raconter, non sans un soupçon de plaisir sadique, combien il traînait dans leur cours pour différer un peu plus la torture de venir dans le mien. C'est sûr qu'il arrive toujours en retard avec sa copine (tout aussi hermétique, mais beaucoup moins déconcertante : elle, elle fait tout le temps la gueule).
Au premier conseil, sa moyenne de latin faisait vraiment tache sur le bulletin. Au deuxième, beaucoup moins : quoique divisée par trois, elle se sent beaucoup moins seule. Nous dirons pudiquement que les langues ne sont pas son truc (sauf celle qu'il fourre dans la bouche de sa copine tireuse de tronche). Son côté joyeux lui a même valu de se faire virer d'un cours. Les choses semblaient très claires et c'était au fond très rassurant. Sauf que...
Avant-hier, ma collègue d'histoire estomaquée l'a vu courir en direction de ma salle de cours. Comme si cela ne suffisait pas, il a participé de façon judicieuse et à plusieurs reprises.

J'ai peur...

Pitou G.

samedi 22 mars 2008

Pitou pisteur

Y en a des qui rêvent de safari photo ou de chasses au trésor. Les cons. Ma vie à moi, elle est bien plus frémissante : je cours après des vidéos-projecteurs...

Au collège Haquenée, c'est le grand luxe : on a deux vidéo-projecteurs pour 500 élèves. Comme je n'ai pas de télé, ni de lecteur divers droite DVD dans ma salle, dès que je veux passer le moindre bout de vidéo à mes ouailles, je bondis sur le réseau informatique pour réserver la bête. Après, c'est tout simple : il suffit de louer une mule pour transporter l'ordi portable, le projecteur, les enceintes, la multi-prise et le pop-corn. Ou alors de traverser des couloirs infestés de gluants avec dix sacoches en bandoulière. Une fois dans la salle, au bout de vingt minutes, on peut espérer avoir fini tous les branchements et réglages. Bref, tout va comme sur des roulettes. (conseil : arriver un quart d'heure en avance)

Mais ça, c'est quand les choses se passent bien. Quand on veut faire du zèle technologique dès 8 heures, il faut prévoir son coup : il faut se procurer la clé du centre de documentation pour accéder à la réserve, vu que ma collègue commence un peu plus tard. On va dans la loge de madame Accueil, on ouvre la tirette secrète où se niche la clé de la boîte à clés; on ouvre la dite boîte que l'on explore en quête du bon trousseau; on repère sur le-dit trousseau les deux clés nécessaires pour accéder à la réserve. Après tout roule : suivez le mode d'emploi détaillé dans le paragraphe précédent. (conseil : arriver une demi-heure en avance)

Mais ça, c'est quand les choses se passent bien. Parce que vous avez beau avoir réservé le matos trois semaines à l'avance (bon, là, je gonfle les chiffres : prévoir, moi, je sais pas faire), il faut savoir qu'aucune règle ne tient plus en période de conseils. Parce qu'au mois de mars, le vidéo-projecteur, il lui prend l'envie d'aller se balader le soir... Après avoir constaté que la réserve était vide, redescendez en trombe à la loge, forcez la boîte à clés, embarquez les clés de toutes les salles où se sont tenues des réunions. Remontez au premier, constatez que les portes étaient déjà ouvertes vu que c'est l'heure du ménage : "Bonjour madame, avez-vous vu un dangereux fugitif électronique?". Nada. Redescendez à la loge, jetez les clés surnuméraires dans la boite à clés et suppliez Madame Accueil de vous ouvrir le bureau du boss. Le vidéo-projecteur est là. Joie et allégresse, bisou à Mme Accueil. (conseil : arriver une heure en avance ou prendre une chambre au collège).

Mais ça, c'est quand les choses se passent pour le mieux. Vous êtes arrivé haletant et tout dégoulinant de sueur devant votre salle. La sonnerie a évidemment déjà retenti. C'est cool : vous allez pouvoir effectuer tous vos branchements dans l'urgence et sous des yeux goguenards, tout en gérant un groupe d'adolescents (en même temps, à 8H, ils dorment). Vous leur donnez une mini-tâche à accomplir pendant que vous déballez votre monstrueux attirail*. Une vague intuition vous transperce : tout cela va mal finir. Vous frissonnez soudain à l'idée que vous avez oublié chez vous le DVD.
Il est bien dans le cartable; il faudrait voir à arrêter de jouer à se faire des frayeurs, grand fou... Vous avez presque envie de sourire : c'est pas si compliqué, cette installation. D'ailleurs, il ne vous reste plus qu'à brancher le câble d'alimentation du vidéo-projecteur. Dans ma main gauche, petit bitonio; sur l'appareil, emplacement pour gros bidule : cherchez l'erreur... En les "rangeant", le boss a interverti la prise de son portable et celle du réflecteur. Pas moyen d'allumer quoi que ce soit, à moins de tomber in extremis sur un gisement de silex.

Grosse suée, bouillonnement de moins en moins intérieur, rugissement sauvage, vol d'enceintes à travers la pièce, mômes tétanisés. Je dois renverser le contenu de mon sac pour retrouver une liasse de photocopies que, par miracle, j'avais préparées à l'avance. Il est huit heures dix, vous avez déjà basculé en mode "créature de l'enfer" (une fumée noire s'échappe encore de vos naseaux). A la fin de l'heure, vous avez retrouvé une tension normale et avez même esquissé un début de sourire - il faut dire que les disciples ont marché sur des oeufs. Et au moment de refermer la porte derrière vous, vous vous rendez-compte qu'il vous aurait suffi de traverser le couloir, la salle d'en face, vide, étant tout bien équipée...

Alors vous comprendrez que, moi, les safaris, je m'en proute!

Pitou G.

* bah quoi?

jeudi 20 mars 2008

Strip-pitou

La grasse matinée, c'est le privilège du lundi. Ce que j'appelle "grasse matinée", c'est le luxe ébouriffant de me lever à 9 heures du matin (si on ignore les subreptices manoeuvres de Calim pour me tirer du lit à 4 heures à force de tétouillages de pyjama, de faufilages sous-couettiens et d'escaladages corporels de goule). Cette semaine encore, j'en ai bien profité - vu le boulot que j'avais, ce n'était d'ailleurs pas très raisonnable. Lecteurs indulgents, vous me direz que sortir du lit à neuf heures du matin, ce n'est quand même pas un vice. Je vous répondrai que c'est un sacré manque de prévoyance...

Notre délicieux palazzio n'a pas pu bien longtemps nous cacher toutes ses tares (sitôt conclue la signature chez le notaire, il a décidé de jouer franc jeu) : le toit de l'extension abritant notre cuisine est bon à refaire. Il y a trois mois, nous avons donc ausculté auditionné les couvreurs locaux pour trouver le devis le plus avantageux . Première désillusion : les plus sexy ne sont pas les plus sérieux. On signe donc avec Gros Moustachu et on oublie Bêtenrut, avec le secret espoir que les ouvriers raviront davantage nos mirettes que le patron.

Le temps a passé, notre mur buveur d'eau n'a cessé de se crevasser et mon Pitou V de s'impatienter. De temps à autre, il rappelle aimablement à monsieur toit que ce serait pas mal d'intervenir, surtout que l'acompte, lui, n'a pas trainé longtemps au fond d'un tiroir. Oui, mais tempête, donc urgence (que les cratères de notre mur évoquent de plus en plus la lune, ça n'en est pas une). Oui, mais le zinc, c'est cassant quand il fait froid (je ne me remets toujours pas des chutes de neiges record qui ont couvert nos campagnes ces dernières semaines). Oui, mais...
"Oui, mais vous venez la semaine prochaine". Tout nimbé de sa gloire de conseiller municipal, mon homme a enjoint. Mais ça, c'était le vendredi. Et du vendredi au lundi, il y a ce truc nommé week-end (a pu Listéria, a pu, a pu!) qui fait à peu près tout oublier. Et quand je me suis pointé dans la salle de bain encore tout gonlé engourdi des rêves de ma nuit, j'ai été un peu surpris de voir tout un jeu d'échelles mener du parkingue voisin au toit de l'extension, pile devant la fenêtre qui fait face à la douche...

"C'est pratique : on pourra accéder de l'extérieur à votre toit sans avoir besoin de vous déranger" qu'il avait dit (et que j'avais z'oublié...)

Concrètement, ça veut dire que s'ils étaient intervenus en décembre, avant que nous ne posions le fin voile de lin qui habille nos vitres, les charmants messieurs qui piétinent actuellement notre toit auraient eu pleine vue sur mon adorable pyjama bleu électrique (précision, somme toute pas inutile : j'ôte mon pyjama avant de me doucher... excentrique, hein?). Alors, je ne suis pas un garçon exagérément pudique, mais je me suis dit que ça faisait tout de suite un peu trop cliché, le petit mec qui s'exhibe dès le premier jour devant ses couvreurs. Et honnêtement, je ne suis pas bien sûr que le mince voilage cache beaucoup ce qui se passe dans notre peep-show salle d'eau quand on a le nez collé à la vitre... J'ai donc rassemblé deux trois affaires à la hâte et me suis jeté sous la douche dès que les ouvriers ont eu le dos tourné. Se sécher et se vêtir dans une cabine de douche, c'est un échauffement assez sympa pour commencer se journée.

N'empêche, je n'ose pas imaginer ma honte, s'ils m'avaient vu dans ce pyjama-là...


Pitou G.

Addendum du 21.03 : conformément à la suggestion de mon homme, j'illustre ce billet de photos du fameux pyjama bleu (soyez indulgents : il me suit depuis au moins 13 ans)

lundi 17 mars 2008

Balanophages (comme des glands)

Pitou G. se débat tout seul au tableau depuis vingt minutes dans un silence de mort (mais comme c'est la classe de Listéria, c'est bien le moindre mal):

" Bon, alors on a vu grâce à l'exemple du chien qu'il existait trois types de reprise nominale. Si vous le remplacez par "clébard", vous utilisez un synonyme, en tapant dans un autre niveau de langue. Si vous choisissez "animal", c'est un nom générique, un mot au sens plus large qui englobe le "chien"mais aussi les chats, les rats, les zosiaux et les scoubidous-dous... 'Tention, hein, vous pouvez remplacer "chien" par "animal", mais ça marche pas forcément dans l'autre sens : si je dis "j'ai promené l'animal. Le chien a pissé partout", c'est pas forcément bien clair. (waouh, ça c'est un cours palpitant; j'ai bien fait de pas rester au lit, ce matin). Le troisième moyen, c'est de remplacer le nom par une sorte de définition, genre "le meilleur ami de l'homme", "le descendant du loup"; ça, c'est ce qu'on appelle la périphrase (un peu comme si je remplaçais "Grelinda" par "délice du genre humain", on voit tout de suite de quoi on parle).
_ Si je dis, "tas de poils", ça marche aussi?
_ (ah tiens, y en a un qui est réveillé) Oui, c'est ça. Bon, z'êtes sûrs que vous avez compris?
_ ...
_ Beline? Blondasse? Branleur?
_ ...
_ Bon, on va vérifier tout ça. Essayons avec le nom... Chêne (tadam). Essayez de lui trouver un synonyme.
_ ...
_ Ouais. En fait, le synonyme, là, c'est pas ce qu'il y a de plus facile.
_ Arbre (Moi pas faire phrase. Phrase trop compliqué).
_ Alors : un chêne est un arbre, mais un arbre est-il forcément un chêne?
_ ... (intense réflexion). Non.
_ Qu'en déduis-tu?
_ Truc générique.
_ Hosannah! Bon alors on va laisser tomber le synonyme, là. On pourrait prendre son nom scientifique, mais à part ça, j'vois pas (j'ai encore choisi l'exemple idéal, moi; bravo l'anticipation!).
_ Et c'est quoi le nom scientifique du chêne (on approche de 8H30; on sent que les esprits se désengluent) ?
_ Quercus... bidulus (après vérification, c'est quercus pedunculata : une chance que je l'ai ignoré; pas besoin de ça pour que ça déborde). On va peut-être passer à la périphrase. Jongleur, tu as quelque chose à proposer?
_ L'arbre fruitier.
_ Ouais. Alors bon, c'est sûr qu'il porte des fruits le chêne. Mais quand tu me dis arbre fruitier, moi, a priori, je pense à des tas d'autres arbres.
_ Au pommier? Au cerisier? Au poirier? Au citronnier? Au prunier? Au noisetier? Au melonnier*? Au...
_ Oui oui, je pense à tout ça, mais on va s'arrêter là, si ça t'ennuie pas. Une autre idée?
_ L'abricotier?
_ Je veux dire : une autre idée de périphrase?
_ de quoi? (note pour moi-même : la mémoire se réveille après la langue)
_ D'un groupe nominal qui pourrait remplacer "chêne"
_ M'sieur, c'est quoi le fruit du chêne? (heum... nous y voilà)
_ C'est le gland (moment de stupéfaction). Mais ce sont les sangliers qui mangent des glands, pas les hommes...
_ Mais m'sieur, moi j'en connais des hommes qui bouffent des glands (oh mon Dieu! oh mon Dieu! Préserve-moi en ta sainte garde!)
_ Euh...
_ Ah non! c'est des marrons."

Alors bien sûr, je pourrais m'indigner : on ne peut pas faire cinq kilomètres en sortant de notre ville sans tomber sur une forêt. Alors si eux ignorent que les glands poussent dans les chênes (et dans leur collège), je n'ose pas imaginer ce que ça donne dans les vraies grandes villes. Mais moi, tout ce que je vois, c'est que j'ai échappé à un grand moment de poésie...


"Nourricier de ma fressure,
Source sûre
Où ma bouche aussi suça,
Gland, ma grande friandise,
Quoi qu'on en dise
Quelque fausse honte, or, çà,

Gland, mes délices, viens, dresse
Ta caresse
De chaud satin violet
Qui dans ma main se harnache
En panache
Soudain d’opale et de lait."

"Balanide II", Hombres, Paul Verlaine
(écrit en 1891, publié sous le manteau en 1903)

Pitou G

* des esprits chagrins pourraient essayer de vous faire croire que les melons, ça pousse pas dans les arbres. Pfff...

dimanche 16 mars 2008

Entendu...

  • A la télé :
"Sur l'Olympe, les dieux aussi fêtent Pâques".
Merci Ferrero: je suis content d'apprendre que l'Olympe s'est réconciliée avec le petit Jésus.

  • A la radio :
"Etre écologique, aujourd'hui, c'est rouler en camping-car"
"Si 7 Français sur 10 choisissent le bloc béton, c'est parce que c'est le matériau le plus écologique" ou encore "associé à un isolant performant, le bloc béton a de hautes qualités énergétiques" (associée à un isolant performant, une maison en carton a exactement les mêmes).

  • Aux portes ouvertes du collège Haquenée (qui n'a jamais aussi bien porté son -faux- nom), rapporté par une collègue dont les oreilles traînaient non loin d'une mère d'élève :
"Avec monsieur Pitou G, moi, je referai bien du français".
C'est peut-être idiot, mais pour vous consoler d'avoir subi l'éruption d'un bubon sous le nez, pile le matin des portes ouvertes, on ne fait pas mieux. L'autre bonne nouvelle, c'est que le journal du collège s'étant vendu comme des petits pains, la moitié de la ville sait maintenant que, si j'étais un aliment, je serais un saucisson...


vendredi 14 mars 2008

Retrouvailles laï laï

Quand j'ai su que je revenais vivre dans la ville qui m'a vu tout petit pitou, j'étais content. J'ai passé à peu près 20 ans à en dire du mal (plus de ses habitants que de ses pierres, du reste fort jolies), mais on va dire que c'est un détail (ou peut-être que l'Amiénie m'a rendu moins difficile) (je sais, c'est provocateur de parler de la Picardie comme ça, à l'heure où tout le monde se prend de passion pour sa jumelle ch'ti - ce matin, j'ai entendu à la radio une ode au maroilles, super glamour). J'étais content, mais aussi un poil inquiet. Retourner dans la ville où on faisait pipi au lit, n'est-ce pas un genre d'involution? Qui revient s'enterrer dans une bourgade dont la moyenne d'âge avoisine les 60 ans (me condamnant au chômage à brève échéance)? Voilà : Pitou G, 28 ans, provincial des provinciaux quand tous ses anciens amis co-lycéens vivent à Lonedonne, Nou-Yôk, Losse en Djeulesse, Peuwisse, ou Saint Gapour. Je me gourais complètement. Depuis que je suis revenu, je me suis retrouvé nez à nez avec plein de têtes connues.
  • Je savais qu'Indic vivait toujours ici. Je le croisais à chaque fois que j'allais voir mes parents et qu'on me forçait à sortir en ville. Il travaille pour Ouesh-France depuis quelques années - il m'a même photographié en octobre dernier, vu que je suis une star. Il me donnait des tuyaux sur les anciens du bahut. On mésestime énormément la languedeputitude des mâles hétérosexuels.
  • Dès le jour de la rentrée, j'ai reconnu Roma-Romanella (tu es le soleil du matin quand tu souris je suis le plus heureux des garçons d'Italie l'ail l'ail l'ail l'ail). Elle aussi m'a reconnu apparemment. Sauf qu'on a chacun eu peur que l'autre ne nous reconnaisse pas et qu'on a joué les grands timides jusqu'en décembre.

    Bon, à ce stade-là, j'ai une embarrassante confession à vous faire. Quand j'étais en quatrième, j'étais amoureux de Romanella et de ses longs cheveux ondulés. Elle fut la première fille à m'avoir... envoyé une carte postale (soupir; nostalgie). Maintenant, je vous sens impatients : alors, depuis décembre, lui a-t-il fait une cour torride? A-t-il enfin exaucé le voeu de ses 13 ans? Alors... sachez qu'il y a du mieux : on continue de se sourire, mais en plus, on se dit "bonjour". Enfin, je lui dis bonjour. Parce qu'elle, elle me dit "bonjoureu", ce qui est un tic de langage assez exaspérant, je trouve. Mais bon, de toute façon, on n'est plus du même monde : elle s'occupe d'élèves en grosse difficulté, alors que moi, j'ai hérité des grands intellectuels (Grelinda, Beline, Listeria...)
  • un soir qu'on était serrés comme des sardines, prêts à ripailler comme des bestes pour encourager celui qui n'était pas encore notre nouveau maire (youki), j'entends : "Bonjour M. Pitou G". Froncement de sourcils. Je balbutie. La buse! Je n'avais même pas reconnu Tita! Et devinez quoi? Tita s'occupe d'élèves en grosse difficulté (on était la promotion Schweitzer).
  • le soir de l'élection de mon Pitou V. de conseiller municipal, bing, je tombe sur Nièce. Je l'appelle Nièce, parce qu'en terminale, on s'était inventé avec quelques autres un arbre généalogique tarabiscoté et des histoires de famille à la Morticia Addams ("Calpurnia Addams... la grand-tante de Mercredi : elle a envouté le prêtre et dansé toute nue sur la place du village, avant de se faire brûler. Mercredi l'admire tellement! Mais ne vous en faites pas; je lui ai dit : termine d'abord tes études"). C'était très drôle. Pour autant que je me souvienne, on ne s'était pas quitté en d'excellents termes, mais visiblement, il y a prescription. Inutile de vous préciser qu'elle travaille avec des enfants en grosse difficulté (en plus, elle bosse dans la ville du boudin; elle nous a fait le grand chelem).
Et ça, c'est en attendant de récupérer en classe la descendance de toute ma promo...

Pitou G.

* Alors comme je ne veux pas passer encore une fois pour un gros c°nn@rd, je précise que j'ai aussi des mômes adorables, vifs et brillants. Et même certains qui sont polis.

jeudi 13 mars 2008

Remords

Pourquoi suis-je allé dire que "si j'étais un aliment, je serais un saucisson" dans ce foutu journal?

mercredi 12 mars 2008

Madame Tourneboule

L'inestimable Melle de Blossac m'a fait découvrir le site VDM (vie de m...). Le concept en est simple : les internautes racontent en quelques lignes une anecdote (réelle ou fictive, pas moyen de vérifier) illustrant le naufrage de leur vie quotidienne. Vient forcément le moment où on se prend au jeu et où on se demande ce qu'on raconterait, nous. Sans doute une de ces folles aventures (mouarf) qui peuplent ce blog ou l'ancien. Probablement celle-ci, d'ailleurs.

Il y a toutefois une anecdote inédite qui m'est revenue en tête. C'était il y a 9 ans; j'étais encore un fringant khâgneux, hellénisant au lycée Infini. Nous avions des profs bizarres (les profs en post-bac sont en général plus tarés que dans le secondaire, c'est dire) : le prof de latin se frottait contre son armoire en prenant la pause de Titanic, la prof de français portait un pull à roseaux, le prof d'allemand me donnait des envies de suicide, le prof de grec de l'année d'avant se caressait la main en parlant de bébés gorilles... Que du lourd! Mais la palme revient quand même à cette brave Mme Tourneboule, chuintante philosophe dont la vie semblait une suite ininterrompue de catastrophes. La malheureuse ne vivait que pour nous, persuadée qu'on était pendus à sa bouche pleine de Kant et de fricatives, alors qu'on était juste en train de faire notre courrier ou de collecter ses perles...
A l'initiative de Zouzouk, nous avions même créé une chanson en forme d'autobiographie fictive ("jyeu chuis née au chiècle dernier...") compilant ses confidences les plus frappantes (en dramatisant rien qu'un petit peu); ça s'appelait "Morphine"... Il faudrait d'ailleurs qu'un jour, on se réunisse pour l'enregistrer.
Et puisque je parle d'enregistrement, j'en reviens à mon anecdote : j'avais projeté d'immortaliser la voix de Mme Tourneboule à l'aide d'un dictaphone pendant un cours (je suppose que j'avais mis à jour ma correspondance et que je n'avais rien de mieux à faire). Alors qu'elle est lancée un pachionnant laïuche philojophique, je me penche discrètement sur le magnétophone dissimulé dans mon sac et j'appuie sur le bouton. Le mauvais, le bouton lecture. Brusque suée au moment où j'entends ça :

free music

Je sais, ça m'apprendra à collectionner les inécoutables. Madame Tourneboule, absorbée par le monde des Jidées ne s'est rendu compte de rien. Ce ne fut pas le cas de l'affreuse Sainte Gudule, abominaffreuse intégriste catholique et néanmoins brillante, qui s'est un peu demandé ce qui se passait (c'est la Pentecôte?). VDM.

Pitou G.

mardi 11 mars 2008

J'ai inventé la teck

Mon corps est fait pour la danse. Bon, il l'a un peu oublié ces huit dernières années, mais je suis sûr que c'est encore gravé quelque part en lui. C'est bien simple : donnez-moi un jean taille Xtra basse, une ceinture D&G, un sweat moulant à étoiles et une crête à la con, et hop, je me fonds dans la masse des tecktoniqueurs. Attention le clash, ça va doucher!

Alors évidemment, j'aurais besoin d'une sérieuse remise en forme - pas pour la ligne, hein, je l'ai toujours (Donatella m'a appelé tout à l'heure pour savoir si j'étais dispo pour la prochaine saison de prêt à porter). Le truc, c'est que, pas plus que mes autres muscles, mon coeur ne tient plus la route dans les efforts intenses. Il faut dire que je me suis toujours donné à fond : je n'ai jamais pu draguer en mouvant mon corps en de captivantes ondulations, vu qu'il ne me faut que trois minutes pour dégouliner de sueur (et il paraîtrait que le coup du T-shirt mouillé, ça ne marche que sur Kim Rossi Stuart).

(m'énerve, lui)

Un Pitou G lascif, trempé, et prouvant à la face du monde qu'il ne sait pas s'économiser, ça ne me semble pourtant pas un mauvais argument de vente. Mais bon, les filles n'étaient visiblement pas de cet avis. Ou alors, c'est qu'elles déodoraient subodoraient que je n'étais pas pour elles. Rappelons qu'à la fin des années 90, les mâles hétéro "dansaient" pieds joints, bassin figé, se contentant de secouer leurs bras plus ou moins frénétiquement sans se soucier du rythme, prouvant par là-même qu'ils feraient de parfaits géniteurs (je suppose, vu que ça avait l'air de marcher... mais ceci est un autre débat). En même temps, il faut avouer que je n'allais pas danser dans l'espoir de ramener des conquêtes dans la chambre d'internat que je partageais avec deux autres garçons, dussent-elles être dotées d'un chromosome Y.

Et puis je n'avais pas besoin de ramener quoi que ce fût, puisque je ne sortais pas seul. C'est vrai quoi, à quoi bon aller danser sans Zouzouk? (En me voyant me contorsionner avec elle, les quelques idiotes qui n'avaient pas compris que je n'étais pas hétéro pensaient de toute façon que j'étais chasse gardée)(Regardez avec quel brio j'explique la nullité de mon palmarès de dragueur). Zouzouk et moi avions besoin quelquefois de quitter le lycée Infini. Il arrivait que nos pas nous mènent au regretté Joyce*, un club du centre ville où des jeunes filles égarées et portant robes à fleur venaient siroter un whisky coca en écoutant Jane Fostin (chanson que je n'ai jamais entendue que là-bas, mais, pour le coup, une bonne centaine de fois!) vanter la taille de mon amour (hum!) :


Alors, je n'avais pas prémédité le coup des images du Destin de Lisa,
mais ça tombe très bien , je trouve : ça vous plonge
in medias res dans l'ambiance du lieu...

Que voulez-vous : j'appartiens à cette espèce de gens un brin tordus qui pensent qu'on s'éclate plus dans les boîtes ringardes que dans les lieux branchouilles. En tout cas, on y a beaucoup ri, surtout les soirs où le moral était au plus bas (c'est au bout du rouleau que j'ai la rate la plus chatouilleuse). Nous étions jeunes, beaux et souples; mes glandes sudoripares étaient en ce temps fécondes et mon tempérament sujet aux extrêmes... Ce sont des moments précieux, quoique noyés dans les brumes de ma mémoire. Et comme souvent au milieu du brouillard, subsiste un souvenir étonnamment précis : un index tapotant mon épaule, et cette fille un peu à la ramasse (l'incarnation du Joyce, en fait) qui me demande :
" Mais comment tu fais pour danser n'importe comment?"
La vérité, c'est que même moi j'ignore mon secret...

Pitou G.

* Vu qu'il y a péremption, le nom (ridicule, hein? - sauf rapport avec Les Gens de Dublin, mais je n'y crois pas trop; une intuition, comme ça) n'a pas été modifié. Même pas honte!

lundi 10 mars 2008

Grelinda - la suite

Vous vous souvenez sans doute que ma Grelinda préférée avait traité Beline de gogole (ce que nous certifions, mais tacitement parce que nous sommes civilisés). Suite à cela, la radasse se radine (ses premiers mots furent ce matin : "arrête de faire ta chiennasse" à l'adresse d'une de ses amies; cet esprit espiègle fait ma joie et mon bonheur au quotidien) avec son carnet de correspondance grand ouvert sur un mot de son poupa :
"Oui, ma fille, elle dit ce qu'elle pense. Pour la colle de jeudi : NON" (au début, j'avais lu NOW, mais vraiment, j'étais pas d'attaque)
Puis Grelinda me prie de lui rendre très vite son carnet, parce que, comme elle va très vite finir son évaluation (oui, je sais, encore : en théorie, c'était une seconde chance... faut vraiment que j'arrête de faire mon oie blanche), elle en a besoin pour s'occuper et dessiner dessus (oui oui, elle m'a dit ça en vrai).

Trois quart d'heure après, de toute façon, c'était l'hystérie : je brayais comme un âne, ils avaient l'air de veaux à prion, les dindes étaient de sortie. Un carnage à la ferme. Il faut quand même que je dise au poupa de Grelinda (j'ai demandé un rendez-vous, mais figurez-vous qu'il est en déplacement jusqu'à une date inconnue... si c'est pas de la déveine, ça!) que si jamais sa fille se paie la fantaisie de dire ce qu'elle pense de moi (parce qu'il faut pas déconner, c'est la démocratie, on a le droit d'insulter qui on veut), ça se terminera chez les poulets.

Là, je suis très, très fatigué : quand je pense que certains pensent que la vie dans les grandes villes est éreintante...

Pitou G.

dimanche 9 mars 2008

Youki!

Héhéhé!

Paroles de campagne

Les échos électoraux sont parvenus aux oreilles de mes élèves... Ces derniers jours, plusieurs d'entre eux, des sixièmes aux quatrièmes m'ont assailli de questions, plus ou moins incongrues sur mon engagement politique:
- M'sieur, on vous a vu dans le journal derrière un autre monsieur, là, chais pas qui (merci pour la tête de liste)
- M'sieeeuur, c'est vrai que vous vous présentez aux élections??? (ben oui, Miss Corso fleuri, c'était la semaine dernière)
- Monsieur (me montrant la profession de foi où figure mon nom), vous, zavez vu? Vous zêtes là. vous avez 27 ans! (ça fait beaucoup d'informations d'un coup, ça)

Au milieu d'un cours (très abouti):
Pitou, professoral: Bon, zavez compris la différence entre "leur" (pronom) et "leur(s)" (déterminant)? Oui? Vincent?
- M'sieur, vous vous présentez vraiment aux élections???
- Donc le déterminant "leur"prend un "s" au pluriel...

- M'sieur, les élections, c'est ce soir à 18h50, c'est ça? (oui, c'est juste après le tirage du Kéno... on met juste des étiquettes avec les noms des candidats sur les boules)
- Mais monsieur, vous allez devenir maire? (Non Antoine, moi je serai juste calife à la place du calife conseiller municipal. Le maire c'est le premier de la liste)
- Ah d'accord.... (soudain inquiet) Mais comment vous ferez pour nous faire cours quand vous serez maire?

V.

vendredi 7 mars 2008

Petit con de Dom Juan

Quand j'étais minot, j'étais persuadé qu'en grandissant, je deviendrais le plus craquant des garçons. La faute à mes parents qui ont dû trop me répéter que j'étais beau (je suppose que les ravages occasionnés chez un enfant qui n'entend jamais ces mots-là de la bouche de ses parents sont autrement plus graves). A 12 ans, je me laissais deux ans pour être un pur beau mec. Et à 14, je me disais : "on verra bien à 16". Je n'ai finalement pas tout à fait pris l'allure escomptée : j'ai suivi la pente de la puberté tardive, du gosse éternel. Pas de quoi affoler les filles, quand j'étais au lycée. J'ai appris à faire avec. Après tout, je ne fais pas peur aux étourneaux...

Mais replongeons-nous à cette époque où un excès de confiance me donnait à penser que j'aurais mille occasions de faire le joli coeur (rapport à ce que je serais top model et tout ça). Je n'avais pas encore ajouté un deuxième chiffre à mon âge. C'était une époque où on ne se souciait pas de l'amour, sinon par jeu.
De toutes les filles de la classe (c'est bon, hein, j'étais en primaire! même si déjà...), la dernière que j'aurais choisie, c'était Adrienne Vornovonovovic, une fille pas très gracieuse et plutôt éteinte. Par un hasard géographique (une collision entre deux plaques tectoniques avait dû la laisser là), elle était devenue ma voisine de classe. Sous nos bureaux, nous pouvions glisser quelques affaires dans un genre de casier métallique, véritable cauchemar pour nos cuisses (pas moyen de croiser les jambes). Il arrivait occasionnellement que les affaires du voisin glissent parmi les nôtres. Comme j'étais déjà (un peu) bordélique, c'était un véritable fouillis dans ce casier (je vous interdis d'aller voir dans mon cartable).

Un midi, j'y ai trouvé un bristol : un dessin avec quelques mots. C'est incroyable comme ce carton s'est imprimé dans ma mémoire. Je revois ce soleil au jaune criard, ce sol uniformément vert, ce chat noir vu de dos et cette courte phrase écrite en rouge :
Je t'aime.
Adrienne

Adrienne mangeait chez elle, moi à la cantine. Tout gonflé d'un orgueil misérable et d'une cruauté toute enfantine, j'ai montré le mot à mon meilleur ami en ricanant. Et puis à un autre, aux autres, à tous les autres. Probable que l'affaire ait fait le tour de la cour de récré. Aujourd'hui, on dirait que le buzz a bien pris. Aussi, quand Adrienne est revenue à l'école, je l'attendais avec quelques copains, l'air goguenard : "tiens, j'ai trouvé ça dans mes affaires, c'est à toi?".

En réalité, je ne sais plus trop ce que j'ai dit ni comment je l'ai dit, mais je me souviens que l'intention était d'humilier, piètre moyen de me faire mousser. Trouver ce carton (l'avais-je déchiré?) m'avait donné l'illusion d'être irrésistible. Je me la jouais trop bien pour toi. D'une toute petite voix, Adrienne répondit que c'était pour sa grand-mère qui était à l'hôpital. Je ne sais pas trop si je l'ai crue, mais j'ai dû me sentir assez bête, sur le moment; je suppose que j'ai dû m'excuser. Aujourd'hui, je me demande bien ce qu'un mot pour sa grand-mère malade pouvait bien faire parmi mes affaires (peut-être même dans mon classeur) et si l'histoire de la grand-mère n'était pas le seul truc qu'Adrienne avait trouvé dans l'instant pour ne pas perdre la face devant un groupe de garçons (cons).

J'étais loin de me douter à l'époque que, des déclarations d'amour, je n'en entendrais pas tant que ça et que j'aurais honte, un jour, d'avoir autant manqué de coeur.

Pitou G.

jeudi 6 mars 2008

Il suffit d'un rien

Quand on revient en pensée sur ses exploits du jour, le plus difficile, c'est de comprendre à quel instant précis les choses ont déraillé. Parce qu'avec une classe borderline les choses peuvent basculer très vite et pour un rien. C'est le syndrôme Pour un oui pour un non de Sarraute : une intonation mal perçue peut vous envoyer au casse-pipe. Gott sei dank, cela n'a occasionné jusqu'à présent aucune blessure physique. Ce ne sont pas des violents, juste de grosses taches (là, ils se défendent pas mal).
Ils étaient calmement en train de faire leur évaluation - ou plutôt de ne pas la faire, car il n'y a jamais grand chose sur leur copie, mais ce qui est fascinant, c'est qu'ils prennent toujours leur temps pour le faire (cette pensée m'a traversé pendant ma surveillance et m'a fait marrer tout seul; heureusement qu'ils étaient absorbés par leur non-besogne). L'instant d'après, ils se bidonnaient comme des baleines en s'insultant joyeusement. Heureusement, c'était cinq minutes avant la fin.
A bien y réfléchir, c'est souvent au moment où on ramasse les copies que ça débloque. Ce matin, par exemple, c'est Beline qui a flingué, bien malgré elle, la fin de mon heure :
"Monsieuuuuuur, qu'est-ce qu'on fait quand on a deux feuilles simples?
_ Bah je sais pas. Tu pourrais écrire ton nom sur les deux, pour voir (je vous jure que j'ai essayé de ne pas lever les yeux au ciel)
_ Elle est trop gogole".

Cette grâce innée, ce ton délicat, cet amour débordant pour son prochain... Pas d'erreur possible, c'était bien Grelinda qui avait parlé. Là, j'aurais pu faire comme si je n'avais rien entendu; j'aurais attendu que ça sonne et je serais allé boire un café. Au lieu de ça, j'ai lâché une nazerie façon Pitou G; c'est tout juste si je n'ai pas sorti un tambourin et mes habits de dame patronnesse :
"Je ne te permets pas d'insulter une de tes camarades. Comment veux-tu qu'on te respecte alors que tu ne respectes pas les autres (pipeau, pipeau, pipeau)
_ Bah c'est pas l'insulter. C'est juste dire la vérité de dire qu'elle est gogole, hein!"

Alors évidemment que Beline a l'ingéniosité d'un belon, mais je ne pouvais quand même pas rétorquer que toutes les vérités ne sont pas bonnes à dire. Je me suis donc contenté de coller la gente Grelinda (et poum, c'est encore moi qui vais me la farcir : on se demande qui est le plus puni). On a beau avoir l'air d'une grosse cruche quand on débite des préceptes neuneus (c'est pas gentil de frapper les moches; ils ont droit à la vie comme tout le monde), c'est sans doute mieux que de s'abîmer en entrant dans leur jeu.

Quand on y pense, le cours avait pourtant bien commencé : j'avais juste demandé à un absentéiste chronique de justifier sa dernière absence. Je me suis entendu répondre quelque chose comme "Quelle absence, j'étais là hier?". J'ai donc dû lui rappeler que je ne l'avais pas vu pendant un mois et demi avant les vacances. Là, j'ai eu le droit à un déballage hallucinant et agressif, un peu comme si je lui avais ordonné d'aller se faire fouetter tout nu en place publique (mais non, j'ai juste dit : "Tu me montres ton carnet, s'il te plaît") :

"J'ai pas d'carnet, de tout' façon j'ai même pas d'sac (tiens, c'est vrai, j'avais même pas remarqué). On m'l'a volé hier (c'est pas de veine : se faire piquer ses affaires quand on vient deux fois par trimestre, ça tient de la performance). D'ailleurs, si j'avais mon sac, je s'rais pas ici"

Je lui ai quand même fait répéter sa dernière phrase, parce que c'était vraiment un scoop pour moi d'apprendre qu'on ne venait en classe que quand on n'avait pas ses affaires. Remarquez, ça expliquerait beaucoup de choses... En fait, il avait fait un lapsus (je n'avais pas besoin de ça pour comprendre qu'il ne savait pas ce qu'il faisait là). Mais comme après, il a dormi, j'avais plutôt la paix. Jusqu'à ce que Beline pose sa question stupide. C'est pourtant vrai qu'elle est gogole...

mardi 4 mars 2008

High Pathetic

Pourquoi blogue-t-on? Cette question, toute la blogosphère se la pose périodiquement : de temps à autre, nous avons besoin de mettre du sens dans nos actions et de l'ordre dans l'absurde mêlée de nos comportements.

La première tentation est de croire qu'on le fait par exhibitionnisme. Pas un seul des blogs que je lis ne me donne l'impression d'être un voyeur. Il n'est pas du tout sûr qu'on pénètre l'intimité de l'autre en parcourant ses écrits. Il suffit de voir de quelles précautions on s'entoure pour préserver son identité (et on a bien raison) et l'autocensure que l'on s'impose, pour faire éclater cette première explication.
Un blog peut à l'occasion servir de défouloir, plus souvent par l'humour que dans l'agressivité. Il peut être le moyen de magnifier son quotidien (comme l'écrivait Patate dans l'un de ses commentaires), de régler nos frustrations vécues dans le monde réel. L'écriture n'a pas attendu l'avènement du net pour s'attribuer ce rôle : la nouveauté, c'est qu'on est lu (enfin, en théorie) par des inconnus.

Pourquoi blogué-je? C'est là que le titre de ce billet va trouver sa justification. Parce que ça me tient lieu de vie sociale. D'un simulacre de vie sociale, s'entend. Bien sûr, j'ai de vrais amis; ils ne vivent pas à côté de chez moi. Bien sûr, j'ai des collègues avec lesquels je m'entends bien (parce que je suis quand même un type formidable); mais je ne les vois pas hors du boulot. Tout cela demande des efforts, bien trop pour une flemmasse comme moi. Ecrire, c'est plaisant et, ma foi, pas trop difficile. Il n'y a pas à se faire violence pour tenir un blog; pour entretenir une amitié, il faut s'investir. High pathetic.

On a l'impression de se faire des amis dans ce monde très poli qu'est la blogosphère (enfin, celle que je fréquente), ce monde où il suffit d'un clic pour se rendre une petite visite de courtoisie. Quand je laisse un commentaire, c'est rarement par fierté d'avoir trouvé une saillie géniale; j'y vois plutôt l'équivalent d'un sourire, voire une marque d'affection - oui, parce que je me prends d'affection pour quelques blogueurs, voyez-vous... high pathetic. A ce stade, les plus sensés des lecteurs me conseilleront de m'acheter une vie, parce qu'il y a de quoi faire sacrément pitié.

Au début de Quaidesomme, j'avais pour prétention de fédérer autour du blog amis et inconnus. Les uns y auraient trouvé des nouvelles fraîches (parce qu'il ne faut pas trop compter sur moi pour empoigner le téléphone), les autres y auraient ri aux dépens de blogueurs lambda. Sachez que ces deux lectorats sont comme l'eau et l'huile : ils ne se mélangent pas. Quand l'émulsion prend, elle ne dure pas. C'est un fait, les "vrais gens" ont beau avoir l'adresse de Montdepitous, ils y viennent peu et commentent très exceptionnellement. Les lecteurs assidus, les lecteurs bavards, je ne les ai jamais rencontrés. Un blog doit sans doute rester une terre de fiction.

Pitou G

P.S. : je suis très admiratif de ces blogueuses (ce sont des initiatives féminines, en général) qui organisent entre elles de grands rassemblements. Des fois, je me dis : "ça serait formidable de rencontrer ......................... (insérez votre nom)!" Mais à bien y réfléchir, j'atteindrais le même état d'étrangeté en élevant un panda dans notre jardin.

lundi 3 mars 2008

Intervention Vaseuse de Greluche

Moment d'effarement total. Un truc tellement énorme qu'on croit à un canular. Je sais bien qu'il existe des mômes un peu à l'Ouest, voire carrément sur une autre planète; qu'il y en a qui n'ont aucune retenue, aucun filtre, aucune gêne.; que des fois, même, certains cumulent toutes ces tares. Mais, foutrebleu, là, c'est de la science-fiction. A en tomber le cul sur la photocopieuse.

Fin du cours de science et vie de la Terre. Une de ces gracieuses jeunes filles, nommons-la Grelinda, vient trouver ma collègue pour lui poser quelques questions. Alors que la salle grouille encore de ses camarades de classe, elle fait vibrer sa voix de stentor(due) :
" Madame, vous pouvez me dire comme ça se passe un avortement?
_ Bon, déjà, ce qu'il faut que tu saches, c'est qu'il faut être accompagnée d'un adulte, mais pas forcément d'un parent.
_ Ouais, mais c'est bon. De toute façon, y sont au courant".

Après, ma collègue lui explique brièvement la procédure. Grelinda s'éloigne en pouffant et hurle à travers le couloir : "Hé, t'as entendu ça, y vont me l'aspirer! hi hi hi".

Le cul sur la photocopieuse, je vous disais.

dimanche 2 mars 2008

Hypi-pique hourrah!

Pas envie, mais pas envie du tout de reprendre le boulot. Pour se regonfler à bloc, l'idéal est d'associer l'idée de travail à des souvenirs agréables. Ou alors de se convaincre que, non, ce que nous faisons n'est pas inutile; que les gosses attendent beaucoup de nous. Mouais. Pas gagné. C'est peut-être le moment de ressortir l'acrostiche que Cindy m'a offert en début d'année (bah oui, parce que depuis, j'imagine qu'elle a eu le temps de déchanter).
L'acrostiche est un poème comportant un message que l'on peut décoder à la verticale en lisant les initiales de chaque vers. Un élève qui ne m'aimerait pas, et qui aurait néanmoins assez de temps à perdre pour composer à ma gloire un acrostiche assassin, pourrait ainsi écrire :
Pourriture
Intégriste
Tordu
Ordure
Urticaire
Gluant
Et, ô indivisible merveille, vous découvrez ici mon nom! C'est bien moi la somme de toutes ces charmantes petites choses! Ce procédé a permis à Musset de faire tout plein de propositions cochonnes à George Sand, mais en y mettant la forme (voir ici l'exemple célèbre), sauf que dans leur cas, c'est le premier mot qu'il faut lire, et pas seulement la première lettre.
Heureusement pour la brave Cindy, 12 ans, on n'est pas forcé de faire des rimes (enfin si, mais c'est pas grave, Cindy). Avec beaucoup de fraîcheur et de lucidité, la poétesse a su mettre en lumière tous mes atouts :

<=Alors déjà, je suis pourvu de toutes les qualités attendues chez le prof idéal =>



La petite étourdie a oublié "supersexy" et "mégaglamour", mais on lui pardonne parce qu'elle emploie ce qui sonne aux oreilles de tout bon Normand comme le plus éminent des superlatifs :(mais nan, je pique pas! puisque je vous dis que j'ai le système pileux d'un garçon de 15 ans!). Et mieux qu'ypique*, si c'est possible, c'est :
Parmi tant de vertus, notre philosophe en herbe m'avertit de ne pas me laisser aller à mes mauvais penchants (c'est gentil, ma puce) :Si j'y prends garde, nul doute qu'on se souvienne de moi dans les siècles à venir :

Ouais, je sais, ça claque. Mais j'en demande pas tant : une petite augmentation, ça suffirait. Ou tiens, ne pas être dans deux bahuts l'an prochain, merci bien.

Cindy, décidément débordante de bonne volonté (je crois que c'est parce qu'elle l'a fait pendant mon cours, ça doit être ça), ne s'est pas contentée de l'acrostiche. Elle l'a dé-co-ré. Et attention les yeux, parce que c'est là qu'on mesure toute l'utilité de notre enseignement (et ouais) :


Evidemment, je tiens à partager la palme avec ma collègue de géographie qui a réalisé un fabuleux travail sur le drapeau et le sens civique, tout à fait en rapport avec la maîtrise de la langue.

Je sais pas vous, mais moi, je suis pressé de reprendre le taf!

Pitou G.

* Ce n'est pas à vous que je vais la faire, lecteurs avertis : y a pas de Y dans "Prof fancais Pitou G"(oui, elle a oublié un R, comme romantique, rusé, rutilant ou rudement chouette) : c'est que j'ai un vrai nom avec un Y dedans (oui, j'ai été sans pitié pour cette courageuse Cindy). Allez, vous pouvez m'appeler Pytou.

P.S. : blague à part, c'est con, mais ça fait plaisir ce genre de cadeau. C'est pas si souvent.

samedi 1 mars 2008

French cuisine

YoungFather, comme tous les profs d’anglais, a occupé un poste d’assistant en Englandie où il a pu colporter l’image chic et éternelle de l’art de vivre à la française. Son premier chantier fut bien sûr de défendre notre gastronomie (bientôt, peut-être, classée au patrimoine mondial ; d’ailleurs, je propose à titre personnel d’y porter le slip à poche kangourou).

Lors de son premier lunch outre-manche, Youngfather a été un peu dérouté par le self de son highschool, constitué de plusieurs stands thématiques. Après avoir choisi une salade, pas très au fait des mœurs locales, il s’est vu refoulé du stand dévolu à la viande : sa salade était considérée comme un plat unique (j’imagine qu’il n’y avait pas que de la laitue dedans, sinon, bonjour l’arnaque). Comme malgré sa taille de guêpe (comme moi) il reste un estomac sur pattes (comme moi), il s’est ravisé, a reposé sa salade et est parti en quête d’un plat plus consistant.

C’est alors qu’il tombe sur le stand idéal : un friand à la viande tout chaud, voilà qui nourrit son homme ! Reste à choisir l’accompagnement. En maître de la diététique, il fait la queue devant les frites. Mais voilà que le serveur a l’air d’hésiter. YoungFather ne savait pas qu’en Englandie, c’était viande ou légumes ; ou alors, c’est que les cantines scolaires sont très concernées par le problème de l’obésité. Mon collègue parlemente. Devant son enthousiasme, le serveur cède devant l’étrangeté française et, avec une ombre d’inquiétude dans le regard, lui propose même d’ajouter de la sauce. Youngfather refuse, se disant qu’il avait bien assez bousculé les habitudes indigènes.

À peine a-t-il posé son plateau sur la table qu’il sent qu’un truc cloche. Tous les profs qui l’entourent jettent un regard plein d’effroi sur le contenu de son assiette. Ces Français sont bien excentriques ; mais après tout, s’il aime manger des frites avec son gâteau aux pommes, ça ne regarde que lui.
Avec un peu de sauce, l’alliance des saveurs aurait peut-être été parfaite…

Pitou G.